Nous reproduisons ici des extraits du discours du Haut représentant pour les Affaires étrangères de l’Union européenne Josep Borrell au Shangri La Dialogue de Singapour qui vient de s’achever dimanche 4 juin.
«Je voudrais commencer par dire quelques mots sur la façon dont j’envisage le système international afin d’explorer comment les Européens et les Asiatiques peuvent travailler ensemble pour éviter une nouvelle confrontation militaire dans la région. Oui, parce que c’est ici, en Asie, dans cette partie du monde, que les chances sont les plus grandes.
Le système international repose sur une double dynamique qui affecte directement l’Asie et sa sécurité : cette dynamique n’est ni une bipolarité, ni une multipolarité – elle est à la fois l’une et l’autre. Nous avons les deux. Nous avons une bipolarité, motivée bien sûr par la concurrence entre les États-Unis et la Chine – une concurrence qui est plus profonde que l’ancienne rivalité soviéto-américaine parce qu’elle couvre tous les domaines, y compris la concurrence technologique, qui était limitée pendant la guerre froide. Cette compétition est politique, idéologique, économique, technologique et stratégique. L’Asie est la principale zone de cette concurrence.
Et puis il y a une autre partie du système, qui est purement multipolaire et qui s’exprime par le fait que beaucoup d’autres pays dans le monde s’affirment davantage et refusent de rester passifs, ont leur propre agenda national. La multipolarité est le produit de la mondialisation et de la répartition plus large des richesses dans le monde. En tant qu’Européens, nous acceptons cette réalité.
Et nous avons la vision d’être les défenseurs de cette nouvelle multipolarité. Nous acceptons l’idée que le monde devient multipolaire et nous n’avons pas l’intention de nous opposer à la montée des nations émergentes qui pensent que leur heure est venue dans l’histoire.
D’un autre côté, je sais que, malgré la présence régulière des États membres de l’Union européenne, mes collègues ministres de la défense, dans ce forum, depuis de nombreuses années, l’Europe est encore largement considérée comme un acteur extrarégional ayant un impact limité sur la dynamique de la sécurité régionale de l’Indo-Pacifique ou de l’Asie.
Et la guerre en Ukraine a renforcé ce sentiment – le sentiment que l’Europe se replie sur elle-même et limite son exposition mondiale malgré nos messages forts qui réaffirment le contraire.
Je vais donc profiter de ce moment, de ce discours, pour essayer de vous expliquer quelles sont les raisons fondamentales de notre engagement régional face au fait que la sécurité est aujourd’hui un continuum dans un monde globalisé ; l’évolution de notre approche avec l’adoption de la boussole stratégique, et notre objectif d’une meilleure efficacité afin d’être un “catalyseur intelligent” pour la sécurité et la défense.
Mon point de départ est de souligner que l’Europe et l’Asie sont directement concernées par la sécurité de l’autre et que nous devons travailler ensemble afin d’éviter une confrontation dans la région.
Rien n’est éloigné dans un monde globalisé. Comme je l’ai dit, la sécurité est un continuum à travers l’espace, et toute guerre ou crise sécuritaire majeure dans une région affecte tout le monde, partout.
On ne peut pas non plus diviser l’économie de la sécurité. On ne peut pas compartimenter, car les tensions sécuritaires affecteront l’économie, et l’économie créera probablement des tensions sécuritaires….»
