A la veille de la visite en Chine d’Emmanuel Macron, nous reproduisons ici le discours prononcé à Bruxelles par la présidente de la Commission européenne, qui l’accompagnera à Pékin.
Discours de la Présidente von der Leyen sur les relations entre l’UE et la Chine à l’intention du Mercator Institute for China Studies et du Centre de politique européenne.
Bruxelles, le 30 mars 2023
Mesdames et Messieurs,
C’est un réel plaisir d’être présente à cet évènement spécial organisé conjointement par deux des groupes de réflexion les mieux informés et les plus indépendants d’Europe. Alors que la situation mondiale devient plus difficile à décrypter, et à une époque où les faits sont régulièrement remis en question, le travail que vous effectuez n’a jamais été plus important pour l’Europe. Parce que ce n’est qu’en ayant une meilleure compréhension du monde tel qu’il est réellement – et non comme nous souhaiterions qu’il soit – que nous pourrons élaborer des politiques mieux éclairées. C’est la raison pour laquelle je suis convaincue que les groupes de réflexion jouent un rôle essentiel dans notre démocratie. En seulement dix ans, MERICS a acquis une expertise unique en ce qui concerne l’analyse des tendances politiques, économiques et sociales en Chine et leur incidence sur l’Europe et le monde. Et nous devons préserver et défendre votre droit – et celui de tous les groupes de réflexion – de faire preuve d’esprit analytique et critique. Je tiens donc à exprimer ma solidarité avec vous et avec toutes les autres personnes et institutions qui ont été injustement sanctionnées par le gouvernement chinois. Je tiens également à féliciter le Centre de politique européenne à l’occasion de son 25e anniversaire. Dès le premier jour, vous avez été une voix véritablement européenne dans le monde de l’action publique et de l’université. Cet esprit est tout à fait à l’image de l’un de vos fondateurs, et l’un des pères les plus méconnus de l’Europe – Max Kohnstamm. Max Kohnstamm a vécu un traumatisme personnel et une tragédie pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qu’il a connu l’a incité à consacrer sa vie à la construction d’une Europe unie. Une question a toujours guidé son travail : « Pensons-nous que les États sont pour toujours condamnés à rester […] à ne jamais faire confiance à un autre État? Ou croyons-nous à la possibilité du changement, d’une évolution progressive des mentalités des hommes et de leur comportement? ». Cet engagement à faire émerger une meilleure compréhension entre les uns et les autres perdure au sein de la communauté des groupes de réflexion en Europe.
un monde en mutation rapide
Et c’est la nécessité d’approfondir notre connaissance d’un monde en mutation rapide qui nous amène ici à débattre de la politique de l’Europe à l’égard de la Chine. Notre relation avec la Chine est l’une des plus complexes et des plus importantes du monde. Et la manière dont nous la gérons sera un facteur déterminant pour notre prospérité économique et la sécurité nationale à l’avenir. La Chine est une nation dont l’histoire unique en son genre remonte à l’origine de la civilisation, et a connu l’essor et la chute de dynasties. Ses philosophes ont façonné la culture et la société dans une grande partie du monde d’aujourd’hui, depuis les enseignements de Lao Tseu, sur la vie en harmonie avec la nature, jusqu’aux valeurs éthiques de Confucius. Les quatre grandes inventions de la Chine antique – la boussole, la poudre, la fabrication du papier et l’imprimerie – ont révolutionné la civilisation mondiale. Mais l’époque actuelle est, à bien des égards, l’un des chapitres les plus notables de cette longue histoire, complexe et souvent turbulente. En moins de 50 ans, la Chine est passée d’une situation de pauvreté généralisée et d’isolement économique au statut de deuxième économie mondiale et à la première place pour ce qui est de nombreuses technologies de pointe. Depuis 1978, la croissance atteint en moyenne plus de 9% par an, et plus de 800 millions de personnes sont sorties de la pauvreté. C’est l’une des plus grandes réalisations du siècle dernier. La portée de la Chine s’étend sur tous les continents et dans les institutions mondiales, et ses ambitions sont encore bien plus vastes. Grâce à l’initiative « une ceinture, une route », elle est le principal prêteur aux pays en développement. Et sa puissance économique, industrielle et militaire remet en question toute idée selon laquelle la Chine elle-même reste un pays en développement. Nous l’avons constaté quand, en octobre dernier, le président Xi a déclaré au Congrès du Parti communiste qu’il voulait que, d’ici à 2049, la Chine devienne un chef de file mondial sur le plan de « la force nationale composite et de l’influence internationale ». Ou pour le dire plus simplement : il veut en substance que la Chine devienne la nation la plus puissante au monde. Compte tenu de sa taille et de son influence mondiale, la réouverture de l’économie chinoise après la COVID-19 est positive. Et il est bon que nos citoyens, nos entreprises et nos diplomates soient à nouveau en mesure d’échanger. Parce que la compréhension mutuelle commence par la discussion.
