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On le sait tous : tout compte à l’heure de la communication politique massive. Chaque mot, chaque cliché, nourrit, dans nos démocraties, le puzzle d’une stratégie électorale gagnante. Voici donc, en pleine colère des paysans, Jordan Bardella et Gabriel Attal sur le terrain boueux de l’agriculture et du malaise rural.
Bardella-Attal, car la politique française se résume aujourd’hui à leur duel. Le second a été nommé Premier ministre par Emmanuel Macron pour contrer l’avancée fulgurante du président du Rassemblement national, d’ici aux élections européennes du 9 juin. Et pour l’heure, la stratégie de ce nouveau chef du gouvernement de 34 ans se résume à une image : celle de la botte de paille transformée en pupitre, lors de sa rencontre, vendredi 26 janvier, avec des paysans de la région Occitanie.
A lire sur Blick : Voici les paysans que redoutent Gabriel Attal
Cette botte de paille n’est pas une botte d’escrime. Elle ne dessine pas les contours d’un sabre ou d’une épée, comme dans un vrai duel. Mais le défi est bien le même. Qui, de Jordan Bardella, 28 ans, ou de Gabriel Attal, 34 ans, réussira le mieux son « baptême du foin », pour reprendre le joli titre de « Libération » ? Tous les deux sont parisiens, bien que leurs itinéraires soient aux antipodes : le leader national-populiste a grandi dans une cité de Seine-Saint-Denis, le nouveau patron de la majorité (relative) présidentielle est le prototype de l’enfant gâté des beaux quartiers. Et tous deux jouent, très tôt, le rôle de leurs vies. Bardella fait du Le Pen sans porter le nom du clan. Attal doit impérativement persuader ses interlocuteurs qu’il n’est pas qu’un « mini Macron ».
D’ici au salon de l’agriculture, fin février, la botte de paille sera leur boussole. Si les paysans finissent par la remettre sur un tracteur, en direction de leur ferme, Attal aura gagné. S’ils la brûlent sur les barrages, ou s’ils l’utilisent pour bloquer les préfectures, Bardella tiendra la corde.
Bonne lecture, sur un chariot chargé de paille.
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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Une nouvelle forme de communication massive semble émerger : la formation d’un gouvernement, à l’exception allemande près, n’a jamais nécessité un mois sous la 5ème République. Dans la cas présent, une première nomination partielle a concerné un gouvernement dit resserré et “débauché”. La marque “iconique” de ce débauchage réside dans la nomination d’une ministre de la culture dont la culture est le dernier souci. La mairie de Paris est l’objectif affiché par elle-même dès le lendemain de la nomination. Aucune surprise dans cette nomination, Mme Bachelot ayant précédé dans ce schéma qui dure depuis… Jacques Lang. Ce dernier ayant fait cohabiter la culture, le cirque et les arts de rue et j’en passe … Après Malraux peut-on encore parler de ministre de la culture ? L’autre effet attendu est l’affaiblissement du camp LR. Le nouveau ministère de l’éducation nationale, cause érigée comme priorité nationale est accolé aux sports, aux jeux olympiques et paralympiques. Sachant que le nouveau premier ministre désertant ses fonctions, non sans effets d’annonces mais sans résultats dans ce ministère, bien qu’affirmant que l’éducation reste sous sa “juridiction” et que le chef de l’État l’ai hissé au rang de domaine réservé. Trois bonnes fées se penchent sur le berceau de l’éducation nationale chacune avec sa tétine. La suite des nominations, deuxième acte du ballet élyséo-matignonesque semblait attendre le verdict concernant le sort de M. Bayrou. La voie étant “libre”, peut-il espérer un “marocain” mais qui ne serait pas un “strapontin” ? Retrouver un poste dans lequel son action fut nulle ? ce qui supposerait d’évincer une “ministre – femme” et de devoir “partager” le domaine avec G. Attal pour la nomination duquel il était opposé… Last but not least, cette cavalcade déchaine les appétits sur le côté droit : M. Bertrand, vaincu des primaires, vainqueur de M. Le Pen dans le Nord, disant avoir appris de ses erreurs, pose ses jalons pour une candidature présidentielle future… 3 ans avant !!!… De programme… nenni … à l’exception de troubler la “marche triomphale” du couple des jumeaux et s’ériger en barrage contre les eaux bleu-marines. Mais, en divisant objectivement son camp, en favorisant le “tsunami” tant redouté … La bataille des égo risque de nous révéler, parmi de nombreuses autres, la surprise d’un duel dans le duel : Bardella/Attal et Bayrou/Bertrand… Bonne nouvelle : le théatre de Guignol a été prié de quitter le champ de mars mais il a été réinstallé rue de Varennes…
