Une chronique de Patrick Chesneau
Une même réalité. Deux faces. La convenable. La sulfureuse. Contraste saisissant entre deux images que la Thaïlande renvoie d’elle-même… Diamétralement opposées. Prostitution, bar girls, sex tours versus tradition, culture et valorisation de l’identité ancestrale. Alors, de fesse ou de profil ? Question d’angle de vue. Donc de point de vue.
D’un côté, les aguicheuses naïades à l’expertise reconnue en charmes tarifés. Quand les touristes débarqués du bout du monde accusent subitement un coup de chaud surgi des profondeurs de leur métabolisme… Que faire ? Cette bouffée de libido souvent portée à incandescence par temps de vacances doit être contenue et sur le champ apaisée. Sinon, l’incendie des épidermes peut être ravageur. Ces sylphides à la peau de soie initient leurs visiteurs à la Thaïlande intime. Celle des râles et des soupirs. Des caresses appuyées et des feulements à peine étouffés. Formations individualisées dès la mi-journée, séquence rattrapage au moment de la sieste, cours du soir en accéléré et travaux pratiques en présentiel… Vaste palette de pédagogie appliquée.
Une science dominée par la recherche fondamentale…du plaisir. Les bassins ondulent. Les entrejambes malaxent. Recette éprouvée. La technicité plastique, la ductilité très enveloppante lors de contacts mille fois répétés et l’entregent plus que convivial des légendaires bar girls font merveille. De quoi sauver plus d’un mâle en surchauffe de la combustion généralisée.
Dès que pointe le crépuscule, ces guides très spéciales d’un tourisme de niche se donnent corps et âme à la mission qui leur échoit. Juchées sur des tabourets particulièrement ergonomiques, elles attendent leur proie consentante aux meilleures adresses référencées de Bangkok, Pattaya ou Patong. Température caniculaire en perspective.
Autre visage du pays du sourire.
Un concentré de traditions. Plus qu’un simple folklore, on a ici la culture vernaculaire au cœur de l’identité siamoise. Danses, Chants, Musique en exergue d’un festival populaire à Chiang Mai. Par dizaines, les femmes de cette accueillante contrée se déploient dans les rues, incarnant un art unique fait de subtilité et de délicatesse. Cette grâce que l’Orient aime à cultiver depuis des siècles. La chorégraphie millimétrée est l’héritage magnifiquement préservé de l’ancien Royaume de Lanna. Un patrimoine vivace à disposition de tous les férus de thainess.
A l’usage, ces deux réalités coexistent pacifiquement bien qu’elles semblent antagoniques. La quintessence du peuple siamois se retrouve dans le syncrétisme culturel appelé thainess. Un concept qui autorise l’addition en complémentarité de tous les paradoxes du Royaume.
Patrick Chesneau
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Sans compter qu’il y a beaucoup d’hommes qui vont dans les bars pour regarder le foot a la télé ; la, au moins, il n’y a pas de problème ; ce n’est pas sulfureux, comme dit monsieur.
Notre chroniqueur hebdomadaire aurait-il trouvé quelques consolations tarifées après ses déconvenues… culinaires ? Le pays offre une ville phare, voisine et envers de la capitale, et ses de multiples consolations et ersatz à l’occidental, mais pas que, déboussolé. Le lieu plonge ses racines plus profondément dans l’humus du pays et plus largement dans toute l”Asie. Une forme d'”hospitalité” exacerbée caractérise la cité connue et prisée de par le monde, cité unique ? Cette qualité qui va jusqu’à l’extrême et pour certains au paradis est la bienvenue pour l’homme (en majorité) défait, décadent, écrasé par la crise, celle du sens (et des sens), sans illusions, en résumé “perdu”. La fameuse cité balnéaire, une petite ville laide mais enjolivée par ses innombrables “fleurs du capital”. Un havre sexuel, héritage de la présence militaire américaine qui “accueille” toutes les nationalités, les religions, les couleurs, les physiques, les âges pourvu que le “farang” puisse payer, payer encore. Ce paradis est une drogue, les accros sont légions. Les travailleuses (eurs ou les deux ou ni l’un ni l’autre) du sexe, “sœurs de la perpétuelle indulgence” sont “disponibles” pour accomplir leur office auprès de l’humanité souffrante, une tâche que l’on pourrait presque considérer comme sacrée, comme jadis, selon Strabon, dans la cité de Corinthe. Une sorte de prostitution sacrée instituée selon Hérodote à Babylone ou servante de la divinité (devadâsî) dans le monde indien. La dimension économique est certes importante en apparence mais est-elle centrale ? Ne serait-elle pas l’obole que dans nos églises on récolte pendant la messe, dans cet intermède qu’on appelle la quête ? Pour ces “déboussolés multiples” la lutte des passes a remplacé la lutte des classes. Après avoir entendu les chambres d’Asie de G Manset, la lecture de deux romans donnent à voir et à réfléchir : “Plateforme” de M. Houellebecq et ” La fleur du capital” (800 pages) d’Orengo. Houellebecq, fasciné par la décadence occidentale (qui contamine bien au delà, la “modernité” mondialisée) en explore tous les effets : de la fascination pour l’islam (son livre “soumission”), une “religion saine et virile” jusqu’à la “perdition sexuelle” dans le tourisme, “remède” au désarroi de l’homme moderne. Le deuxième n’a pas un but aussi descriptif, il expose dans une polyphonie mi-réelle mi-imaginaire, une fiction, à la façon de Sade, de Saint Simon et de Proust, la même réalité “décadente” à travers 4 personnages. Le plus emblématique est Porn, née garçon devenue femme, musulman(ne), toute en soumission à l’islam rigoriste si ce n’est intégriste (sa fascination pour Al Quaïda). Un mélange détonnant d’animisme bouddhiste et d’islam salafiste qui la conduirait à une condamnation à mort. Porn occupe une place supérieure dans une sorte de cour sacrée, une aristocratie de la rue dans cet autre Versailles tropical du sexe. Porn, expert de l'”accumulation primitive”, préalable à la formation du capital, dans toutes ses composantes, gère des boutiques dans la galerie commerciale et “fait fortune” en mettant à ses pieds et dans son lit ses courtisans éperdus et perdus, réparés un instant, le temps des passes à l’instar de celles que prodiguait Lacan sur une banquette inconfortable et qui excédaient rarement 5 minutes… Porn ou Lacan…
Il est certain que l’érotisme est un art qui donne accès à la transcendance, c’est donc un art sacré. De plus nos amies ont dans la vie des responsabilités exorbitantes qui s’accompagnent des privilèges correspondants ; sur le plan physiologique, d’abord, sur les plans moral et social, ensuite ; elles doivent donner à manger aux petits qui sont restés à la campagne ; elles doivent porter de la lingerie pour plaire… En clair, elles ont besoin d’argent, tout le monde le comprend, sauf la personne qui a écrit cet article.