Avec cette chronique issues de nos archives (n°160), Xavier Galland, auteur du « Que Sais-je ? n°1095, Histoire de la Thaïlande », présente un personnage qui a marqué l’histoire du royaume de Siam.
Nous abordons dans cette chronique un personnage clé des relations franco-siamoises au XVIle siècle, le Grec Constantin Phaulkon, connu dans les récits des voyageurs français de l’époque sous le nom de Monsieur Constance.
Il est assez paradoxal de constater que nous savons étonnamment peu de choses sur cet homme dont le rôle fut pourtant capital sur le cours des événements qui se déroulèrent à la cour du Siam dans la seconde moitié du XVIle siècle.
Pour des raisons personnelles que chacun interprète à sa guise, il était lui-même discret sur les divers épisodes de sa vie et, pour en savoir plus, nous devons donc nous rabattre sur ses biographes, tantôt sous son charme, tantôt lui vouant une haine farouche. Les premiers, le père Tachard en tête, nous le peignent sous les traits d’un quasi saint ; les autres, sous ceux d’une fieffée canaille dénuée de tout scrupule. Seuls quelques voyageurs de passage et non impliqués personnellement dans les intrigues du temps le mentionnent dans leurs mémoires ou leurs lettres de façon quelque peu objective… mais pas nécessairement bien informée.
Né à Céphalonie (ile grecque) entre 1647 et 1650, Constantin Hiérachy s’embarque sur un vaisseau anglais aux alentours de 1660 et reste en Angleterre jusqu’en 1670, date à laquelle il effectue trois voyages aux Indes orientales. Il se fixe un temps à Java, sans doute employé au comptoir britannique. Il a depuis longtemps changé son nom en Phaulkon. Une récompense reçue pour avoir, au péril de sa vie, sauvé le comptoir de la destruction (suite à explosion d’un tonneau de poudre) lui permet de s’établir à son compte Commerçant – trafiquant? – en compagnie de trois Anglais dont les activités empiétaient sur celles de l’East India Company, il arrive finalement à Ayutthaya (en 1678 ?). Il s’installe au Siam et fait fortune dans le commerce d’éléphants de guerre entre Mergui et les côtes indiennes.
Diverses missions et activités plus ou moins officielles ou légales l’amènent à être présenté au roi Narai dont il parvient à se gagner les faveurs et à devenir Premier Conseiller. Leur collaboration bénéfique aux deux parties, durera aussi longtemps que Naraï lui-même et amènera les deux hommes à jouer tour à tour les hollandais contre contre les Anglais puis les Français contre les Hollandais. En 1688, quelques jours avant la mort inéluctable d’un Naraï malade, les rancœurs se déchaînent. Phaulkon est arrêté, torturé et exécuté.
Voici le résumé très succinct de ce que nous savons de sa vie
Le nom, déjà: «Puisque “hiérax” signifie faucon en grec ancien (geraki en grec moderne), l’idée de changer son nom en Phaulkon, terne proche du falcon anglais et du falcão portugais, raconte le professeur Dirk Van der Cruysse.
Activités commerciales : L’East India Company anglaise détenait le monopole théorique des échanges commerciaux entre la couronne britanniques et les Indes orientales. Bien évidemment, les bénéfices potentiels de ce commerce attiraient de nombreux particuliers qui trafiquaient sur les plates-bandes de la Company dont ils étaient d’ailleurs parfois eux-mêmes les agents. Parmi ceux que la Company qualifiait de “interlopers” (intrus) figuraient Richard Bumaby, George White et son frère Samuel. C’est en leur compagnie que Phaulkon débuta dans le commerce régional qui ne déplaisait pas aux autorités locales puisque Buaby et George White furent nommés respectivement gouverneur et “maître du port” de Mergui.
Phaulkon possédait un don étonnant pour les langues. Polyglote émérite, il maîtrisait paraît-il le thaï à la perfection, y compris le ratchasap, la forme du langage utilisée pour parler à – ou de – la famille royale. Ce fut, bien sûr, un atout majeur de sa réussite puisque cela le libérait de toute dépendance d’un traducteur susceptible d’être acheté ou intimidé.
Enfin, selon les divers témoignages, une fois arrêté, il aurait été consciencieusement torturé pendant deux semaines. On lui aurait coupé les pieds et les mains avant de le lacérer à coup de rotin, ou brûlé la plante des pieds pour l’empêcher de s’enfuir puis serré les tempes avec un cercle de fer, le tout avec la tête coupée de son complice pendue à son cou. Mais c’est bien sûr son action vis-à-vis des religieux et militaires français envoyés par Louis XIV qui a rendu Phaulkon célèbre chez nous au travers des divers écrits publiés à cette époque. Nous reviendrons sur ces relations franco-siamoises dans une prochaine chronique.
Xavier Galland
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.
Un personnage important à l’époque que tout ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Thaïlande ne peuvent ignorer…