“Tout compte à l’heure de la communication politique massive”… La déclaration de politique générale du premier ministre en est l’illustration sur deux points. L’âge du capitaine exhibé en forme d’étendard renvoi ainsi tous les membres du gouvernement au leur et à leurs multiples nuances de gris, une nuance de gris que le fringuant premier ministre peine à dissimuler face à son jumeau plus jeune. Tous à l’épad semble signifier cet affichage. Pas question de comparer avec l’âge de Saint-Just, d’Alexandre le Grand ou de Napoléon au pont d’Arcole. Mais le plus innovant dans la communication est l’affichage de la préférence sexuelle de l’impétrant. La nouvelle ne prend pas la forme d’une révélation de secret largement éventé par l’intéressé, mais d’un affichage qui donne à cette caractéristique une aura officielle et planétaire. Une première interrogation surgit : un précédent aurait-il été crée par une tel étalage qui, auparavant aurait été considéré comme… incongru. Les futurs impétrants de Matignon devront-ils déclarer leur “appartenance” sexuelle comme leur patrimoine dans leur déclaration du même nom ? Il sera difficile pour les successeurs d’éviter de se plier à l’exercice, tant la curiosité populaire est vorace. J’imagine que la question de l’extension d’un éventuel précédent doit tarauder les autres membres du gouvernement. Le ministre des finances, à son corps défendant, a du essuyer les plâtres lors de la lecture qu’il fit des 56 pages de la fameuse déclaration au Sénat, au moment même ou sa lecture était faite à l’assemblée nationale. Astreint à une lecture à la lettre près du pensum, il dut afficher un âge qui visiblement ne correspondait pas à la couleur de sa crinière (ce qui fit rire l’assistance) et une homosexualité qui n’était pas (du moins pas encore) la sienne. les Sénateurs se contentèrent de baisser la tête dans un silence gêné se demandant si le premier ministre, encore joueur vu son âge, ne s’était pas livré à un “outing”. Si G Attal avait assumé son homosexualité il est permis de supposer, pour le moins, que B. Lemaire assumait l’homosexualité de G Attal… Jusque là les préférences sexuelles d’un premier ministre n’avaient jamais été au programme d’un discours de politique générale, la question relevant, selon l’opinion générale et surtout à droite, de la vie privée. Alors pourquoi une telle déclaration ? Créer une nouvelle coutume… constitutionnelle ? Officialiser l’acceptation par le nouveau gouvernement et plus particulièrement de membres ayant naguère proclamé leur homophobie certes masquée derrière leur refus “biblique”du PACS, puis du mariage et jurant de rétablir le “statu-quo ante” voire de “démarier” les mal mariés ? La saillie de G Attal dût être difficile à avaler d’autant que, d’après ces illustres personnages recyclés (d’autres sont en préparation dit-on) et contrition faite, l’homosexualité serait loin d’être un problème à condition qu’elle soit honteuse et surtout de la cacher. Mais le premier ministre franchit les bornes en brandissant la loi Taubira comme une avancée sociale présentée comme majeure pour la société. Alors rien ne peut aller pour ces radicaux de droite surtout tradi-catho, le mariage conduisant potentiellement à la filiation (ignorant qu’on peut aussi se marier pour des raisons fiscales) et ayant exclu, avec l’appui des féministes, la GPA, le “mariage pour-tous” reste une “contre-façon” et pour certains satanique, défigurant le “vrai mariage”. Le Pacs ersatz est pour les plus “mous” d’entre eux et face au mariage diabolisé va devenir (après avoir été lui aussi diabolisé) bon gré mal gré, dans une position de repli et de guerre lasse, toléré. Le premier ministre ne cache d’ailleurs pas son expérience pacsée antérieure. La droite la plus “progressiste” du gouvernement bien que “réservée” se sentira sans doute rassurée par la modération qui caractérise la situation. Mais rien ne va plus, non plus, chez les gays radicaux et intersectionnels d’un certain “lgbt…isme”. Un premier ministre gay mais pour eux pas assez, un gay qui ne serait pas gay. Faute d’exhiber une position militante intersectionnelle agrémentée de paillettes et du drapeau “arc-en ciel” que sa position, premier ministre, et ses origines sociales (grand bourgeois) lui interdiraient par principes “lgbt…istes”… donc trop “intégré” et qui plus est “blanc”… “trop blanc”. A la différence des homophobes traditionnels rejetant l’homosexualité et les homosexuels, les tenant du “lgbt…isme” distinguent les mauvais et les bons… Réduisant l’intéressé et son orientation politique à sa seule orientation affective et sexuelle ces militants gay se comportent comme n’importe quel homophobe. Avec cette innovation qu’au sein des gays, une partie d’entre eux, les mauvais, aurait rejoint le camp des “anti-gays” homophobes. L’innovation attalienne ne manquera pas de déclencher de multiples réactions dans les sphères politiques. Comment sera t-elle digérée dans le camp du jumeau ? Quels effets politiques peut-on en escompter dans les discours à venir et dans leurs éventuels effets électoraux ?
