Nous nous sommes penchés sur l’origine des Thaïs et sur la suite d’événements et de migrations qui les firent peu à peu s’infiltrer puis s’installer définitivement sur le territoire qui porte aujourd’hui leur nom. Mais qu’y avait-il avant eux ? Quelles populations, cultures, entités politiques ou autres les avaient précédés sur ce qui allait devenir leur fief ?

Xavier Galland, auteur du « Que Sais-je ? n°1095, Histoire de la Thaïlande », présente cette semaine la période préhistorique de ce qui est la Thaïlande aujourd’hui.

Commençons donc par le commencement et tentons de faire le point de ce que nous savons de la préhistoire de l’Asie du Sud-Est. Quels furent les premiers groupes humains à s’installer sur ce territoire et quelles traces nous ont-ils laissé ?

La préhistoire de la Thaïlande est d’autant plus mal connue que les phases de développements – plus longues, plus courtes, inexistantes, asynchrones – diffèrent grandement entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est.

Aucun fossile de préhominien ni de Neandertal n’a jamais été découvert en Thaïlande et les ossements humains les plus anciens appartiennent déjà à l’Homo sapiens.

Le style dit “bacsono-hoa-binhien” (qui tire son nom des sites vietnamiens de Bac Son et Hoah Binh), fréquemment rencontré tant en Thaïlande que dans le reste de l’Asie du Sud-Est continentale, a fait s’interroger les préhistoriens. Pourquoi une telle profusion de sites ? Une même ethnie était-elle répartie sur toute l’aire géographique concernée, ou bien avait-on affaire à des groupes différents mais culturellement liés ? Il était aussi envisageable que cette technique n’eût été imposée aux populations locales que par le type de pierres communément rencontrées dans la région, auxquelles les techniques de taille utilisées dans d’autres parties du monde ne pouvaient être appliquées. Dans ce cas, plus question ni de race ni de culture hoabinhiennes. L’idée d’un “technocomplexe” composé de plusieurs groupes distincts auxquels le même environnement tropical aurait imposé une même technique fit alors son apparition.

En tout état de cause, il semblerait qu’une branche d’Homo sapiens ait évolué en Asie du Sud-Est. Il paraît acquis qu’au début du Paléolithique inférieur (il y a environ 40 000 ans) cette région était occupée par des populations plus ou moins sédentaires, vivant de chasse, de pêche et de cueillette, utilisant des instruments en bois et en bambou et disposant d’outils en pierre, tels que hachoirs et couteaux, avec lesquels ils fabriquaient sarbacanes, arcs, flèches, paniers, nasses et pièges.

L’agriculture et la domestication d’animaux apparurent entre – 20 000 et – 10 000 av. J.-C.

L’agriculture est attestée en Thaïlande aux alentours de – 10 000 et l’élevage vers – 3 500 av. J.-C. C’est aux alentours de cette dernière date que débuta le processus de différenciation des diverses ethnies, langues et cultures de la région, processus qui prit appui sur la base culturelle commune qui s’était constituée au cours des trente millénaires précédents.

Le Néolithique, qui apparaît assez tardivement en Thaïlande et ne semble pas correspondre à de nouvelles arrivées ethniques, pourrait n’avoir consisté qu’en l’introduction d’une nouvelle technique. La métallurgie semble s’être développée en Asie du Sud-Est à une date comparable à celles retenues pour les autres régions du monde ; mais s’il paraît acquis que le cuivre et le bronze étaient en usage en Thaïlande aux alentours de – 2 000 ans av. J.-C., la date exacte de leur apparition reste encore controversée. Les principaux sites représentatifs des âges du cuivre et du bronze ont fourni de nombreux objets confectionnés avec ces métaux, ainsi que les preuves d’une industrie textile et d’une riziculture élémentaire, associées à une importante production de poteries. On estime que les habitants de l’époque utilisaient, voire produisaient, de la poterie aux alentours de – 6 000 ans av. J.-C. Le fer, quant à lui, fut introduit dans le Nord-Est si peu de temps après son apparition en Chine et en Inde qu’il semble s’être agit d’un développement local.

Même si des pans entiers de la préhistoire de l’Asie du Sud-Est nous sont encore mal connus – voire franchement inconnus -, il est clair que, petit à petit, au cours des millénaires, un substrat autochtone se constitua dans la région et que les populations locales entrèrent progressivement en contact avec les grandes cultures environnantes. Parmi ces dernières, l’Inde allait bientôt imprimer son influence culturelle sur la région.

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