Par Ioan Voicu
La manifestation la plus significative de la diplomatie multilatérale au début de l’année 2024 a été le troisième Sommet du Sud qui s’est tenu à Kampala, en Ouganda, du 21 au 22 janvier 2024. Le Sommet a réuni les chefs d’État et de gouvernement des États participants et a adopté un document final de 30 pages contenant 156 paragraphes.
Nous nous concentrerons uniquement sur la manière dont la valeur de solidarité se reflète dans le texte de ce document publié au nom du Groupe des 77 (134 pays) et de la Chine, y compris tous les États membres de l’ASEAN.
Une valeur fondamentale
La solidarité est mentionnée expressis verbis à 9 reprises dans le document examiné. Il faut remarquer que dès le premier paragraphe du document, les participants au niveau des chefs d’État et de gouvernement se déclarent « pleinement convaincus de la nécessité de continuer à agir dans la solidarité et l’unité » pour un monde pacifique, durable et prospère qui réponde à leurs aspirations et réaffirment leur plein engagement envers l’esprit et les principes du Groupe des 77 et de la Chine, ainsi qu’en faveur de la défense et de la promotion de leurs intérêts collectifs dans le cadre d’une véritable coopération internationale pour le développement.
Le texte poursuit en rappelant la première réunion ministérielle du Groupe des 77, tenue à Alger du 10 au 25 octobre 1964, au cours de laquelle le Groupe a adopté la Charte d’Alger, qui a établi les principes d’unité, de complémentarité, de coopération et de solidarité des pays en développement et leur détermination à lutter pour le développement économique et social, individuellement ou collectivement.
Dans le même cadre, il est rappelé que la convocation du Troisième Sommet du Sud dans un contexte international caractérisé par des crises multidimensionnelles et de nouveaux défis est une occasion pour le Groupe de tracer une nouvelle voie au nom de ses peuples.
La prochaine référence à la solidarité est formulée comme une sorte de rappel historique critique. Les participants « expriment notre rejet le plus ferme de la mise en œuvre de mesures coercitives unilatérales et réitèrent notre solidarité avec Cuba. Nous réaffirmons notre appel au gouvernement des États-Unis pour qu’il mette fin au blocus économique, commercial et financier imposé à cette nation sœur depuis plus de six décennies et qui constitue le principal obstacle à son plein développement ».
En utilisant un ton juridique et politique approprié, le document répond à la question de savoir pourquoi la solidarité est si importante pour les pays du Sud. Il réaffirme que les principales forces du Groupe demeurent son unité et sa solidarité, sa vision de relations multilatérales justes et équitables, l’engagement de ses États membres en faveur du bien-être et de la prospérité des peuples du Sud, ainsi que son engagement à défendre le multilatéralisme et à renforcer la coopération mutuellement bénéfique.
Cette réponse est élaborée davantage en ajoutant des éléments illustratifs de la primauté de la solidarité. En termes clairs, les participants « reconnaissent l’importance et les différentes histoires et particularités de la coopération Sud-Sud, et réaffirment leur vision de la coopération Sud-Sud comme une manifestation de solidarité entre les peuples et les pays du Sud qui contribue à leur bien-être national » , leur autonomie nationale et collective et la réalisation des objectifs de développement convenus au niveau international, y compris les objectifs de développement durable des Nations Unies, conformément aux priorités et plans nationaux. En outre, il est précisé que la coopération Sud-Sud et son agenda doivent être fixés par les pays du Sud et doivent continuer à être guidés par les principes de respect de la souveraineté nationale, d’appropriation et d’indépendance nationales, d’égalité, de non-conditionnalité, de non-ingérence dans les affaires intérieures et bénéfice mutuel.
Un autre aspect utile de la déclaration examinée est la reconnaissance du rôle important du Centre Sud en tant que groupe de réflexion des pays du Sud. Sa pertinence est soulignée du point de vue de la coopération Sud-Sud, dans la mesure où ce Centre fournit le soutien intellectuel et politique dont ont besoin les pays en développement pour une action collective et individuelle sur la scène internationale et pour promouvoir la solidarité et la compréhension mutuelle entre les pays et les peuples du monde.
La forte croyance en la solidarité détermine les participants au Sommet de Kampala à affirmer que l’intégration et l’innovation de la science, de la connaissance et de la technologie doivent être des instruments de promotion de la paix et du développement durable, du bien-être et du bonheur des peuples. Tous ces facteurs doivent être orientés vers la promotion de l’autonomisation des pauvres, l’éradication de la pauvreté et de la faim, et la promotion de la solidarité et de la complémentarité entre et au sein des peuples afin qu’ils puissent vivre en harmonie avec la Terre Mère.
Le document analysé est tourné vers l’avenir. Il porte à la connaissance de ses lecteurs des informations sur la convocation de la Quatrième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement (PEID) qui devrait se tenir à Antigua-et-Barbuda du 27 au 30 mai 2024, sous le thème PEID#4 : Tracer la voie vers une prospérité résiliente. Il est à noter que le PEID4 se déroule dans un contexte de défis mondiaux sans précédent et doit donc réaliser la transformation nécessaire pour garantir que les PEID soient en mesure de parvenir à un développement durable et de renforcer leur résilience aux chocs extérieurs. C’est pourquoi un appel spécial est adressé à la communauté internationale pour qu’elle fasse preuve de solidarité et de soutien envers les PEID au cours du processus préparatoire de la quatrième Conférence des PEID et de l’élaboration du prochain Programme d’action décennal pour les PEID.
La dernière référence à la solidarité a une valeur pratique évidente. Il s’agit d’une volonté claire de renforcer les principes d’unité, de solidarité, de complémentarité et de coopération entre les membres du G77 et la Chine, en veillant à ce que leurs efforts collectifs soient poursuivis de manière efficiente, efficace et transparente.
Cette détermination a une signification prometteuse. Elle s’exprime lors du processus préparatoire du Sommet des Nations Unies sur le Futur, prévu en septembre 2024. Elle est formulée par le plus grand groupe du Sud, représentant 80 pour cent de la population mondiale. La solidarité et l’action tenace de ce groupe sont essentielles à la construction d’un monde durable, pacifique et juste pour tous. Le Sud Global devrait être un architecte inspiré du Sommet du Futur.
Ioan Voicu
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.
[…] Source link […]