Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, nous livre sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner. Ou consulter sa lettre d’information Republick.
En voici l’éditorial. L’intégralité de la newsletter disponible ici.
Vous allez me dire que cette question n’a aucun sens. Pourquoi donc Emmanuel Macron se mettrait-il à écouter ce que les Suisses ont à lui dire lors de sa visite d’État, les 15 et 16 novembre ? Un président de la République française, après tout, n’a pas besoin de ça. A quoi bon écouter les Helvètes lui parler, par exemple, des vertus de la démocratie directe ? A quoi bon écouter ses interlocuteurs, à Berne, Lausanne puis Genève, lui expliquer que la décentralisation fonctionne plutôt bien ici et que les gouvernements cantonaux ne sont pas des godillots ?
A quoi bon, oui, puisque Emmanuel Macron donne toujours l’impression de tout savoir. Ce qui ne l’empêche pas de répéter comme un mantra sa volonté d’étendre le champ du référendum… Même le sujet de l’immigration, qu’un nouveau projet de loi présenté au Sénat ce lundi prétend remettre à plat, pourrait se retrouver dans les urnes. C’est en tout cas ce qu’affirme la presse. C’est ce qu’espèrent les Français si l’on en croit les sondages. Mais franchement, est-ce que tout cela compte vraiment ?
J’ai couvert le Grand débat national organisé après la crise des Gilets jaunes. J’ai défendu – seul, ou presque, parmi les correspondants de médias étrangers – le Conseil national de la refondation lancé par Emmanuel Macron après sa réélection. J’ai cru qu’un jour, ce président ne ferait pas qu’entendre, avant de répondre avec le brio qu’on lui connaît. Et je me suis trompé. Logique. Implacable. L’Académicien Pascal Ory l’explique avec brio dans son petit livre « Ce cher et vieux pays… » où il présente la Suisse comme le contraire de la France. Triste verdict : le pays de Voltaire aime sans doute trop l’autorité pour écouter la liberté. Verdict implacable : la France aime sans doute trop l’autorité pour écouter la liberté. Tiens, Emmanuel Macron présidera d’ailleurs, ce mardi matin, devant le portail de l’Élysée, une nouvelle cérémonie publique (désormais mensuelle) de relève de la Garde Républicaine.
Vous souhaitez être écoutés ? Commencez par le garde-à-vous !
Bonne lecture, Yodel inclus !
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.
Nous en savons un peu plus sur la présense-absence du chef de l’État à la marche du 12. Le vendredi précédent un de ses conseillers de l’ombre, ni Mackinsey, ni Benalla mais un certain Yassine Bellatar, fraichement débarqué à l’issue d’une harangue prononcée à Tunis, finit par le convaincre qu’au lieu de défiler, le mieux serait de se défiler. Rejoindre le duo issu de l’Assemblée Nationale et du Sénat serait une faute majeure et impardonnable aux yeux de… la “rue arabe”. Et qu’il ne fallait désespérer ce “nouveau Billancourt”… Il s’abstint donc et, d’une pierre deux coups, alla rejoindre, dans son absence, le Gourou… Le contenu de la fameuse missive, en forme de rattrapage prenait tout sens : marcher contre l’antisémitisme signifiait, ou du moins le risquait, une manifestation ouverte d’islamophobie. Ce “enmêmetemppisme” auréolée des couleurs du “dos à dos” et du “neutre” fût décliné sur les rives du Léman. Il ne fallait pas en attendre moins. La leçon assénée de ces rives et du haut de la chaire, magnifiée par la pureté du “neutre helvète”, tel Bernard prêchant la croisade, réitérant une idée qui avait fait pschitt, préconisa une croisade contre tous les terroristes de tous poils, sans que les mots Hamas et otages soient prononcés. Funambulisme et jongleries… présidentiels…
« Quand je me contemple, je me désole ; quand je me compare, je me console » Talleyrand.
