Gavroche a fait état des démarches entamées à Paris par un groupe d’exilés thaïlandais pour consulter des archives françaises déclassifiées sur Pridi Banomyong, considéré comme le « père » de la démocratie thaïlandaise. Nous avons interrogé l’universitaire thaïlandais francophone Din Buadaeng, de l’université de Chiang Mai.
Din Buadaeng de l’université de Chiang Mai, spécialiste de l’histoire politique de la Thaïlande a longuement travaillé sur le sujet, en publiant le 28 décembre dernier un long article académique (en langue siamoise), que nous traduisons en ce moment même. Le professeur Din Buadaeng est doctorant de l’université Paris-Diderot, sa thèse porte sur « Le Siam et la première guerre mondiale 1917-1919 ».
G : Qu’est-ce que le « Dossier de Pridi » aux archives diplomatiques françaises ? Quel est son contenu ?
D.B. : Quand on parle du « Dossier de Pridi » au archives diplomatiques, je pense qu’il s’agit de deux cartons. Le premier carton, intitulé « Thaïlandais en France – question du refuge en France de l’ancien premier ministre libéral Pridi Panomyong » (147QO/158), est accessible depuis 2017. J’ai déjà travaillé en détail sur ce carton. Vous en trouvez le contenu, traduit en thaï dans la partie trois de mon article. Yan Marchal et les thaïlandais exilés qui sont allés aux archives le 2 janvier pour chercher le second carton, nommé « Dossier de Pridi » (147QO/215), normalement consultable en 2024, ont malheureusement consulté le mauvais carton. Le contenu que Yan a décrit dans son post sur Facebook est exactement le même que celui de mon article. A mon avis, les deux cartons combinés nous apprennent sur la négociation entre Pridi (et sa famille) et les autorités françaises, entre 1965 et 1970. Le sujet principal concerne le départ de la Chine populaire de Pridi et de sa famille pour se réfugier en France.
Il s’agissait d’un processus compliqué, car la France qui venait d’établir une relation diplomatique avec la Chine en 1964, était déjà critiquée par les autorités thaïlandaises (et aussi par les américains). La relation franco-thaïlandaise était donc sensible.
Nous savons déjà grâce au premier carton que la France a refusé d’attribuer un laissez-passer à Pridi. Ce premier carton se termine par la venue en France de Poonsuk (la femme de Pridi) et Suda (une de ses filles) en 1967.
G : Selon vous, quels éléments sortiront du deuxième carton ?
D.B. : Je pense que le deuxième carton, accessible cette année, est la suite de ce sujet. Cela concerne probablement la négociation entre Pridi et la Chine pour obtenir un passeport. Finalement nous savons que Pridi a réussi d’obtenir un passeport chinois en 1969. Ensuite la France lui a donné un visa pour venir s’y réfugier en 1970. Le « dossier de Pridi » parle probablement de la vie de Pridi après son arrivée en France. Par exemple, nous savons que Pridi a intenté un procès contre le Ministère des affaires étrangères thaïlandais afin d’obtenir sa pension, et également contre le journal Siam Rath pour diffamation. Il est possible que le carton contient ces sujets.
G : Pourquoi est-ce un sujet qui fait réagir en Thaïlande actuellement ?
D.B. : Hormis ces dossiers, ce qui est intéressant pour moi, c’est le phénomène « Lettre de Pridi » en ce moment en Thaïlande. On pensait que Pridi avait conservé un carton secret, rempli de lettres personnelles, aux archives en France. Ceci est totalement faux. Mais la plupart des intellectuels, y compris des militants, professeurs, et journalistes, parlent toujours aujourd’hui de « Lettre de Pridi » sans se poser la moindre question. Mon article vise à corriger cela.
Propos recueillis par Philippe Bergues
A suivre…
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