Pour autant, nous sommes préoccupés par les raisons qui motivent ce retour sur la scène mondiale. La définition d’une stratégie européenne à l’égard de la Chine – ou en quoi consiste une stratégie réussie – doit commencer par une évaluation objective de nos relations actuelles et des intentions stratégiques de la Chine. Notre relation avec la Chine est bien trop importante pour être mise en péril faute de définition claire des conditions d’un dialogue sain. Il est clair que nos relations sont devenues plus distantes et plus difficiles ces dernières années. Depuis un certain temps, nous avons assisté à un durcissement très délibéré de la position stratégique globale de la Chine. Elle s’accompagne désormais d’une recrudescence d’actions de plus en plus affirmées. Nous en avons eu un vif rappel la semaine dernière à Moscou, lors de la visite d’État du président Xi. Loin d’être décontenancé par l’invasion atroce et illégale de l’Ukraine, le président Xi maintient son amitié « sans limite » avec la Russie de Poutine. Mais il y a eu un changement de dynamique dans la relation entre la Chine et la Russie. Il ressort clairement de la visite que la Chine voit dans la faiblesse de Poutine un moyen d’accroître son influence sur la Russie. Et il est évident que l’équilibre des pouvoirs dans cette relation – qui, pendant la majeure partie du siècle dernier, était favorable à la Russie – s’est inversé. L’élément le plus évocateur a été la déclaration du président Xi à Poutine à sa sortie du Kremlin, lorsqu’il a dit : « En ce moment, il se produit des changements comme nous n’en avons pas connu depuis 100 ans. Et nous sommes ceux qui, ensemble, sont à l’origine de ces changements ». En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine a la responsabilité de préserver les principes et les valeurs qui sont au cœur même de la charte des Nations Unies. Et la Chine a le devoir de jouer un rôle constructif dans l’encouragement d’une paix juste. Mais cette paix ne peut être juste que si elle est fondée sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. L’Ukraine définira les termes d’une paix juste, qui passe par le retrait des troupes qui l’ont envahie. Tout plan de paix qui consacrerait les annexions russes n’est tout simplement pas viable. Nous devons être francs à ce sujet. La manière dont la Chine continuera de réagir face à la guerre menée par Poutine sera un facteur déterminant de l’avenir des relations entre l’UE et la Chine. Et, bien entendu, la Chine elle-même a adopté une attitude plus ferme vis-à-vis de ses propres voisins. La démonstration de force militaire en mer de Chine méridionale et orientale, ainsi qu’à la frontière avec l’Inde, a des répercussions directes sur nos partenaires et leurs intérêts légitimes. Nous insistons également sur l’importance de la paix et de la stabilité dans le Détroit de Taïwan. Tout affaiblissement de la stabilité régionale en Asie, région qui connaît la croissance la plus rapide au monde, nuit à la sécurité mondiale, à la libre circulation des échanges et à nos propres intérêts dans la région. Les graves violations des droits de l’homme au Xinjiang sont également très préoccupantes, comme le montre le récent rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. La manière dont la Chine satisfait aux obligations internationales en matière de droits de l’homme sera un autre critère pour déterminer comment – et dans quelle mesure – nous pouvons coopérer avec elle. Tout comme la Chine a renforcé sa posture militaire, elle a également intensifié ses politiques de désinformation et de contrainte économique et commerciale. C’est une politique délibérée ciblant d’autres pays pour faire en sorte que ceux-ci se plient aux attentes chinoises. Nous l’avons vu lorsque la Chine a réagi à l’ouverture d’un bureau taïwanais à Vilnius, en prenant des mesures de rétorsion à l’encontre de la Lituanie et d’autres entreprises européennes. Nous l’avons vu avec les boycotts contre des marques de vêtements qui avaient pris position sur la question des droits de l’homme, ou avec les sanctions prises à l’encontre de députés européens, de fonctionnaires et d’institutions universitaires en raison de leurs opinions sur les actions de la Chine. Nous avons constaté que les États membres sont de plus en plus confrontés à des activités chinoises, dans leurs sociétés, qui ne sont pas tolérables. Et nous l’avons vu dans la région, par exemple lorsque la Chine a fortement limité les exportations australiennes d’orge et de vin en raison des questions du gouvernement australien sur l’origine de la COVID-19. Tout cela s’inscrit dans le cadre d’une utilisation délibérée de situations de dépendance et de leviers économiques pour faire en sorte que la Chine obtienne ce qu’elle souhaite des pays plus petits.