Le nombre et la richesse des commentaires prouve à elle seule tout l’intérêt du débat lancé par notre ami Richard Werly. Débat aussi vieux que la démocratie elle-même : directe ? Représentative ? La part des deux ? Débat qui mérite la réflexion, l’argumentation, et devrait éviter toute polémique. La Suisse, et la France sont toutes deux, avec la Grande Bretagne, les nations fondatrices de la démocratie européenne. Et, parmi les nations du monde, quand on en fait le tour, elles font toujours partie du cercle restreint de celles qui se distinguent absolument des régimes autoritaires à parti unique, des dictatures, ou des théocraties. Ce n’est pas rien. A ce seul titre elles méritent chacune le respect, et que leurs avantages, leurs forces, comme leurs faiblesses et les problèmes qu’elles rencontrent, ne donnent pas lieu à caricature, ni à chauvinisme.
Car, au fond, ce que nous dit Richard Werly n’est pas très différent de ce que crient dans les rues, et manifestent par l’abstention, une grande proportion de nos compatriotes : la rupture de confiance, qui ne date pas de la présidence Macron, entre un grand nombre de citoyens et leur représentation politique. Un certain référendum sur la constitution européenne, en 2005, et ses suites, ayant laissé des traces profondes. Ainsi, pour se limiter à des événements récents, que le mouvement des Gilets jaunes, 6 mois de manifestations contre la réforme des retraites, et un nombre excessif de 49/3, qui paralysent le travail parlementaire.
Il parait difficile de nier que la démocratie représentative connait, en France, des difficultés croissantes de fonctionnement. En témoignerait à elle seule, la proportion inquiétante, qui ne date pas non plus de la présidence Macron, d’électeurs qui ne se rendent plus aux urnes, ne votent plus, persuadés, disent-ils que « cela ne sert plus à rien ». Ceci constaté, 3 remarques s’imposent.
D’abord, il n’y a pas deux constitutions démocratiques identiques dans le monde. Chacune emprunte à l’histoire singulière de sa nation et de son peuple. La Grande Bretagne, monarchique, l’Allemagne, république fédérale, sont tout aussi authentiquement démocratiques que la France ou l’Italie. Et aucune ne peut constituer un modèle transposable à un autre peuple. La France s’est constituée en État centralisé dès François 1er. Soit depuis plus d’un demi-millénaire. Et en État-nation, centralisé, jacobin, depuis 1789. C’est son histoire. Elle s’est aussi décentralisée en régions à partir de 1981 ; départements, communes et groupements de communes disposant en outre d’une certaine autonomie et d’assemblées élues.
La deuxième remarque est que le gouvernement du peuple par lui-même, la démocratie directe, n’est possible que pour des unités géographiques et démographiques restreintes. On ne gouverne pas un État comme l’Estonie, 1,3 million d’habitants, 45 mille Km2, peu urbanisée, comme l’Allemagne, 83 millions, 356 mille Km2, hyper-urbanisée. La complexité croissante du travail législatif, dans un État de droit ; l’urgence quotidienne de décisions exécutives, ne sauraient mobiliser en permanence la totalité des citoyens. Comme le souligne justement l’un des commentateurs, la démocratie représentative repose alors sur le respect du Contrat Social, cher au ‘’citoyen de Genève’’ comme il se nommait lui-même.
La dernière remarque porte sur l’usage du referendum pour redonner au peuple, son pouvoir direct. Là encore, la longue histoire de son usage répété, par la population sage et placide, modérée, des cantons suisses, n’est pas transmissible telle quelle ; et n’est pas illimité. Referendum facultatif et d’initiative populaire ont une portée restreinte. Le premier ne peut que s’opposer à une loi, ou un traité, déjà votés au niveau fédéral. Et le résultat du second peut être contesté par un contre-projet du Conseil fédéral. Le dernier, le referendum obligatoire, est strictement d’initiative fédérale et non populaire. Et tous, strictement dans le cadre de la Constitution fédérale.
