Le jury a distingué Tran Anh Hung pour sa mise en scène de La Passion de Dodin Bouffant, récit d’une histoire d’amour dans des cuisines du XIXe siècle.
Dans la jolie cuisine de Dodin Bouffant comme tirée d’un livre de recettes des Éditions du Chêne (on pense à La Cuisine retrouvée de Proust), on fouette, on plume, on saisit, on bride, on réduit, on aromatise. Même le bouillon n’y échappe pas. Clarifié, il sera meilleur. Dodin Bouffant (Benoît Magimel et l’embonpoint qui sied au rôle) est à cheval sur les recettes. Amateur très averti, épicurien revendiqué, il aime convier à sa table ses amis bourgeois. Sa fidèle cuisinière Eugénie (Juliette Binoche) devance ses ordres. Elle sait tout faire à merveille. Il en pince pour elle (et pas que des écrevisses). Le soir, il la rejoint dans sa chambre. Elle a refusé sa main mais il va tenter de la convaincre en lui servant un repas merveilleux.
Un texte ampoulé
Pierre Gagnaire assure la direction gastronomique du film. Miam ! Ça sonne tout de suite mieux qu’un coordinateur d’intimité. Les plats ont le plus beau rôle. Ils sont magnifiques dans leurs atours de pâte feuilletée et de meringue dorée. Même la laitue braisée est photogénique. Dans ce décor à la Vermeer, Juliette Binoche évite le côté laitière. Elle règne sur sa cuisine avec une assurance tranquille, flanquée d’une fillette futée qui marche sur ses traces. Ça se corse quand Magimel apparaît. Il parle comme dans un exemplaire daté des débuts de Cuisine et vins de France. Les aphorismes fusent. Les platitudes aussi (« Je vais faire les quenelles »). Pourquoi lui avoir collé une bande de copains aussi balourds ? Ce sont les notables du coin. Ils se trémoussent comme des possédés sous leurs serviettes en gobant les ortolans. Les acteurs se contentent quant à eux de réciter un texte ampoulé, sans saveur, ni piquant.