Gavroche n’aime pas le mot « trahison ». D’abord parce que dans un régime parlementaire, tout est affaire, on le sait, de combinaisons post-électorales. Ensuite parce que le Pheu Thai, le second parti de l’ex-opposition représenté au parlement, n’a pas encore joué un mauvais coup au vainqueur du scrutin : le « Move Forward » de Pita Limjaroenrat. Reste que les rumeurs s’accumulent, et que les échéances se rapprochent après l’ouverture, lundi 3 juillet, de la Chambre des représentants élue en mai. Tout dépendra, on le sait, du vote des sénateurs nommés par le pouvoir militaire sortant. Leurs voix seront indispensables pour désigner début août le nouveau premier ministre du royaume.
Pour le moment, le leader du « Move Forward », première formation du pays en nombre de députés, demeure le candidat naturel et logique au poste de premier ministre, pour succéder à Prayut Chan Ocha. Mais il est évident qu’en coulisses, certains préfèreraient voir le Pheu Thai contrôlé par le clan Thaksin se retrouver aux avants postes. La raison ? Ce parti à base rurale, fidèle à la famille de son fondateur toujours en exil, n’a pas fait de la réforme du délit de lèse majesté sa priorité. En clair: le Pheu Thai fait moins peur à une bonne partie de l’élite. Les militaires, qui ont renversé le gouvernement de Yinluck Shinawatra en 2014, savent aussi comment s’y prendre avec ce parti…
La suite est à écrire. La décision du Pheu Thai de signer un politicien vétéran et roué du parti Prachachat au poste de président de la cambre des représentants laisse percevoir des fissures. Mais la marge de manœuvre des anti « Move Forward » est limitée. Cette formation a une base très solide dans la jeunesse et dans les grandes villes. Lui faire un bras d’honneur, même avec des arguments juridico-politiques qui ne manqueront pas d’être évoqués, pourrait rouvrir des affrontements politiques. Et nourrir une instabilité dont le Royaume n’a vraiment pas besoin.
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.
Dans une “république sagement organisée”, c’est-a-dire une démocratie parlementaire, il ne saurait y avoir ni trahison ni combinaison, mais des consultations entre “honorables amis” (expression anglaise consacrée).
La question centrale n’est certainement pas celle du délit de lèse-majesté, mais plutôt que le peuple thaïlandais n’a pas envie d’être gouverné par la CIA, surtout dans la conjoncture internationale actuelle.