Retrouvez régulièrement les délicieuses chroniques de notre ami Michel Hermann, arpenteur de sa province de Sukhothai. Ancien journaliste de l’Agence France Presse, ancien attaché culturel de l’Ambassade de France à Bangkok, Michel fut, pendant prés de vingt ans, l’âme du Lotus Village, maintenant fermé. Dans la galerie de portraits inspirés par quelques êtres d’exception qui sont passés au Lotus Village, Mélanie et son père Jean-Marc occupent une place à part. En lisant ces deux poèmes en Alexandrins, vous comprendrez pourquoi. Bonne lecture donc.
Dans les chemins boueux des senteurs éphémères,
Le temps s’est arrêté, plus d’ombre, plus un bruit.
La nature se fige. Elle attend la pluie.
Le soleil de sa hauteur, brûle les rizières.
C’est là, qu’il arrive à la nomade aguerrie,
De s’effondrer soudain, sous les caprices du feu,
Le matin, l’aventure sourit aux valeureux
Le soir, l’hôpital est leur ultime abri
Même si la curiosité vous y incite,
Faire du vélo sous des ciels de plombs,
N’est pas la meilleure des solutions,
Pour musarder entre héritages et sites.
Le soir, la fièvre est montée, et la sanction prévue,
Mélanie, vingt ans et sa juvénile beauté,
Est devenue fébrile, et soudain agitée.
L’hôpital est proche, les urgences, son salut.
Une serviette mouillée, un regard enfantin,
Son petit corps malade agité de frissons,
Dans la nuit noire, au bout, la guérison.
A bon port, notre vénusté arrive, enfin.
L’établissement médical était bondé.
Dans le hall, s’affairent, en silence, deux médecins,
Graciles, affables, aux charmes incertains,
Qui prennent en charge, la guerrière infortunée.
Analyses de sang, piqûres et quelques soins,
Ont eu vite raison de ce coup de chaleur
Dans la nuit, vacillante, et sans trop ardeur,
Elle retrouve, en douceur, ses esprits enfantins.
Minuit, la fin du combat, le mal est vaincu.
Son âme errante est de nouveau apaisée,
Elle retrouve sa chambre, comme elle l’avait laissée.
Demain le départ, au revoir, ma Belle inconnue.
Fièvre tropicale (Suite)
Un an a passé. Je n’ai pas revu la Belle
Inconnue. Nostalgique, son père a suivi
Ses pas pour séjourner trois jours, tout seul ici,
Revisitant ces lieux magiques que la gazelle
Des tropiques avait arpenté sous le soleil.
Jean-Marc, cependant connaissait déjà le site,
Il revenait en observateur. Cette visite
Solitaire, sonnait drôlement sous le ciel
Pluvieux de ce mois de juin. Que de nombreux
Souvenirs lui rappelait ce troisième séjour,
Entre ombres et vieilles pierres usées aux contours
Figés par le temps. Mémoire de jours heureux
Où, ensemble, avec son épouse thaïlandaise
Pranee, et sa fille Mélanie, un an à peine,
Ils arpentaient les ruines et ses quelques dizaines
De temples immortels sous une chaleur de braise.
La Belle inconnue pris forme au fil des bières
Locales avalées dans un endroit désuet,
Élégante maison thaïe en teck, décorée
Avec goût, où nous fraternisâmes sans manière.
Mélanie était née au Liban où son père,
Ingénieur chez EDF, était expatrié.
Cette visite, retour aux sources inespérée
Pour les parents, ouvrait une nouvelle ère
Pour la famille franco-thaïlandaise.
Jean-Marc, tenait de ses ancêtres irlandais
Ce regard étrange éperdu qui scrutait
Un horizon fait de mers et de falaises.
Ses doux yeux bleus mélancoliques semblaient
Attendre le prochain départ pour des rivages
Inconnues, des terres et des villes sauvages
Et y découvrir de fascinantes nouveautés.
Car ce nomade par profession avait vécu
Dans de nombreux pays : Zanzibar, L’Algérie,
Le Liban, L’Égypte, le Vietnam…, toute une vie
De travail, où les villes, le monde, étaient sa rue.
A soixante-trois ans, il poursuivait encore
Son infatigable soif de connaissances.
Demain, Naypyidaw sera son terrain d’errance
Pour quelques jours, avec pour nouveau décor
Les rues de la capitale du Myanmar.
Pendant ce temps, en France, la douce Mélanie
Poursuivait ses études d’ingénierie
Mécanique à Polytech Lyon. Hasard
Ou pas de la vie, elle suivait ainsi
Les traces de Jean-Marc, chemin identique
De deux destins parallèles, que les tropiques
Avaient réuni chez moi, le temps d’un répit.
Pour moi, la boucle était bouclée. Sans chagrin,
Mais avec nostalgie, je voyais s’éloigner
Deux être fascinants dont j’avais partagé
Furtivement l’espace à la croisée des chemins.
Michel Hermann
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