Notre collaborateur Ioan Voicu y croit dur comme fer. La solidarité mondiale n’est pas un mythe en train de s’écrouler. La preuve…

Une authentique solidarité mondiale est-elle possible ?

Par Ioan Voicu

Préliminaires

Pour l’instant, la réponse la plus simple et la plus convaincante serait que la solidarité mondiale n’est qu’une aspiration par sa nature, mais c’est un concept si important, significatif et urgent que si 193 membres des Nations Unies décident d’agir avec fermeté et unanimité favorable à la promotion de la valeur de solidarité, cette aspiration pourrait se concrétiser un jour indéterminé.

Cependant, 195 membres de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, dans une Déclaration adoptée par consensus à Bangkok le 18 février 2000, ont affirmé dans un langage très clair que « La solidarité et un sens aigu de la responsabilité morale doivent être le phare des politiques nationales et politique internationale. Ce ne sont pas seulement des impératifs éthiques, mais aussi des conditions préalables à un monde prospère, pacifique et sûr fondé sur un véritable partenariat”.

Nous avons tenté dans un précédent article d’illustrer comment un certain nombre de pays de l’ASEAN appréhendent la solidarité en septembre 2023 dans les déclarations prononcées lors du débat général de l’actuelle 78e session de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU).

Aujourd’hui, nous avons le privilège d’informer les lecteurs de Gavroche d’une première mondiale. Un rapport spécial publié par le Secrétaire général des Nations Unies est désormais disponible sous le titre Politiques et programmes impliquant la jeunesse. Le thème central de ce document diplomatique est la solidarité intergénérationnelle évoquée 25 fois.

Le rapport est basé sur les réponses officielles reçues de 24 pays, dont l’Argentine, l’Autriche, Bahreïn, le Brésil, la Bulgarie, la Chine, la Colombie, la France, le Mexique, la Pologne, la Fédération de Russie, la Serbie, la Slovénie, la Türkiye et l’Uruguay. 25 entités des Nations Unies, dont la CNUCED, l’UNICEF, le FNUAP et l’UNESCO, ont également envoyé des réponses.

Nous allons analyser dans ces pages les considérations, estimations et recommandations les plus pertinentes contenues dans le rapport et traitant expressis verbis de la solidarité intergénérationnelle, tout en respectant la terminologie originale du document officiel.

Une notion complexe

La solidarité intergénérationnelle pourrait être définie comme le lien essentiel qui relie les individus de différents groupes d’âge au sein d’une société, favorisant un fort sentiment de responsabilité, d’empathie et de coopération entre les générations. Cela implique également de reconnaître les intérêts communs ou similaires et l’interdépendance entre les générations plus jeunes et plus âgées, de promouvoir le soutien mutuel et d’assurer un avenir durable pour tous, en préservant le bien-être et les opportunités des générations présentes et futures. Adopter la solidarité intergénérationnelle peut être considéré non seulement comme un impératif moral, mais aussi comme une nécessité pratique pour promouvoir la valeur de la solidarité aux niveaux national, régional et international.

Dans l’introduction du rapport de l’ONU à l’examen, il est précisé que ce document est axé sur la solidarité et les partenariats intergénérationnels, la sécurité alimentaire et la consommation durable, ainsi que sur le développement inclusif à travers le sport, la culture et les loisirs. Pour chaque domaine, un aperçu de la situation actuelle au niveau mondial est fourni, suivi d’un résumé des efforts déployés par les États Membres et les entités des Nations Unies pour résoudre le problème.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’AGNU a adopté un supplément au Programme d’action mondial pour la jeunesse dans lequel les questions intergénérationnelles sont traitées comme un domaine prioritaire, tandis que l’importance de la solidarité intergénérationnelle est clairement soulignée.

Le rapport de l’ONU de 2023 souligne qu’en réalité, largement défini comme la cohésion sociale entre les générations, le concept de la solidarité intergénérationnelle s’enracine dans les relations de dépendance entre membres de différentes tranches d’âge tout au long de la vie. La nature exacte de cette cohésion varie en raison de différences sur des questions de facteurs culturels, institutionnels, économiques et sociaux et, en particulier, sur des questions telles que l’équité, la justice, la réciprocité et les perceptions positives des différentes générations.