Une botte de foin comme pupitre pour un chef de gouvernement d’un pays sur la paille a t-on pu lire en guise de légende du fameux cliché… La crise agricole, à la suite des “gilets jaunes” souligne une situation plus générale, la “disparition” des “classes moyennes”. L’enjeu des duellistes (Attal / Bardella) au delà des paysans qui percutent l’agenda du premier ministre est la conquête électorale des classes moyennes. La question n’est pas nouvelle et Tocqueville avait fait de celles-ci, porteuses d’égalité, le pivot et le garant du système démocratique. Plus récemment, Giscard, il est vrai en pleines glorieuses -déjà flageolantes- en fait le cœur du l’équilibre politique. “2 français sur 3”, tel fût le slogan dans le goût très mathématique de ce président. Le rétrécissement statistique des classes moyennes observé depuis au moins deux décennies est l’objet d’une attention privilégiée de la classe politique. Au delà des approches discutées et controversées sur leur définition et leurs caractéristiques, les classes moyennes sont devenues un slogan et qui plus est un slogan “attrape-tout”. L’accélération verbale s’est emballée avec la problématique inexorable du “déclassement” surtout des générations futures. “Nos enfants vivront moins bien que nous” clame t-on. L’enjeu concernerait donc des populations jeunes voire non encore nées. D’où la sollicitude que manifestent président de la république et premier ministre dans une logorrhée hyperbolique, répétée et martelée en forme de cri de ralliement. L’enjeu est d’abord électoral, électoraliste, la catégorie “fourre-tout” ayant la vertu d’être agrégative bien que l’un des jumeaux se présente en héros des classes populaires. La sémantique est différente mais se recoupe. Le RN ayant récupéré, depuis au moins deux décennies, un électorat ouvrier face à la défection des partis socialistes et communistes, la macronie, dans un concept flou, tente de mordre sur cet électorat. Dans ce flou la notion de classe moyenne permet d’inclure des classes moyennes supérieures voire des CSP + “boboïsées craignant la perte de leurs “privilèges” (milieux culturels, techniciens, cadres moyens voire au dessus, également tentés par Mélenchon). G Attal ne peut espérer séduire la part populaire du RN et pour J Bardella l’enjeu est de séduire la partie “inférieure” des classes moyennes surtout celles en voie de déclassement. Deux premiers ministres l’un en poste, l’autre supposé potentiel, rivalisant sur leur âge, en défenseur des classes moyennes. En superposant la figure des deux, on aurait N. Sarkozy… Au RN le déclassement est complété par une thématique sur l’immigration vue comme aggravant le phénomène. G. Attal dans une incise inattendue, et exposant sa personne ou du moins certains aspects de celle-ci, mit en scène ses préférences sexuelles. L’assomption d’un premier ministre caractérisé par ses inclinations sexuelles est-elle de nature à couper l’herbe (ou le foin) sous le pied de J Bardella ? Le RN n’est pas en reste, lui qui surfe sur l’islam et l’homophobie qu’il alimenterait dans certaines banlieues, pour se faire, mezzo-vocce, le bouclier de la défense des LGBT voire plus… Les classes moyennes une nouvelle tunique de Nessus…