Dans des États aussi démocratiques que la Belgique, les Pays-Bas ou la Norvège, il n’existe pas de base constitutionnelle pour un referendum national, et il y a fallu des subterfuges parlementaires exceptionnels pour le vote sur la Constitution européenne. Mais d’autres nations, par souci démocratique, bannissent tout referendum de leur constitution. En témoigne la République fédérale d’Allemagne, dont la loi fondamentale interdit tout recours constitutionnel au referendum. A la seule exception, article 29, du découpage territorial des Länder. Précisément, en raison de son histoire et de l’usage fait par le régime nazi des référendums. On voit par ces exemples, que l’introduction de tout nouveau mode référendaire est complexe. Et qu’il convient de bien y réfléchir, en France, en particulier dans la perspective d’une accession possible au pouvoir de partis situés à l’extrême de l’échiquier politique et de l’usage qu’ils pourraient en faire. L’exemple de nombreux régimes autoritaires, ou de dictatures, capables de retourner les votes populaires à leur avantage pour conforter leur régime doit inciter à réfléchir. En particulier au moment où, dans des démocraties aussi exemplaires que celle des Pays-Bas, de la Suède, de la Finlande… des forces anti-démocratiques que l’on croyait disparues d’Europe ressurgissent et accèdent au parlement, ou au pouvoir. Réflexion collective que, précisément, cet article de Richard Werly nous permet.
Certes, la démocratie à la française n’est pas idéale. Et elle est certainement perfectible. Mais Winston Churchill le constatait déjà : « La démocratie est le pire des régimes politiques… à l’exception de tous les autres. »
Bien amicalement à tous,
JC
Il faut être sérieux. D’abord la Suisse et la France sont des pays amis depuis longtemps. Les Suisses sont des gens assez fins et bien élevés qui se garderont bien de faire la leçon à notre couple présidentiel atypique. D’après la constitution de la Ve République, modifiée, toujours actuellement en vigueur, le président “a le droit” de consulter le peuple, lui seul ayant l’appréciation de l’opportunité. Pour les affaires courantes, comme le budget, la dette publique, c’est le gouvernement responsable devant la représentation nationale qui négocie avec Fitch et MacKinsey et qui utilise à fond les ressources de la constitution, dont le célèbre article 49-3. Il y a quelque chose qui vous déplait ? Non ? Bon alors un demi-tour, au travail.
De nouveaux sujets ne devraient pas manquer d’alimenter la perplexité de notre éditorialiste et peut être de nouvelles raisons de s’inquiéter surtout à la veille d’une visite d’État si importante. J’ignore si la Suisse est adèpte des billards à plusieurs bandes, l’histoire de la confédération ne permet pas d’en douter. Notre Jupiter devrait dare dare aller se soumettre à un test audika (Il était naguère gratuit) avant son importante visite. Sans préjuger de l’issue du test il est à craindre que ce soit l’écoute qui fait défaut. La situation récente semble plutôt illustrer l’usage acrobatique des billards à plusieurs bandes. Rien n’indique que la confédération est en reste dans cet exercice. Dans son refus gêné de ne pas se joindre à la manifestation du 12 novembre, l’oreille jupitérienne semble bien avoir vu, entendu et écouté les tweets du gourou de LFI qui s’est aussitôt félicité d’avoir été entendu et écouté. Le gourou n’était plus seul, un hôte de choix avait rejoins son camp. Exultant, le gourou a dû s’imaginer pouvoir devenir, pour la deuxième fois, premier ministre. Le Président de la Vème étant de par sa fonction président de tous les Français à atteint les limites de l'”en-même-tempisme” qui, dans cet épisode, conduit à l’ambigüité et à la décrédibilisation des institutions. Un retrait hautain sur l’aventin confinant à l’absence habituelle des divinités antiques ainsi qu’un mutisme inhabituel à entretenu le doute. Une absence subitement tempérée par une exhortation écrite descendant du ciel sur le Mont Sinaï. L’exhortation en forme de commandement qui ne s’adresserait qu’aux humains, ceux qui marchent. Une absence-présence expression d’un surplomb englobant et divin visant à exprimer une distance néanmoins affichée avec une partie des marcheurs dont il convoque pourtant les représentants dans les nouvelles “messes de Saint-Denis” partageant une conception plus large de l'”arc républicain” que sa première ministre (mais elle au premier rang de la marche partageant avec les présidents des deux chambres, la position de bouclier). Mais une absence aux cotés des marcheurs et “présence-absence”, une présence, au côté du gourou… C’est quand même l’aspect essentiel que l’on retiendra de cet épisode. Nous avons assisté à un nouvel épisode de la transsubstantiation, un corps absent mais réel dans les deux espèces réelles qui nous étaient données à voir, les deux présidents de chambres, substituts du pain et du vin… Des informations à venir nous révèleront peut-être des éléments de compréhension d’une position, d’une attitude que la complexité des relations diplomatiques, de la prudence qu’elles nécessitent, notamment au regard de la question des otages et des discussions autour leur libération, imposent. Muni de ce viatique en forme de “neutralité”, Jupiter saura-t-il convaincre ses interlocuteurs helvètes d’augmenter le débit de l’eau du… Rhône. La température augmente, les glaciers disparaissent, la température de l’eau ne cesse de s’élever, nos centrales, en aval, vont bouillir, “çà va bouillir” disait déjà depuis longtemps Zappy Max.
