Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, nous livre sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner. Ou consulter sa lettre d’information Republick.
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J’hésite toujours à employer le « je » quand j’écris sur la France. Nos expériences personnelles sont rarement parlantes, au regard de la diversité des contextes et des réalités, dans ce pays où le goût du débat et de la contradiction est un combustible hautement inflammable.
Mais bon, parlons des abayas à la première personne. Le nouveau ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, a donc annoncé vendredi 25 août, quelques jours avant la rentrée scolaire, son intention de faire interdire dans les collèges et les lycées le port de cette longue robe « couramment portée par les femmes musulmanes ». On résume : l’abaya avait jusque-là réussi à se glisser dans les méandres de la législation républicaine. La loi qui, depuis 2004, prohibe en France le port de signes religieux à l’école, butait sur ce vêtement chargé d’une forte revendication identitaire et islamique. Voilà donc l’affaire réglée. « On ne pourra plus porter d’abaya à l’école. » La parole ministérielle est supposée faire foi.
Ma question personnelle, face à ce processus de décision si vertical et si français, est assez simple. Comment peut-on avoir laissé, depuis vingt ans, les abayas proliférer dans les écoles ? Pourquoi Nicolas Sarkozy, ce président qui surjoue son courage politique au fil de ses livres, n’a-t-il rien vu venir ? Est-il crédible, comme le font les commentateurs bien calés à droite, d’accuser le précédent ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye (choisi pour incarner la diversité) d’avoir « laissé faire » ? Je l’avoue : je ne comprends pas.
Tout comme je ne comprends pas pourquoi l’argent du fonds contre la radicalisation crée après la décapitation de l’enseignant Samuel Paty a été gaspillé et partagé entre quelques copains. La France compte environ 850 000 enseignants et 60 000 lycées, ce qui devrait en faire un sacré bon poste d’observation de la société. Et on n’a rien vu venir ? Gabriel Attal, le nouveau ministre (très proche d’Emmanuel Macron) ferait bien de réfléchir à ça. En politique, l’aveugle est souvent celui qui ne veut pas voir. Même si la loi l’oblige à ouvrir les yeux.
Bonne lecture, et vive la récré!
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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il serait sans doute judicieux de recourir à des observateurs helvètes qui seraient évidement grassement rémunérés ; leur œil est plus…persan et leur sagesse proverbiale. Monsieur Attal réfléchit bien à “ça” ; se construire une stature pour l’avenir. La méthode usuelle est de prendre le contre-pied de celui, ceux, auxquels on succède. Mais la donne constitutionnelle semble avoir évolué, le Président ayant érigé l’éducation au rang de “domaine réservé”. La “décision” du ministre est donc celle du Président à laquelle le fringant ministre prête sa voix et son “air angélique” de premier communiant. Mais la thématique choisie est risquée. Concrètement quel impact peut avoir cette saillie tonitruante fort médiatisée ? Aucun directement, il faudrait modifier la loi sur le port des signes religieux ostentatoires dans l’espace public pour que la décision s’applique de façon générale. Faute de quoi, le fringant ministre sera réduit à rédiger une circulaire destinée aux chefs d’établissement qui devront , in situ, décider si la porteuse d’abaya, la revêt pour des raisons religieuses. Elle est réputée pour certains n’avoir aucun caractère religieux. La discussion promet d’être cocasse et sans fin. Mais agrémentée d’un foulard couvrant la tête changerait sans doute la donne. Si l’élève se mettait à réciter les sourates du coran en classe ce serait plus facilement caractérisé. Bon courage ! Je crains que l’application soit difficile et donc, au risque de polémiques, de conflits et de menaces dans les établissements, leurs abords et dans les localités, on s’abstiendra. Mais monsieur Attal risque de déclencher des manifestations anti-françaises dans les pays musulmans (qui ne manqueront pas d’être orchestrées dans un contexte international fort tendu) et ailleurs, là ou la laïcité est ignorée, au nom du respect des libertés des personnes. Parmi les effets attendus, on risque d’assister à une épidémie d’abaya dans l’hexagone. L’abaya est une chose mais doit-on attendre une déclaration séparée sur le qamis, quand à la barbe (que Kemal Ataturk avait naguère prohibé) qu’en sera–t-il ? Je plains notre commentateur helvète qui risque de comprendre de moins en moins bien son voisin si exotique, si extravagant et si… fascinant et que j’ai toujours plaisir à lire.