Dix-sept diplomates de l’Union Européenne représentant treize pays dont la France, l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas, le Danemark et l’Espagne ont rencontré mercredi le chef du Bumjamthai, Anutin Charnvirakul, au siège du parti. Les discussions ont porté sur l’élection à venir et sur la politique du Bumjamthai envers l’UE s’il est en capacité de former un gouvernement de coalition.
Anutin a dévoilé après cette réunion la teneur de certains échanges. Il a précisé à ces émissaires européens que le Bumjamthai ne s’allierait en aucune circonstance avec un parti cherchant à réviser la loi de lèse-majesté. Il a aussi déclaré que la Thaïlande se rapprochait de la démocratie après les élections du 14 mai bien que le rôle du Sénat dans le choix du futur Premier ministre reste un problème. Ce que l’auteur de ces lignes avait déjà développé dans ces colonnes avec l’article « Le Sénat est-il un frein à la démocratie ? ». Anutin a aussi expliqué aux diplomates présents que sa politique de dépénalisation du cannabis avait été un réel succès et que le Bumjamthai continuerait à faire pression pour une loi réglementant son utilisation.
Les élections thaïlandaises suivies de près par l’UE
Anutin a révélé que ses invités avaient fait part de leur inquiétude quant à la possibilité persistante qu’un grand parti participant aux élections générales du 14 mai soit dissous tôt ou tard par la Cour constitutionnelle. Il faut bien sûr y comprendre une manœuvre des institutions militaro-royalistes qui pourrait éliminer le Pheu Thai, troisième forme du parti thaksinien et grand favori des sondages. Ce qui ne serait pas un coup d’essai en Thaïlande. Le défunt Thai Rak Thai en 2007 et plus récemment, en 2019, le Future Forward Party, ont connu cette extinction politique judiciaire que beaucoup d’experts ont connoté à un coup d’État judiciaire.
L’Union Européenne souhaite, sans doute, par ces échanges avec un Premier ministrable potentiel, s’assurer et obtenir des gages de l’éloignement de la Thaïlande du contrôle purement militaire du pouvoir. Quelques mois après la signature en décembre 2022 d’un accord de coopération et de partenariat UE-Thaïlande dont quelques eurodéputés souhaiteraient y voir inclus un engagement de la Thaïlande à garantir les questions démocratiques. Y comprendre en langage diplomatique, « mettre fin à la main mise de l’armée sur les institutions et revoir la loi de lèse-majesté ».
Philippe Bergues