En Birmanie, le 21 mars 2019 et pour la cinquième année consécutive la diplomatie française a vanté, campagne de communication à l’appui, les mérites de la gastronomie de l’hexagone. Pour cela une quinzaine de restaurants se sont mobilisés. Pour la première fois, le rendez-vous gourmand ne s’est pas tenu seulement dans la capitale économique du pays. Cette année, aux établissements de Rangoun sont venus s’ajouter des tables de référence au Lac Inle, à Bagan ou encore de Nay Pyi Taw. Preuve à l’appui, les touristes français qui sont toujours les plus nombreux des Occidentaux à se rendre en Birmanie sont assurés de (re)trouver ainsi des plats qui leurs sont pour le moins familiers.
Au menu du jour J, les consommateurs ont trouvé dans leur assiette birmane la Provence et ses savoir-faire.
Une destination gourmande que 5 000 restaurants sis au quatre coins du monde (plus de 150 pays) mettront eux aussi à l’honneur.
Opération marketing et d’influence à n’en pas douter !
Personne ne s’en cache d’ailleurs puisqu’elle est activement promue par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Elle est l’occasion de valoriser un terroir, des savoir-faire, des produits aux origines certifiées mais aussi une destination touristique d’exception.
La France comme bien des pays juge que sa gastronomie brillante peut être mise au service de son prestige politique, de ses entreprises de l’agroalimentaire et de son industrie touristique.
C’est pourquoi l’opération « Goût de France – Good France » a été parrainée dès son origine par l’un des plus célèbres de ses maîtres queux : Alain Ducasse.
Elle souligne également à l’envi que le repas gastronomique à la française, avec ses rituels et sa présentation, a été le premier à remplir les conditions de l’UNESCO pour rejoindre la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.
La gastro-diplomatie française met donc en valeur tous les arts de la table.
Elle est narrative, prescriptive, olfactive et visuelle.
Elle se veut innovante d’année en année, pour ne pas devenir le moment d’une simple foire commerciale consacrée à l’alimentation.
Elle ne peut non plus se limiter à célébrer une « grande cuisine » inaccessible au portefeuille du plus grand nombre.
Elle se veut ouverte à tous.
C’est pourquoi, le Facebook de l’ambassade de France en Birmanie a mis en ligne ces dernières semaines, pour son public birman, des recettes simples et relativement peu coûteuses pour le porte-monnaie des ménages (ex. ratatouille, salade d’agrumes au miel, tian…).
Les luttes d’influence gastronomiques se jouent aujourd’hui sur les réseaux sociaux.
Elles génèrent en Asie comme ailleurs des batailles d’images et d’intérêts économiques.
Opérations de communication
En Birmanie, de nombreux pays vantent ostensiblement dans des opérations de communication ciblées le même triptyque : « des aliments d’exception – des cuisiniers hors pairs – des destinations touristes sans pareilles ».
L’Italie, Israël, la Corée, la Thaïlande y développent des gastro-stratégies de plus en plus élaborées.
Ces pratiques mobilisent des moyens dans le pays d’origine et les projettent vers les consommateurs birmans, leurs lieux de restauration et leurs réseaux d’approvisionnements les plus quotidiens.
Si Européens et Asiatiques s’y emploient pour s’y faire apprécier, force est de constater que les Birmans eux ne font guère d’efforts pour valoriser leur patrimoine gustatif sur leur sol et à l’étranger.
La littérature consacrée à la gastronomie birmane est rare, non seulement en anglais mais aussi en birman et dans les langues vernaculaires du pays.
Pour en connaître toute la variété du patrimoine culinaire birman, il faut s’en remettre à quelques passeurs de savoirs.
Desmond Tan est l’un d’entre eux.
Non seulement, il a lancé en 2014 une société (Burma Love Natural Foods Company) pour importer aux États-Unis les ingrédients indispensables à la cuisine birmane mais le Birmano-chinois émigré en Californie à la fin des années 70 est aujourd’hui copropriétaire de restaurants birmans à l’image du Burma Superstar ouvert en 1992 à San Francisco.
Les recettes de cuisine qu’il présente soulignent le melting pot asiatique et birman.
Sans surprise, nombre de ses choix mettent en valeur les terroirs bama, rakhine, shan mais également ce qui est plus rare, chin.
Il ne propose pas un menu complet mais des plats individualisés de currys, de légumes, de nouilles, de soupes, de salades, snacks et desserts, sans oublier bien évidemment quelques boissons originales.
Un livre de référence
Si les livres de cuisine des restaurants n’ont pas exactement la réputation d’être faciles, il n’en est rien ici.
Chaque plat est décrit et photographié dans sa forme finale pour 4 à 6 personnes.
Certes, les portions retenues sont plus copieuses que sur une table birmane traditionnelle où il est de bon ton d’apporter sur la table tous ensemble les plats proposés dans une grande diversité aux convives.
La cuisine décrite est aussi bien moins grasse que celle que l’on peut trouver dans les restaurants de rue où une huile au goût neutre est le plus souvent abondamment utilisée pour protéger les produits cuisinés de tout contaminant extérieur.
La cuisine birmane s’exprimant au travers d’une très grande variété de plats dans un même menu, si l’on veut se mettre aux fourneaux les trois pages d’index des mets sont un outil de travail bien pratique.
On retrouve ainsi les informations pratiques pour réaliser un poulet biryani à la birmane ou la très classique mohinga (soupe de poisson et de vermicelles) et sa version Rakhine plus épicée.
Vous pourrez vous lancer également dans la confection du ragoût de porc à la citrouille, d’un agneau au chili sauté, d’un riz à la noix de coco, du tofu ardent, de pousses de pois au wok, et bien d’autres succulentes choses.
Toutes les recettes richement illustrées sont l’occasion de faire (re)découvrir aux gourmets des ingrédients qui nous sont trop peu familiers tels la chayotte, le gombo, les haricots blancs de Bagan, ou encore les emblématiques feuilles de thé fermentées (laphet).
Si certains constituants des préparations sont peut être difficiles à trouver sur les étals des marchés de l’hexagone le dictionnaire des ingrédients en fin d’ouvrages vous permettra d’envisager des produits alternatifs.
Si dans ce livre tout a été fait pour rendre les recettes birmanes accessibles aux cuisiniers notamment Occidentaux, l’ouvrage de cuisine de Desmond Tan est plus que cela.
En effet, les chapitres s’ouvrent sur des considérations familiales, géographiques, politiques, ethniques permettant de contextualiser l’alimentation de la Birmane.
Le corpus photographique réalisé à San Francisco par John Lee donne lui de bien jolies couleurs à la cuisine birmane.
François GUILBERT
A lire: Desmond Tan – Kate Leahy : Burma – Superstar. Addictive Recipes from Crossroads of Southeast Asia, Ten Speed Press, New York, 2018, 258 p
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.