Toujours passionnante, la lecture du site Gotham City (sur abonnement) dont nous recommandons la lecture à tous les opérateurs économiques francophones en Asie du Sud-Est. Ce site très bien informé nous a donné l’autorisation de reproduire leur article récent sur les tracas immobiliers d’un magnat indonésien, frère du ministre de la défense Prabowo (candidat à la prochaine présidentielle) qui avait tenté d’éluder le fisc à Genève. A lire !
Le puissant homme d’affaires Hashim Djojohadikusumo, frère de l’actuel ministre de la défense de l’Indonésie Prabowo Subianto, est poursuivi depuis des années par le fisc suisse. L’ardoise se monte à 138 millions de francs, mais l’ancien résident d’Anières a pris la poudre d’escampette. L’Office cantonal des poursuites pourra procéder à la vente forcée des deux luxueuses villas de son ex-épouse du bord du lac.
La Confédération suisse et l’État de Genève peuvent enfin espérer récupérer une part des impôts dus par Hashim Djojohadikusumo et son ex-épouse.
Il était temps : la première enquête fiscale pénale ouverte à leur encontre avait été lancée en 2004 avec l’aval du conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz. Dix-neuf ans plus tard, l’ardoise du couple se monte à 139 millions de francs, pénalités et intérêts de retard compris.
Hashim Djojohadikusumo avait quitté la Suisse avec son épouse, en décembre 2006, un mois après avoir signé la vente sa société pétrolière, Nations Energy, pour 1,9 milliard de dollars. Le fisc suisse n’avait pas apprécié la manœuvre et avait relancé les enquêtes fiscales contre le couple.
Gotham City avait révélé l’existence de cette procédure en février 2021 (lire notre article du 10 février 2021 : Le fisc genevois réclame 100 millions de francs à un magnat Indonésien).
En novembre 2022, l’Office cantonal des poursuites avait annoncé son intention de vendre deux luxueuses villas saisies à l’ancien couple à Anières et dont la valeur est estimée à 18 millions de francs. La vente aux enchères, prévue le 28 février 2023, a toutefois été annulée suite à un recours de l’épouse au Tribunal fédéral (TF).
Les juges de Mon Repos ont rejeté sa demande dans un arrêt rendu public le 30 août 2023, autorisant ainsi l’Office à poursuivre la vente forcée.
“Make Indonesia Great Again”
Issu d’une famille influente de Jakarta et proche de l’ancien dictateur Suharto, Hashim Djojohadikusumo est à la tête du groupe Arsari, notamment actif dans l’huile de palme. Son frère aîné, l’ancien général controversé Prabowo Subianto, s’est présenté deux fois aux élections présidentielles, en 2014 puis en 2019 sous le slogan “Make Indonesia Great Again”. Aujourd’hui ministre de la Défense, il se présentera une nouvelle fois à la présidence du plus grand pays musulman du monde en 2024.
Hashim Djojohadikusumo, qui finance les campagnes et qui siège à la vice-présidence de son parti Gerindra, a pris l’habitude d’annoncer publiquement les intentions politiques de son frère.
S’il se présente comme un entrepreneur à succès en Indonésie, son discours est tout autre en Suisse. Dans une série de recours contre les séquestres qui le visent, il se dit surendetté et incapable de faire face aux demandes du fisc.
Hashim Djojohadikusumo affirme également avoir divorcé en 2019, ce qui devrait entraîner une révision de la répartition de la dette fiscale avec sa désormais ex-épouse. Mais l’administration suisse conteste la portée de cette séparation sur le plan fiscal. Un recours sur ce point est actuellement pendant devant le Tribunal fédéral.
L’Administration fédérale des contributions (AFC) et l’ex-épouse souhaitaient tous deux empêcher la vente forcée des villas dans l’attente d’une décision du TF sur cette question. Seule cette dernière a déposé un recours à ce sujet devant les juges de Mon Repos, qui ont estimé que la vente forcée pouvait avoir lieu.
Mesures superprovisionnelles
En 2021, Hashim Djojohadikusumo avait obtenu des mesures superprovisionnelles interdisant à Gotham City de révéler l’existence de son litige avec les autorités fiscales suisses. Le magnat avait fait appel à l’avocat et conseiller national Chrisitian Lüscher pour requérir cette injonction quelques jours avant la votation sur l’accord de libre-échange avec l’Indonésie, le 7 mars 2021.
Le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois avait finalement levé cette interdiction en juin 2021 (lire aussi: Un magnat indonésien a fait censurer Gotham City avant le vote du 7 mars).
Les déboires fiscaux d’Hashim Djojohadikusumo ne l’empêchent pas de maintenir des liens d’affaires avec la Suisse. Il dirige notamment la société de négoce Comexindo Trade and Investments SA. Comexindo est une coentreprise du groupe Arsari avec le négociant vaudois de céréales Harvest Commodities.
Hashim Djojohadikusumo et son ex-épouse sont représentés en Suisse par Michel Cabaj et Pierre Gomez chez Ador Avocats. Contacté, Michel Cabaj nous a adressé la prise de position suivante:
“Le Tribunal fédéral a jugé à bon droit que la plainte déposée par l’AFC contre le placard de vente visant la suspension de la procédure, en raison de la procédure de scission des impôts pendante, ne correspond pas à un cas de sursis à la réalisation prévu expressément par la loi fédérale sur la poursuite.
L’aboutissement logique de ce raisonnement du Tribunal fédéral consisterait à ce que la demande de suspension de l’AFC équivaille à un retrait de sa réquisition de vente car en tant que créancière poursuivante, elle est tenue de respecter les délais stricts de la loi sur les poursuites.
Le délai d’un an de l’art. 116 de la loi sur la poursuite étant écoulé, la réalisation des biens ne pourrait alors plus avoir lieu et l’AFC devrait recommencer l’entier de la procédure de poursuite, avec les risques de prescription inhérents.
Somme toute, il est regrettable que la volonté commune de l’AFC et de la contribuable, qui étaient pourtant tous deux d’accord de différer la réalisation dont est objet, n’ait pas été suivie.”
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