Pendant des décennies, ils ont été parmi les personnes les plus riches, les plus puissantes – et les plus arrogantes – d’Asie, et probablement parmi les plus craintes. Ils dirigeaient Jakarta comme s’ils en étaient les propriétaires, ce qui semblait d’ailleurs être le cas. Ils étaient les enfants du dictateur indonésien Suharto, qui a dirigé le pays de 1967 au 21 mai 1998, date à laquelle il a finalement été chassé du pouvoir par la crise financière asiatique de 1997-1997 et par les excès de sa famille, de son clan et de lui-même.
Contrairement aux enfants de l’homme fort philippin Ferdinand Marcos, tout aussi corrompu, qui sont revenus de la disgrâce et ont repris la politique dans une nation indulgente, les enfants de Suharto ont jusqu’à présent échoué dans la vie publique, bien qu’ils restent à Jakarta, largement à l’abri de la loi. Certains d’entre eux, comme Titiek et Tommy, ont tenté d’utiliser le nom de leur père pour obtenir un soutien politique, mais n’y sont pas parvenus. Malgré cela, ils vivent dans la prospérité et sont occupés à gérer des entreprises valant des milliards de rupiahs, fruit du règne de leur père. Des efforts sporadiques ont été déployés pour récupérer une partie des fonds volés. En 2019, le gouvernement a signé un accord juridique mutuel avec la Suisse afin de faciliter la localisation et le gel des avoirs issus d’actes criminels. Mais malgré les espoirs initiaux, peu d’efforts ont été déployés jusqu’à présent pour l’utiliser.
Selon les organisations respectées qui ont enquêté, Suharto aurait accumulé d’énormes richesses grâce à la corruption, à la collusion et au népotisme. Il a accordé à sa progéniture des monopoles qui leur ont permis de contrôler des pans entiers de l’économie indonésienne. En 2004, l’agence Transparency International a publié le Rapport mondial sur la corruption, classant Suharto comme le dirigeant le plus corrompu au monde, avec des actifs de 15 à 35 milliards de dollars américains amassés au cours de ses 32 années au pouvoir. Il a dépassé d’autres dirigeants, comme le Philippin Marcos, avec une fortune de 5 à 10 milliards de dollars, et le président yougoslave Slobodan Milosevic, avec 1 milliard de dollars, bien que tous soient considérés comme étant bien plus riches que l’homme fort russe Vladimir Poutine, qui serait assis sur une fortune estimée en 2013 à 40-70 milliards de dollars.
Remerciements à Michel Prévot