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THAÏLANDE – JUSTICE : Que peut-on attendre du verdict à l’encontre du Move Forward Party le 31 janvier ?

Date de publication : 28/01/2024
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parti politique Move Forward

 

Une analyse de Philippe Bergues

 

Après la réintégration de Pita Limjaroenrat comme député sur les bancs de la Chambre basse ce jeudi, après que le tribunal ait prononcé son acquittement dans l’affaire iTV, une autre épreuve de taille attend le 31 janvier le Move Forward Party. Le tribunal devra statuer si sa proposition de campagne, visant à réformer la monarchie en souhaitant faire débattre l’article 112 ou crime de lèse majesté, était ou non une tentative de renversement de la monarchie constitutionnelle, comme l’affirme le plaignant, l’avocat ultraroyaliste Buddha Issara.

 

La relaxe de Pita cette semaine est-elle un signe positif et avant-coureur pour le Move Forward Party le 31 janvier prochain ?

 

Les deux affaires sont bien distinctes malgré le fait qu’elles concernent le parti vainqueur des élections de 2023 et son leader. Sur le fond, on verra mercredi prochain si la Cour constitutionnelle estime que vouloir modifier la loi sur le crime de lèse majesté équivaut ou non à renverser la monarchie constitutionnelle avec le roi comme chef de l’État. La dirigeante du Mouvement Progressiste, Pannika Wanich, ancienne dirigeante du Future Forward Party, aujourd’hui dissous, et bannie de politique, a déclaré que « si le lèse majesté était considéré comme une loi ayant un statut plus élevé que les autres lois du Code criminel, cela poserait problème ». Elle a également souligné que « le pouvoir législatif a le devoir d’élaborer et de modifier les lois et que les députés du MFP faisaient simplement leur travail lorsqu’ils ont poussé à l’amendement de la loi de lèse majesté ». Pita Limjaroenrat, interrogé après sa relaxe, a affirmé que « le verdict de la semaine prochaine n’a aucun rapport avec l’affaire iTV ». En effet, l’histoire de la Thaïlande, en matière de lèse majesté, montre que les accusations envers le MFP sont bien plus redoutables que celle dont son leader vient d’être innocenté.

 

Quelles influences sur le jugement ?

 

Il est certain que la Thaïlande n’a pas besoin actuellement de réactiver des manifestations de rue intenses, qui ne manqueraient pas de se produire si le MFP devenait à être dissout. Tous les sondages sont clairs : le parti « orange » et son leader naturel, Pita Limjaroenrat, sont les plus populaires auprès du peuple thaïlandais. Tout le monde le sait bien, à commencer par le gouvernement dirigé par Srettha Thavisin. Dans une période de faible croissance économique, les Thaïlandais attendent des mesures de soutien au pouvoir d’achat et auraient du mal à comprendre que la justice instrumentalise la vie politique à ce moment précis, d’autant que les prochaines élections générales sont programmées au printemps 2027. De plus, un parallèle aisé pourrait être fait avec le futur destin de Thaksin Shinawatra, que beaucoup voient sortir de son « hôpital-prison » de la police royale courant février. Grâce à une libération conditionnelle que certains ultraroyalistes et une partie de la population considèrent relever d’un statut privilégié. Par ailleurs, il ne faut pas oublier la représentation de la Thaïlande qu’ont ses partenaires internationaux, au moment où se discutent les conditions d’un accord de libre échange avec l’Union européenne. Le président allemand a salué cette semaine de Bangkok, où il était en visite d’état, l’acquittement de Pita, comme allant dans la bonne direction démocratique. N’oublions pas que ces négociations d’un ALE Thaïlande-UE avaient été interrompues en 2014 quand Prayut Chan-o-cha et les militaires avaient renversé le gouvernement civil et démocratiquement élu de Yingluck. Les partenaires occidentaux de la Thaïlande observent très sérieusement l’évolution du processus politique intérieur, et sans doute, envoient des signaux allant dans le sens du respect des fondamentaux démocratiques.

 

Que veut le camp conservateur ?

 

Ces partis conservateurs sont absolument contre toute modification de l’article 112. On a bien vu comment le Sénat, dont tous les membres ont été nommés par la junte militaire, ont bloqué l’élection de Pita comme chef de gouvernement l’été dernier. Le sénateur Somchai Sawangkarn a cité, après la décision du tribunal de ne pas révoquer le statut de député de Pita, un vieux proverbe thaïlandais appelant « à renoncer à l’aigre pour le sucré ». Ce qui revient à dire qu’il ne faut pas chanter trop tôt, ni crier victoire trop vite. C’est incontestablement une allusion d’espoir d’une condamnation à venir du Move Forward Party qui pourrait conduire à sa dissolution.

 

Philippe Bergues

 

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