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THAÏLANDE – POLITIQUE : Anutin et la Covid, toute une histoire…

Journaliste : Philippe Bergues Date de publication : 09/01/2023
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Anutin avec touriste chinois

 

Notre ami Philippe Bergues nous livre sa chronique politique de rentrée, consacrée au ministre de la santé Anutin et à la Covid…

 

Faut-il, ou non, exiger à nouveau des certificats de vaccination ou des tests à l’entrée en Thaïlande. Jusqu’au dernier moment, c’est à dire au lundi 9 janvier, le gouvernement thaïlandais a hésité. Motif : l’acceptation ou non sur son territoire de touristes chinois en mal de déplacements à l’étranger, dont ils étaient privés depuis deux ans pour cause de politique sanitaire stricte de confinement. L’heure est finalement à l’ouverture du pays sans contrainte. Ce qui amène quand même à se poser quelques questions.

 

Première question : celle des objectifs et du prix à payer pour les atteindre. La Tourism Authority of Thailand (TAT) prévoit une arrivée de 300 000 voyageurs en provenance de Chine au premier trimestre 2023, ce qu’Anutin considère comme « limité et contrôlable » par les autorités thaïlandaises. Il ne voit donc pas la nécessité de règles spécifiques pour eux d’autant que les vols arrivant à Suvarnabhumi de Shanghaï, Pékin, Hong Kong, Canton et des autres métropoles chinoises restent nettement en sous régime par rapport aux fréquences pré-Covid. Bien évidemment, Anutin, dans son raisonnement, ne veut pas casser la reprise économique en Thaïlande où le tourisme joue un rôle majeur dans les recettes domestiques. Money is money. « Nous devons tenir compte des questions économiques. De nombreux Thaïlandais ont été vaccinés. Il existe des médicaments et des hôpitaux pour les personnes infectées. Les arrivées ne poseront aucun risque sérieux. Nous traiterons les visiteurs chinois comme ceux qui arrivent d’autres pays » s’est-il justifié en ajoutant « que ce sont des voyageurs indépendants haut de gamme à fort pouvoir d’achat ».

 

La seconde question est celle du traitement différencié des occidentaux et des chinois.

 

Cette mansuétude présente d’Anutin vis-à-vis des Chinois entre en contradiction avec son discours de 2020, au moment de la pandémie naissante en Thaïlande. Les farangs ou « étrangers blancs » étaient alors accusés de tous les maux y compris celui de propager le Covid au pays du sourire. Rappelons ses propos xénophobes de l’époque, qu’une grande partie de la presse thaïe avait reconnu désobligeants : « aujourd’hui, j’ai visité Chiang Mai et j’ai remarqué qu’il n’y avait presque pas de touristes chinois. Tout ce que vous voyez, ce sont des farangs. Non seulement cela, mais 90% des Thaïlandais portent des masques. Cependant, aucun des farangs ne porte de masque. C’est la raison pour laquelle notre pays est infecté partout. Nous devrions faire plus attention aux farangs qu’aux asiatiques ». En mettant en garde ses compatriotes thaïlandais contre les étrangers fuyant en hiver leur propre pays pour le « refuge » de la Thaïlande, Anutin accusait ces « dirty farangs » de venir « pour se cacher de la maladie et qu’en plus, beaucoup sont sales et ne se douchent pas ». Portrait peu flatteur. Ce que semblait oublier Anutin dans ce discours de début mars 2020 est que les racines du Covid ne provenaient ni d’Europe, ni d’Amérique, ni d’Océanie. Mais du foyer chinois voisin, d’abord déclaré à Wuhan avant de se propager dans les mégapoles. Anutin s’était légèrement excusé peu de temps après pour ses propos racistes vis-à-vis des farangs.

 

Ce double discours d’Anutin en 2020 et 2023 est certainement à comprendre selon les préoccupations contextuelles des deux moments. En 2020, il fallait protéger une population thaïlandaise au début de ce qui allait devenir une pandémie. Et contraindre la Thaïlande à se fermer puis à décider de contrôles sanitaires drastiques avec des mesures de quarantaine. Ce qui ne permet pas pour autant un index accusateur vis-à-vis des seuls farangs. En 2023, il ne s’agit plus de santé publique mais d’économie. Tous les touristes sont les bienvenus car le pays a souffert de deux saisons totalement off. Tant de couches de la population vivent directement ou indirectement de ces recettes, il serait donc très malvenu de briser la « poule aux œufs d’or » aujourd’hui. Et Anutin le sait. Le TAT mise entre 20 et 25 millions d’arrivées en 2023. Et Anutin, leader du Bumjamthai, aux hautes ambitions politiques, a une prochaine campagne électorale à préparer sans contrarier ses potentiels électeurs.

 

Philippe Bergues

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