Prenez une carte du monde et regardez l’agenda récent de Xi Jinping, le président Chinois. On sait, bien sûr, que celui ci a reçu Emmanuel Macron du 5 au 8 avril. Mais le président français a du, quasiment, se mettre dans la file d’attente. L’espagnol Pedro Sanchez, le premier ministre malais Anwar Ibrahim, quantité de ministres des Affaires étrangères. Le conflit en Ukraine a replacé la Chine au centre de l’échiquier mondial. Elle est la seule, entend on, à pouvoir peser sur Vladimir Poutine et le convaincre d’arrêter cette guerre. Elle est surtout, aujourd’hui, le seul contrepoids à la puissance américaine.
On ne va pas juger ici des mérites de la politique Française, qui cherche à inventer une « puissance d’équilibres » entre Pékin et Washington. Beaucoup d’experts ont commenté la visite du président Macron, en s’inquiétant du décalage entre le protocole maximal et les résultats maigres rapportés de ce voyage. Le sujet, c’est la Chine. Comment s’assurer que Pékin va, dans les années à venir, jouer le jeu des institutions multilatérales que son gouvernement affirme défendre ? Comment croire qu’à un moment donné, Xi Jinping ne jettera pas à l’eau toutes ses déclarations pour s’en prendre militairement à Taïwan ?
Le risque chinois est colossal. Il faut vivre avec. Il ne faut pas antagoniser la Chine. Et surtout pas rêver d’un monde unipolaire dominé par l’occident, car l’histoire a tranché. Mais ouvrons les yeux : que veut le régime chinois ? Pour le moment, il cultive l’ambiguïté. Mais pour combien de temps devrons nous patienter devant la porte de la Cité interdite pour savoir é quoi nous en tenir de façon durable ?
Et pour commencer la liste : selon le gouvernement tibétain en exil, l’invasion et l’occupation du Tibet par la Chine s’éleverait à 1,2 millions de morts entre 1959 et 1970. La modération fût certainement de mise à Hong-Kong. Quid au Xinkiang et à Urumqui ? Quand à la mer de Chine et aux iles dont la souveraineté est pour le moins contestée, à Taïwan … wait and see … En quoi les guerres passées de l’opium, dont la France ne fût pas le seul acteur et responsable justifierait la politique d’expansion passée et plus encore celle, dit-on, à venir ?
Étant donné la masse que représente la Chine, elle n’a pas besoin de “cultiver l’ambiguïté pour se faire entendre et respecter. D’une part la vérité oblige à reconnaitre que depuis sa création la République chinoise a toujours su faire preuve de modération et d’habileté, mais en contrepartie, rien ne permet de penser qu’elle nous ait pardonné la guerre de l’opium de 1839.
” Les Anciens ont dit que les hommes s’affigeaient du mal et se lassaient du bien, et que ces deux affections différentes amenaient les mêmes résultats. En effet, toutes les fois que les hommes sont privés de se battre par necessité , ils se battent par ambition. Cette passion est si puissante qu’elle ne les abandonne jamais, à quelque rang qu’ils soient élévés. En voici la raison : la nature nous a crées avec la faculté de tout désirer et l’impuissance de tout obtenir; en sorte que le désir se trouvant toujours supérieur à nos moyens, il en résulte vun dégoût pour ce que l’on possède et de l’ennui de soi-même. De là nait la volonté de changer. Les uns désirent acquérir, d’autres craignent de perdre ce qu’ils ont acquis ; on se brouille ; on en vient aux armes et de la guerre vient la ruine d’un pays et l’élévation d’un autre “.
in Machiavel (1469-1527), Discours sur la première décade de Tite Live, L.I, ch.37 (ecrit autour de 1517 publiée en 1531). Disponible en PDF/ Université du Quebec à Chiccotimi /CACQ