C’est un sujet quasi intouchable en Thaïlande. Mais il peut être débattu sur le plan juridique, puisqu’il figure dans le code pénal Thaïlandais. Que penser, sur le plan du droit, du crime de « lèse majesté » en vigueur dans le royaume. Gavroche reproduit ici des extraits d’un article publié par le site The Diplomat. Il est signé d’un éminent professeur de droit australien.
Le professeur Kevin Bell est conseiller royal et a été juge à la Cour suprême de Victoria, en Australie, pendant 15 ans. Il est l’ancien directeur du Castan Centre for Human Rights Law de la Faculté de droit de l’Université Monash. Bell a écrit le 5 avril sur le crime de lèse-majesté dans The Diplomat : « Thailand’s Lese-Majeste Cases Are a Travesty of Justice » (Les cas de lèse-majesté en Thaïlande sont une parodie de justice).
Bell estime que les tribunaux jugent des militants politiques pour avoir insulté le roi de Thaïlande, tout en évitant toute discussion sur ce qu’ils ont réellement dit et si c’était vrai.
Un réquisitoire argumenté
Bell se concentre sur « l’étudiante thaïlandaise de 24 ans Panusaya Sithijirawattankaul, qui a déjà passé 59 jours en prison ». Son crime présumé est d’avoir posé des questions sur le roi Vajiralongkorn lors d’un rassemblement en 2020, notamment sur le fait qu’il « passait des périodes prolongées dans divers lieux de vacances en Allemagne et négligeait les affaires du gouvernement. ».
Selon Panusaya, « le budget n’est pas entré en vigueur à temps et personne n’a eu le courage de le dire franchement parce que le signataire n’était pas dans le pays. Il menait la belle vie en dépensant l’argent des contribuables en Allemagne ».
L’ancien juge Bell observe que « Panusaya est l’un des sept manifestants thaïlandais poursuivis pour avoir violé la loi draconienne de lèse-majesté de la Thaïlande, qui criminalise la critique de la monarchie, dans le plus grand procès à ce jour en vertu de cette loi. Quinze autres personnes sont poursuivies dans le cadre du même procès pour sédition et atteinte à l’ordre public ».
Les accusés sont des orateurs et des manifestants qui ont appelé à une réforme de la monarchie et de la constitution. « Ceux qui ont prononcé des discours, comme Panusaya, ont dénoncé les absences signalées du roi de Thaïlande ainsi que ses apparentes extravagances ». écrit le professeur Kevin Bell.
Son avis ? L’article 112 « criminalise des actes de liberté d’expression par ailleurs ordinaires. Pire encore, les tribunaux thaïlandais ont décidé que l’accusation n’avait même pas à prouver que les déclarations de l’accusé étaient fausses. Cette décision s’explique par l’extrême sensibilité qui entoure les critiques à l’égard du roi. En fait, les procureurs veulent poursuivre les accusés et les tribunaux veulent les condamner pour avoir insulté le roi, tout en évitant de parler de ce qui a été dit et de la véracité des propos. Par conséquent, même des déclarations factuelles sur la monarchie peuvent être criminalisées ».
Et d’ajouter : « les accusés tels que Panusaya et ses compagnons de protestation ont été soumis à un procès inéquitable. L’un des fondements du droit international est de permettre aux accusés de contester les arguments et les preuves présentés par l’accusation, ce qui s’est produit à maintes reprises au cours de ma propre expérience en tant que juge. Dans ce procès, l’accusation a insisté sur le fait que les déclarations des manifestants étaient en fait des mensonges»sans possibilité pour eux de justifier leurs dires» L’accusation a en effet refusé de partager les preuves.
A lire en intégralité sur le site The Diplomat (en anglais)