L’escalade que l’on observe indique que la Chine devient plus répressive à l’intérieur de ses frontières et plus ferme à l’étranger.
Nous pouvons tirer trois grandes conclusions sur la manière dont la Chine évolue – et en tenir compte impérativement pour réorienter nos propres politiques. La première est que la Chine a désormais tourné la page de l’ère « des réformes et de l’ouverture », et entre dans une nouvelle ère axée sur la sécurité et le contrôle. Nous l’avons remarqué au début du mois, lorsque le président Xi a répété son engagement de faire de l’armée chinoise une « grande muraille d’acier qui protège efficacement la souveraineté, la sécurité et les intérêts en matière de développement de la Chine ». Nous le constatons avec l’initiative de Pékin pour la sécurité mondiale, qu’elle cherche à faire intégrer dans les documents des Nations Unies et dans le discours international de manière plus large. Nous pouvons donc nous attendre à ce que l’accent soit davantage mis sur la sécurité, qu’elle soit militaire, technologique ou économique. Toutes les entreprises chinoises, par exemple, sont déjà tenues par la loi de contribuer aux opérations de collecte de renseignements de l’État et de les tenir secrètes. Nous pouvons également nous attendre à des mesures de contrôle économique encore plus strictes dans le cadre d’un renforcement du pilotage de l’économie par le parti communiste chinois, par l’intermédiaire de ses institutions et de ses dirigeants. Et nous pouvons nous attendre à de nettes pressions pour que la Chine devienne moins dépendante du reste du monde, mais le reste du monde plus dépendant de la Chine. Ou, comme l’a déclaré franchement le président Xi il y a quelques années, « la Chine doit renforcer la dépendance des chaînes de production internationales vis-à-vis de la Chine pour constituer une capacité puissante de réaction et de dissuasion ». C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les matières premières critiques telles que le lithium ou le cobalt. Pour des secteurs tels que le transport ferroviaire à grande vitesse et la technologie des énergies renouvelables. Ou encore pour les technologies émergentes qui sont vitales pour la sécurité économique et nationale future, comme l’informatique quantique, la robotique ou l’intelligence artificielle. La deuxième conclusion que nous pouvons tirer de tout ça est que l’impératif de sécurité et de contrôle dépasse désormais la logique de la liberté des marchés et de l’ouverture des échanges. Dans son rapport au récent Congrès du parti, le président Xi a invité le peuple chinois à se préparer à la lutte. Ce n’est pas une coïncidence s’il a utilisé à plusieurs reprises dans son discours d’ouverture les mots « douzheng » et « fendou », qui peuvent tous deux se traduire par le terme « lutte ». C’est le signe d’une vision du monde façonnée par une certaine mission pour la nation chinoise. Ce qui m’amène à la troisième conclusion. À savoir que l’objectif clair du PCC est un changement systémique de l’ordre international, focalisé sur la Chine. Cela ressort des positions de la Chine au sein des instances multilatérales, qui montrent sa détermination à promouvoir une autre vision de l’ordre mondial. Une vision dans laquelle les droits individuels sont subordonnés à la souveraineté nationale. Où la sécurité et l’économie l’emportent sur les droits civils et politiques. Nous l’avons vu avec l’initiative « une ceinture, une route », de nouvelles banques internationales ou d’autres institutions pilotées par la Chine, mises en place pour rivaliser avec le système international actuel. Nous l’avons constaté avec l’ensemble d’initiatives mondiales prises par la Chine, et par la manière dont elle se positionne en tant que puissance et médiateur en faveur de la paix, par exemple dans le contexte du récent accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Et nous avons vu la manifestation d’amitié à Moscou, qui en dit long sur cette nouvelle vision de l’ordre international.