Il est généralement admis que les relations intergénérationnelles sont présentes dans tous les contextes sociaux de la vie quotidienne : entre les membres d’une famille vivant ensemble ou séparément ; au sein des réseaux sociaux d’amis, de connaissances, de voisins et de collègues ; et dans chaque société dans son ensemble. Dans le domaine du développement durable, ces liens incluent non seulement les relations entre les générations vivantes, mais aussi les relations avec celles qui ne sont pas encore nées, ce qui reflète la conception fondamentale du développement durable comme la satisfaction des besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à y répondre leurs propres besoins.

Des illustrations pertinentes sont proposées. La pandémie de COVID-19, la transition vers les énergies renouvelables et les solutions au fardeau croissant de la dette souveraine sont quelques exemples récents qui soulignent la nécessité de réaffirmer l’engagement en faveur de la solidarité intergénérationnelle et d’aborder les questions d’équité au-delà des divisions générationnelles.

Par ailleurs, des actions spécifiques sont évoquées afin de renforcer la solidarité intergénérationnelle  dans les politiques et programmes en faveur de la jeunesse. Ces actions comprennent le dialogue multigénérationnel, la collaboration avec des organisations représentant les personnes âgées, le volontariat commun, les campagnes éducatives et les politiques garantissant la protection sociale et l’égalité des chances pour l’autodétermination. Dans ce processus complexe, l’accent devrait être mis sur la promotion d’une approche holistique du vieillissement, favoriser la compréhension mutuelle et encourager les contributions de toutes les générations.

Selon les conclusions du même rapport, il est essentiel d’identifier et de s’attaquer aux causes profondes de l’âgisme, de favoriser la solidarité intergénérationnelle et de renforcer la coopération intergénérationnelle. Que faut-il faire à cet égard ? Les gouvernements, le secteur privé et la société civile, ainsi que les jeunes eux-mêmes, devraient rechercher des opportunités de partenariats constructifs entre les générations pour faire progresser les objectifs de développement durable (ODD) et créer un monde meilleur pour tous les âges. Quelques exemples tirés de la pratique réelle des États membres sont reproduits afin d’illustrer la pertinence de ces exigences.

Le discours en faveur de la solidarité intergénérationnelle se poursuit avec certaines opinions développées par des entités des Nations Unies qui favorisent la solidarité intergénérationnelle et les partenariats pour faire progresser les ODD, en mettant l’accent sur l’exploitation de l’innovation, de la créativité et de la résilience des jeunes.

En avril 2023, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes a été l’un des organisateurs du cinquième Forum des enfants et des jeunes d’Amérique latine et des Caraïbes 2030, dont la solidarité intergénérationnelle était au cœur des préoccupations.

Au Brésil, le Fonds des Nations Unies pour la population s’est associé au Conseil national de la jeunesse et aux gouvernements municipaux pour organiser plusieurs « cinéma-débats » sur le thème de la solidarité intergénérationnelle.

Le rôle du sport, des loisirs et de la culture dans la promotion des ODD, avec et pour les jeunes, est largement reconnu. Les activités de loisirs peuvent servir d’outil pour atteindre des objectifs transversaux en faveur du bien-être des jeunes, tels que la santé, l’éducation et l’inclusion sociale. Ces activités offrent également des espaces de rassemblement essentiels dans lesquels les jeunes peuvent établir des relations et des compétences significatives, contribuant ainsi à accroître la solidarité et l’empathie au sein et entre divers groupes de jeunes et leurs communautés.

Conclusion

Parmi les recommandations formulées dans le rapport par le Secrétaire général de l’ONU, l’une mérite une attention particulière. Elle demande aux États membres « d’identifier et de combattre l’âgisme, ainsi que d’autres obstacles à la solidarité et à la coopération intergénérationnelles, notamment en favorisant les opportunités et en créant des espaces de dialogue constructif, l’interaction entre les générations plus jeunes et plus âgées et en développant des politiques inclusives basées sur une approche tout au long de la vie ».

Le rapport de l’ONU sur les politiques et programmes impliquant la jeunesse n’a pas encore été discuté au sein de la Troisième Commission de l’AGNU, à laquelle sont traditionnellement attribués les points de l’ordre du jour sur la jeunesse, mais on s’attend à ce que la solidarité intergénérationnelle soit fréquemment mentionnée dans les déclarations des délégués.

En outre, étant donné qu’une résolution spéciale sur la jeunesse est en cours de consultations et de négociations entre tous les groupes d’États, on peut s’attendre à ce qu’une résolution de fond soit finalisée et adoptée par consensus, un document dans le texte duquel la solidarité intergénérationnelle sera adéquatement reflétée, étant également accompagné par des recommandations pertinentes adressées pour mise en œuvre à tous les États membres et aux organisations internationales compétentes.

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