Les vertus de la démocratie directe ? Un mythe importé des cantons helvètes qui sent bon le bovin pré-alpin et la sonnaille ? Une image idyllique brandie par les adversaires de la démocratie parlementaire et pour certains de la démocratie tout cours ? Une image sulpicienne rousseauiste du ” bon sauvage” appliqué au brave montagnard, préservé des vices de la culture, peu instruit mais sage, qui défend sa vallée en se méfiant de la civilisation, des intellectuels, des grands projets et de tout ce qui provient de l’étranger… Notons quand même que notre cher Jean-Jacques n’a pas demandé son reste et a fui Genève. Sur la démocratie directe le “Contrat Social” en précise bien les limites, le fond de la vallée, vallées qui ne communiquent entre elles que le temps du dégel. Je n’ignore pas que depuis les effets du changement climatique ont du affecter la situation et que l’existence du chasse-neige ne doit pas être ignorée. Les votations suisses n’ont pas écarté les manifestations populistes et leurs brillants et tonitruants représentants, au contraire. Le référendum érigé en mantra démocratique et en remède universel peut être un moteur puissant du populisme de droite comme de gauche lorsque les institutions parlementaires sont faibles ou affaiblies et qu’aucun contre-pouvoir ne vienne en limiter les excès. Les partisans des référendums à répétition devant se substituer à des parlements, décriés et rendus responsables des “crises de la représentation” et de l’abstention, vont, dans leur intégrisme démocratique, jusqu’à remettre en cause l’État de droit”. Le populisme revendique une légitimité démocratique au mieux subordonnée aux parlements et aux appareils judiciaires. Dans sa version limite, extrême et anti-parlementaire, les parlements peuvent être remplacés par vote populaire direct. Celui -ci s’exprime dans le cadre d’un choix réduit à l’expression d’un “oui” ou d’un “non” qui polarise des opinions caricaturales et instrumentalisées et chauffées à blanc par des médias à la solde de quelques oligarques, qu’instrumentalisent les partis politiques à moins qu’ils ne soient eux -mêmes instrumentalisés. Les réseaux sociaux tenus pour le nec-plus-ultra de l’expression populaire alimentés ou non par des sondages plus ou moins frelatés et manipulés font le reste. Si la démocratie directe c’est cela non merci. A moins que le Jupiter capitolin n’ait estimé qu’il faudra bien trois jours pour convaincre Berne de rejoindre l’UE, de livrer les armes qu’elle fabrique mais dont elle n’use pas, à l’Ukraine et à Israël, à l’Arménie ? En attendant une votation sur tous ces points ? A moins que l’objet de cette visite ne soit l’apprentissage du yodel et de la tyrolienne. Un ingrédient exotique et disruptif pouvant être mis à profit pour enrichir les futures communications élyséennes… Trois jours suffiront-ils ? Pour une première approche conseillons humblement à notre Prince quelque chose de facile : On oublie tout… On deviens fou… Mexico, mexi… iiiii… co (attention on retiens son souffle)… ça dure à peine une semaine… etc. mex… iiiii…