Dans ce contexte, notre réponse doit consister en premier lieu à œuvrer au renforcement du système international lui-même.
Nous voulons travailler avec nos partenaires sur des questions mondiales comme le commerce, la finance, le climat, le développement durable ou la santé. À cette fin, nous devons renforcer les institutions et les systèmes dans lesquels les pays peuvent se faire concurrence et coopérer, et dont ils bénéficient. C’est pourquoi il est crucial de garantir la stabilité diplomatique et des lignes de communication ouvertes avec la Chine. Je pense qu’il n’est ni viable, ni dans l’intérêt de l’Europe, de se distancier de la Chine. Nos relations ne sont ni noires ni blanches, et notre réponse ne peut l’être non plus. C’est pourquoi nous devons nous concentrer sur la réduction des risques, et non sur la distanciation. C’est notamment pour cette raison que j’irai bientôt à Pékin avec le président Macron. La gestion de cette relation et un échange ouvert et franc avec nos homologues chinois sont des éléments essentiels de ce que j’appellerais la réduction des risques par la diplomatie dans nos relations avec la Chine. Nous ne craindrons jamais de soulever les questions profondément préoccupantes que j’ai déjà évoquées. Mais je crois que nous devons laisser le champ libre à un débat sur un partenariat plus ambitieux et sur les moyens de rendre la concurrence plus équitable et plus disciplinée. Et, plus généralement, nous devons réfléchir à la manière dont nous pourrons collaborer de manière productive dans le système mondial à l’avenir, et à quels défis nous nous attaquerons. Certains domaines nous offrent des perspectives sur lesquelles nous appuyer. Prenez le changement climatique et la protection de la nature. Je me félicite vivement du rôle de premier plan joué par la Chine dans la conclusion de l’accord mondial historique sur la biodiversité de Kunming-Montréal. Il y a quelques semaines à peine, la Chine a également joué un rôle actif dans l’accord mondial visant à protéger la biodiversité dans les eaux internationales. En cette période de conflit et de tensions à l’échelle mondiale, il s’agit là de réalisations diplomatiques notables, sur lesquelles la Chine et l’Union ont travaillé ensemble. De plus, nous serons heureux de collaborer dans le même esprit, plus tard dans l’année, dans la perspective de la COP28. Cela montre ce qui peut être fait lorsque les intérêts convergent. Cela montre également que la diplomatie peut encore fonctionner, que ce soit pour se préparer aux pandémies, pour lutter contre la prolifération nucléaire ou pour œuvrer à la stabilité financière mondiale.
Le fait est que nous ne voulons pas rompre les liens économiques, sociétaux, politiques et scientifiques.
La Chine est un partenaire commercial essentiel: elle représente 9% de nos exportations de biens et plus de 20% de nos importations de biens. Si les déséquilibres se creusent, la plupart de nos échanges de biens et de services restent mutuellement bénéfiques et dépourvus de risques. Toutefois, notre relation est déséquilibrée et souffre de plus en plus de distorsions créées par le capitalisme d’État chinois. Nous devons donc rééquilibrer cette relation sur la base de la transparence, de la prévisibilité et de la réciprocité. Nous devons veiller à ce que nos relations en matière de commerce et d’investissement favorisent la prospérité en Chine et dans l’Union. L’accord global sur les investissements – pour lequel les négociations se sont achevées en 2020 – vise à un tel rééquilibrage. Cependant, nous devons reconnaître que le monde et la Chine ont changé ces trois dernières années – et nous devons réévaluer l’AGI à la lumière de notre stratégie d’ensemble vis-à-vis de la Chine. Nous savons qu’il existe des domaines dans lesquels le commerce et les investissements présentent des risques pour notre sécurité économique ou nationale, d’autant plus que la Chine fusionne de manière explicite ses secteurs militaire et commercial. C’est le cas de certaines technologies sensibles, des biens à double usage ou même d’investissements qui s’accompagnent de transferts forcés de technologie ou de savoir-faire. C’est la raison pour laquelle, après la réduction des risques par la diplomatie, le deuxième volet de notre future stratégie envers la Chine doit être la réduction des risques par l’économie. Le point de départ de cette approche est d’avoir une vision claire des risques. Cela nécessite de reconnaître la manière dont les ambitions de la Chine en matière d’économie et de sécurité ont évolué. Mais il s’agit également d’examiner de manière critique notre propre résilience et nos propres dépendances, en particulier au sein de notre base industrielle et de défense. Pour cela, il est indispensable de mettre notre relation à l’épreuve afin de voir où se situent les plus grandes menaces pour notre résilience, notre prospérité à long terme et notre sécurité. Nous pourrons ainsi développer notre stratégie de réduction des risques par l’économie dans quatre domaines. Le premier consiste à rendre notre propre économie et notre propre industrie plus compétitives et résilientes. C’est surtout vrai en ce qui concerne la santé, le numérique et le secteur des technologies propres. Le marché mondial des technologies «zéro net», par exemple, devrait tripler d’ici à 2030. Notre capacité à rester pionniers dans ce secteur façonnera notre économie pendant les décennies à venir. