Philippe Le Corre est un expert français reconnu de la Chine et de l’Asie. Éditorialiste au quotidien Ouest France (dont nous vous recommandons la lecture), il vient de publier un article fouillé sur les relations de plus en plus compliquées entre l’Empire du milieu et ses voisins. Nous en publions ici des extraits. L’intégralité de l’article est à retrouver sur le site de Ouest France.
Par Philippe Le Corre pour Ouest France
Contrairement à ce qu’elle avait promis, la Chine implante des bases militaires sur des iles de mer de Chine et empiète sur la zone économique philippine. De quoi inquiéter plusieurs pays membres de l’Association des pays du sud-Est asiatique (Asean), détaille Philippe Le Corre, chercheur et spécialiste de l’Asie du Sud-Est. Mais beaucoup de ces pays sont dépendants de l’économie et des investissements chinois.
La rivalité entre la Chine et les États-Unis fait de l’Asie du Sud-Est une zone de tension particulière. Au-delà du détroit de Taïwan, une partie de la mer de Chine du sud fait l’objet de revendications territoriales de plusieurs pays, comme le Vietnam, les Philippines, Taïwan, Brunei, la Malaisie et la Chine. Selon l’amiral américain John Aquilino, commandant des forces indo-pacifiques, la Chine a militarisé unilatéralement trois îles en les équipant de missiles antiaériens et anti-navals, de moyens de télécommunication ainsi que d’avions de combat prêts à intervenir à tout moment, ce qui provoque la consternation des pays riverains.
Après avoir juré en 2015 qu’elle ne transformerait pas ces iles en bases militaires, Pékin a fait exactement le contraire. De même, elle a choisi d’ignorer la décision unanime de la cour permanente d’arbitrage constituée en vertu de la Convention sur le droit de la mer donnant raison au gouvernement des Philippines, qui entendait ainsi négocier un meilleur accès aux richesses énergétiques. Pékin dit ne pas reconnaître cette juridiction internationale, et empiète aujourd’hui sur la zone économique philippine. De quoi inquiéter plusieurs pays membres de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), notamment le Vietnam qui se trouve directement concerné par l’ambition maritime chinoise.
Pékin a su amadouer des membres de l’Asean en y investissant massivement dans les infrastructures routières et portuaires. C’est le cas de deux pays de la péninsule indochinoise, le Laos et le Cambodge, devenus en grande partie dépendants économiquement de la Chine. Un exemple : le port en eaux profondes de Sihanoukville (Cambodge), aux mains des investisseurs chinois, accueille aussi des navires de la marine chinoise.
Entre 2015 et 2021, la Chine a dépensé près de 40 milliards de dollars dans cette région. Elle est le premier partenaire commercial de l’Asean, qui compte 650 millions de consommateurs. Elle soutient le régime militaire en place en Birmanie, et entretient tant bien que mal des relations avec les gouvernements indonésien, thaïlandais et malaisien.
Ces derniers ne sont pas dupes, et voient une Chine aux ambitions démesurées qui poursuit ses objectifs impériaux dans une région qu’elle considère comme sa zone d’influence. Elle entretient savamment ses réseaux à travers une diaspora chinoise substantielle en Asie du Sud-Est, et dont certains membres ne sont pas insensibles aux sirènes patriotiques.
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Suprématie militaire-culture du commerce inhérente à l’âme chinoise – les routes de la soie et la guerre de l’opium inscrite dans la mémoire historique de la Chine… L’infériorité opérationnelle des forces armées chinoises durant la guerre de l‘opium a laissé des traces dans la mémoire du peuple chinois. La Chine sait que son commerce avec le monde ne peut être garanti que si elle est en capacité de protéger ses échanges avec le monde avec des forces armées suffisamment dissuasives… Interpréter le déploiement militaire de la Chine comme une volonté belliqueuse d’envahir les pays asiatiques n’est pas forcément pertinent en l’état actuel même si pour le futur cette éventualité est envisageable… Les routes de la soie sont une priorité pour l’état chinois qui étend son influence dans le monde en investissant dans des spots stratégiques pour permettre ses échanges commerciaux et un déploiement industriel en toute quiétude. Le percement d’un canal en Thaïlande pour contourner le détroit de Malacca s’inscrit dans cette politique commerciale de protection des échanges commerciaux. La diaspora chinoise est déjà fortement influente dans de nombreux pays asiatiques avec des méthodes qui sont parfois « BORDER LINE ». Il serait illogique de considérer que la Chine puisse s’engager dans une politique de « colonisation à l’ancienne » avec occupation des territoires… L’autre évènement qui a marqué le peuple chinois est la guerre SINO-JAPONAISE avec ses ramifications jusqu’en INDOCHINE française. La Chine sait qu’il existe d’autres moyens (que l’occupation territoriale) pour permettre les échanges commerciaux avec le monde et assurer son influence économique. Le déploiement de la puissance militaire chinoise n’est là que pour asseoir cette volonté affirmée.
Que dire de la Thaïlande en cas d’un futur gouvernement “Pheu Thaï” dont certains membres dirigeants (ou ayant dirigé) et eux même sino-thaï, sont très proche des autorités chinoises et … cambodgiennes ? Et des relations privilégiées entre certains membres de la famille royale et les autorités chinoises ? La Thaïlande n’a pas de conflit frontalier direct avec la chine mais il subsiste quelques différents de délimitations maritimes avec deux voisins non chinois. L’intensification des conflits territoriaux entre la chine et 4 pays de l’ASEAN ne manquerait pas de compliquer sérieusement les positions diplomatiques thaïlandaises et les équilibres de l’organisation. Une nouvelle ASEAN en formation, reliée, diluée dans un espace élargi, sous domination chinoise, autour d’une mer intérieure ?