Une chronique de Patrick Chesneau
Un cri du cœur, strident et muet, à chaque photo inédite du pays Isaan. La redécouverte de la beauté. Originelle. Décontenancé au tout début, il y a de cela tant d’années, je me suis mis imperceptiblement à habiter ces lieux, à m’intégrer dans un décor immuable au fur et à mesure des ans.
Au prix d’un inlassable effort de lenteur et d’infinie patience, j’ai appris à aimer intimement les provinces agrestes du Nord-Est. D’emblée, j’ai abdiqué devant toute esquisse de résistance. C’eût été incongru. Plutôt consentir à me laisser bercer puis emporter dans une pérégrination onirique.
Le temps devient fluide.
Au gré des séquences qui s’emboîtent tout au long de la journée, l’air est tour à tour empesé et volatile. Quand le soleil flamboie au zénith, il convient de retenir sa respiration pour s’emplir de sérénité avant la nuit étoilée. C’est alors l’occasion d’un frisson, favorisé par une obscurité très rafraîchie pendant l’hiver de cette latitude orientale.
Cycle immuable des saisons.
Le peuple d’Isaan s’y conforme. Et si la nature semble injuste, les villageois se pressent au temple pour demander réparation. Solliciter la clémence des cieux. Bouddha écoute et veille sur cette terre encore indomptée par la modernité. Lui, est inspiré et gratifie les dévots de sa grâce immanente.
En tous lieux, dans cette immense étendue entre Laos et Cambodge, prime la contemplation. Des rizières en enfilade, d’un vert cru, piquetées de palmiers longilignes. Regroupés en bosquets, ils osent toiser de leur panache végétal le Mékong impavide. J’attribue à ces paysages une valeur hypnotique. Une atmosphère à la fois émolliente et rude. Le sentiment d’un univers brut, presque rugueux mâtiné d’onctuosité. Forcément chaleureux. Naît alors une scansion mentale. Logée en pleine mémoire vive. C’est à vie.
Patrick Chesneau
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