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté la semaine dernière le règlement pour une industrie zéro net, élément essentiel de notre plan industriel du pacte vert. L’objectif est de pouvoir produire au moins 40% des technologies propres dont nous avons besoin pour la transition écologique, comme l’énergie solaire, l’énergie éolienne terrestre et les énergies renouvelables en mer, les batteries et le stockage, les pompes à chaleur et les technologies de réseau. Mais pour y parvenir, nous aurons également besoin d’une plus grande indépendance et d’une plus grande diversité en ce qui concerne les intrants clés nécessaires à notre compétitivité. Nous savons que nous dépendons d’un seul fournisseur, la Chine, pour 98% de notre approvisionnement en terres rares, 93% de notre magnésium et 97% de notre lithium. Nous gardons bien à l’esprit ce qui s’est passé avec les importations japonaises de terres rares en provenance de Chine il y a dix ans, lorsque les tensions en matière de politique étrangère se sont exacerbées entre les deux pays en mer de Chine orientale. Et notre demande concernant ces matériaux va exploser à mesure que les transitions numérique et écologique s’accéléreront. Les batteries qui alimentent nos véhicules électriques devraient multiplier par 17 la demande de lithium d’ici à 2050. C’est pourquoi nous avons proposé un règlement sur les matières premières critiques, qui devra contribuer à la diversification et à la sécurité de l’approvisionnement. Nous devons aussi réfléchir à cette question dans l’ensemble de notre marché unique, afin de renforcer notre résilience dans les domaines du cyberespace et du transport maritime, de l’espace et du numérique, de la défense et de l’innovation. Le deuxième volet de la stratégie de réduction des risques consiste à mieux utiliser la panoplie d’instruments commerciaux dont nous disposons. Ces dernières années, nous avons mis en place des mesures pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité, que celles-ci concernent la 5G, les investissements directs étrangers ou les contrôles à l’exportation. Nous nous sommes dotés des outils nécessaires pour lutter contre les distorsions économiques, notamment grâce au règlement sur les subventions étrangères, ainsi qu’à un nouvel instrument visant à décourager la contrainte économique. Nous devons maintenant être unis, au niveau de l’UE, pour utiliser plus audacieusement et plus rapidement ces instruments lorsqu’ils sont nécessaires, et nous devons faire respecter la législation avec plus de fermeté. Troisièmement, l’évolution des politiques de la Chine pourrait nous obliger à mettre au point de nouveaux outils de défense pour certains secteurs critiques. L’Union doit définir sa relation future avec la Chine et d’autres pays dans des domaines de haute technologie sensibles tels que la microélectronique, l’informatique quantique, la robotique, l’intelligence artificielle, la biotechnologie et d’autres. Lorsque des biens peuvent se prêter à un double usage ou que les droits de l’homme peuvent être mis en jeu, il faut définir clairement si des investissements ou des exportations sont bien au service de notre propre sécurité. Nous devons veiller à ce que le capital, l’expertise et le savoir-faire de nos entreprises ne soient pas utilisés pour renforcer les capacités militaires et de renseignement de ceux qui sont également nos rivaux systémiques. Nous devons donc rechercher, dans notre panoplie d’instruments, les lacunes qui permettent la fuite de technologies émergentes ou sensibles au travers d’investissements effectués dans d’autres pays. C’est pourquoi nous réfléchissons actuellement à la question de savoir si et comment l’Europe devrait mettre au point un instrument ciblé sur les investissements sortants. Cet instrument concernerait un petit nombre de technologies sensibles pour lesquelles les investissements peuvent conduire au développement de capacités militaires présentant des risques pour la sécurité nationale. La Commission présentera, dans le courant de l’année, quelques pistes dans le cadre d’une nouvelle stratégie de sécurité économique. Cela permettra de déterminer où nous devons renforcer notre sécurité économique et comment mieux utiliser nos outils de sécurité commerciale et technologique. La quatrième partie de notre stratégie de réduction des risques par l’économie est l’alignement avec d’autres partenaires.
