Le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères Josep Borrell était à Singapour pour le dialogue « Shangri La » sur la sécurité. Voici des extraits de son discours.
Que peut faire l’UE face à la montée des tensions sécuritaires en Asie ?
Alors que nous sommes confrontés à une guerre brutale en Europe, la concurrence mondiale entre les États-Unis et la Chine se joue dans l’Indo-Pacifique et en particulier en Asie du Sud-Est. En début de semaine, à Singapour, j’ai discuté de ces tensions croissantes et de la manière dont l’UE peut contribuer à promouvoir la stabilité et le respect des règles convenues. Nous devons nous engager davantage dans une région où se joue, à bien des égards, l’avenir de la planète.
L’Asie du Sud-Est présente un paradoxe. En termes économiques, la région est pleine de dynamisme, de croissance, d’innovation technologique et d’optimisme. Un pays comme Singapour avait un PIB nominal d’environ 1 000 dollars par habitant lorsqu’il est devenu indépendant en 1966. Depuis, ce chiffre a été multiplié par 72 000 dollars (la moyenne de l’UE est de 46 000 dollars). Cependant, en termes de sécurité, la région est marquée par des tensions croissantes, des courses aux armements, des incidents militaires et des tentatives de coercition. La rhétorique se fait plus acerbe et l’humeur plus pessimiste.
C’est ce qui s’est passé cette année lors du dialogue de Shangri La, la plus importante conférence sur la sécurité en Asie, qui s’est déroulée à Singapour. Chaque année, un nombre impressionnant de premiers ministres, de ministres de la défense et d’experts en sécurité discutent des perspectives de la sécurité asiatique et mondiale.
Plus encore que les années précédentes, l’accent a été mis cette fois-ci sur les tensions entre les États-Unis et la Chine. Le décor a été planté par le refus de la Chine, dès avant le début de la conférence, de voir son ministre de la défense Li rencontrer le secrétaire américain à la défense Austin. Et même si les deux hommes se sont serré la main lors du dîner d’ouverture, la concurrence stratégique croissante est restée évidente pendant tout le reste de la conférence. En effet, les discours du secrétaire Austin et du général Li ont présenté des visions radicalement différentes pour la région.
En ce qui concerne l’Europe, malgré la présence régulière des ministres européens de la défense à la SLD depuis de nombreuses années, nous sommes largement considérés comme un acteur extrarégional ayant un impact limité sur la dynamique de la sécurité régionale. Et la guerre contre l’Ukraine a renforcé le sentiment que l’Europe se replie sur elle-même, limitant son engagement mondial malgré nos messages affirmant le contraire.
Je voulais réaffirmer les raisons de notre engagement régional et présenter notre contribution. Dans mon discours, j’ai donc insisté sur le fait que l’Europe et l’Asie sont directement concernées par la sécurité de l’autre. Nous devons défendre les principes fondamentaux de la sécurité partout et à tout moment où ils sont menacés, de l’Ukraine à la mer de Chine méridionale et orientale et au-delà.
Une fois de plus, l’Europe, ça n’existe pas ; ce qui existe, c’est l’occident, c’est-à-dire l’OTAN ; Tiens, elle en est ou, l’OTAN ? Quant à la Chine. On ne doit pas oublier que Truman a refusé d’intervenir au soutien de Tchang Kai Chek et que Eisenhower a refusé d’intervenir à Dien Bien Phu, comme il en avait le droit. La mondialisation a fait de la Chine la première puissance économique mondiale. C’est voulu. Telle est la réalité. La réunification avec Taïwan se fera pacifiquement, et l’océan Pacifique sera un lac chinois. L’avenir des États-Unis est de revenir à leurs basics, c’est-à-dire le rapprochement avec l’Europe dans le cadre de l’OTAN, lorsqu’ils auront tiré la leçon de leur désastre ukrainien.