C’est un autre article à lire du Figaro. Il concerne le fameux faussaire de l’œnologie Rudy Kurniawan.
En voici un extrait :
Une décennie à l’ombre d’une prison texane n’aura pas suffi à entacher la réputation de virtuose du vin qui colle à la peau de Rudy Kurniawan, en tout cas pour une certaine frange d’amateurs internationaux. Cet Indonésien d’origine chinoise a, rappelons-le, traversé les années 2000 en falsifiant grands crus bourguignons et châteaux bordelais. Sans doute réellement œnophile, mais aussi très attiré par l’argent, Zhen Wang Huang, de son vrai nom, a senti très tôt l’explosion du marché des vins français de prestige aux États-Unis. Los Angeles, puis New-York ; il écume les salles de ventes et les cercles de dégustation mondains, puis profite de ses contacts pour mettre aux enchères des bouteilles que seuls les plus riches collectionneurs peuvent s’offrir.
En fabriquant de toutes pièces de faux Petrus ou d’authentiques copies de Romanée-Conti – l’homme est d’ailleurs surnommé « Dr Conti » –, Rudy Kurniawan a amassé des dizaines de millions de dollars, bonifiant par la même occasion sa réputation de super dégustateur.
« La seule qualité que l’on peut lui trouver, c’est sa mémoire hors pair », tient à rectifier Laurent Ponsot, le vigneron qui a provoqué la chute du célèbre escroc. Celui qui était alors à la tête du domaine éponyme le confond en 2008, en s’apercevant, lors d’une vente new-yorkaise, que des flacons de Clos Saint-Denis millésimés au milieu du siècle étaient mis à l’encan. Problème, la propriété de Morey Saint-Denis a commencé à produire des vins sous cette appellation de la Côte de Nuits bien plus tard, au début des années 1980. S’en suive quatre ans de traque, à laquelle Laurent Ponsot a très activement participé pour faire tomber celui que certains n’hésitent pas à qualifier de gourou.
Docteur Conti de nouveau aux affaires
En 2023, Rudy Kurniawan est donc libre, et il n’a pas fallu attendre longtemps pour que circulent des rumeurs selon lesquelles l’homme devenu persona non grata aux États-Unis participe à des dîners d’un genre particulier, à Singapour, où sont servies des copies des plus grands crus… mais cette fois à découvert. Les riches participants à ces soirées dégustent en pleine conscience de faux vins en les comparant aux vrais. Laurent Ponsot a bien confirmé ces informations auprès du Figaro. Nouvelle production spécialement conçue pour ces dégustations ou vestiges de bouteilles falsifiées par le passé, peu importe finalement, puisque les cuvées confectionnées par le contrefacteur durant le début du millénaire sont encore nombreuses à circuler à travers l’Asie.
« Tout cela ne me surprend pas du tout », souffle Laurent Ponsot, qui salue – et c’est une antiphrase –, la capacité de « Rudy », ainsi l’appelle-t-il, de retomber sur ses pattes tel un chat. Ses aficionados, qui ont très bien pu être ses victimes par le passé, se plaisent donc à deviser autour de son prétendu talent, et c’est là le comble du cynisme de ce nouvel épisode de la saga Kurniawan : la capacité de ce dernier à convaincre que ses créations surpassent les originaux. Dans un document rapportant les notes de dégustation de l’un des participants à ces soirées que nous avons pu consulter, il est clairement exposé une préférence pour les créations du faussaire. « Rudy a réussi à convaincre la majorité d’entre nous de choisir son mélange plutôt que des vins vendus à des prix bien plus élevés. C’est un génie du vin ! », peut-on lire. Nous voilà finalement au cœur du problème. « Ce n’est pas un génie du vin. Il n’a même pas de goût !» , assène le vigneron bourguignon.
La suite sur le site du Figaro.
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