Sur les questions touchant à notre sécurité économique, nous avons beaucoup de points communs avec nos partenaires du monde entier. C’est particulièrement vrai pour nos partenaires du G7 et du G20 et pour ceux de la région et au-delà, qui ont souvent des relations plus intégrées avec la Chine et sont plus avancés dans leur réflexion sur la réduction des risques. Dans ce cadre, nous nous concentrerons sur les accords de libre-échange là où nous n’en avons pas encore conclu – comme avec la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Inde, nos partenaires de l’ASEAN et du Mercosur –, sur la modernisation de certains accords – comme ceux conclus avec le Mexique et le Chili – et sur une meilleure utilisation des autres accords qui existent déjà. Nous renforcerons la coopération dans des secteurs tels que le numérique et les technologies propres, par l’intermédiaire du Conseil du commerce et des technologies avec l’Inde ou de l’alliance verte UE-Japon. Et nous investirons également dans les infrastructures de la région et au-delà, dans le cadre de la stratégie « Global Gateway ». Nous offrons aux pays en développement un véritable choix en matière de financement des infrastructures. Tout cela contribuera à renforcer la résilience de notre chaîne d’approvisionnement et à diversifier nos échanges commerciaux – ce qui doit être un élément central de notre stratégie de réduction des risques par l’économie.
La perspective que nous avons devant nous, c’est celle d’un recentrage sur les questions les plus importantes. C’est aussi le reflet de la nécessité d’adapter notre stratégie à la manière dont le PCC semble évoluer. Mais si nous voulons gérer cette relation de manière à préparer l’avenir, nous devons le faire ensemble. À ce moment décisif pour la marche du monde, nous avons besoin de cette volonté collective de réagir ensemble. Une politique européenne forte envers la Chine doit s’appuyer sur une coordination étroite entre les États membres et les institutions de l’Union, ainsi que sur la volonté de contrecarrer des tactiques qui viseraient à nous diviser pour mieux régner. Cependant, je tiens aussi à dire que rien n’est inévitable en géopolitique. La Chine est un mélange fascinant et complexe d’histoire, de progrès et de défis. Et elle définira ce siècle. Mais l’histoire de notre relation avec la Chine n’est pas encore entièrement écrite, et elle ne doit pas forcément être défensive. Nous devons montrer collectivement que notre système démocratique, nos valeurs et notre économie ouverte peuvent apporter la prospérité et la sécurité aux gens. Dans le même temps, nous devons toujours être prêts à parler et à travailler avec ceux qui voient le monde différemment. Ce qui me ramène à mon point de départ et à ce que disait Max Kohnstamm au sujet de l’évolution progressive des mentalités et des actions. C’est à cela que vous œuvrez chaque jour. Et c’est en cela que l’Europe croira toujours.
Longue vie à l’Europe, et merci de votre attention.
En 2005 un referendum sur l’Europe a été cassé. .. L’Europe est de plus en plus assujettie aux intérêts des USA. La corruption (immédiate ou différée) et les lobbies gangrènent les institutions européennes. Ce discours est d’une suffisance extrême sur la défense des valeurs démocratiques… Ce discours colle de près à l’influence hégémonique de certains états sur la marche du monde . .. L’Europe devrait balayer devant sa porte avant de se poser en donneur de leçons… L’Europe ne devrait pas s’aligner sur la politique d’autres pays dominants…