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La cuisine du dragon, c’est maintenant. Une chronique culinaire de François Guilbert.
Les festivités du Nouvel An chinois sont là. Ces jours-ci, l’année du Dragon prend son envol. Le moment est donc venu de porter une attention particulière à l’alimentation des Chinois. Qu’en savons-nous vraiment ?
Dans les magasins d’alimentation de l’hexagone et dans ceux de nombreuses grandes métropoles, on vous propose sur les étals des ingrédients peu ou pas connus et on vous vante des plats ancestraux de l’Empire du Milieu aux noms bien mystérieux. Face à ces multiples sollicitations, on est souvent perplexe ; interrogatif pour tout dire. Vous ne connaissez rien ou pas grand-chose de cette immense culture culinaire mise en scène une fois par an ? Pour faire face, combler vos lacunes plus ou moins vastes voire pour épater la galerie, le manuscrit de Margot Zhang, illustré comme un carnet de voyage par Zhao En Yang est là pour vous donner quelques repères.
En un peu plus de cents pages, les auteurs vous prennent par la main pour vous aider à maîtriser les produits de la table, les us et coutumes des repas, les plats incontournables, et les moments clés du calendrier, tels ceux des fêtes des Bateaux-dragons, des Lanternes, de la Lune, du Printemps ou encore des 100 jours du nouveau-né.
Pas de longs exposés, des informations précises agrémentées de courtes anecdotes et de dessins colorés. Ils égaillent votre lecture et un agréable apprentissage qui ne dit pas nom. En un mot : une méthode douce et aux couleurs chaudes. Elle a d’ailleurs fait ses preuves. Le livre sur la cuisine chinoise vient s’ajouter aux volumes de la collection des éditions Mango consacrés, ces dernières années, successivement aux mondes culinaires japonais (2019), indien (2020), coréen (2021) et vietnamien (2022).
Ici comme précédemment, le lecteur navigue avec gourmandise entre récits culturels et guide pratiques.
Les auteurs ont su indéniablement trouver le savant et bon dosage. Il satisfera aussi bien les simples curieux que ceux qui seront tentés de s’essayer à réaliser le porc Hong Shao si cher au président Mao Zedong, un poulet aux trois tasses du Jiangxi, une soupe suanla, un mapo tofu sichuanais ou des œufs marbrés.
Les recettes – 43 au total – sont disséminées, ici et là, pour donner encore un peu plus de saveurs et de rythmes aux propos. Elles ne sont pas le cœur du manuscrit. Elles sont autant d’illustrations de l’inventivité des chefs aux quatre coins du pays et au cours des siècles. Les recettes soulignent la singularité des terroirs pour un même produit, la meilleure manière de le sublimer. Les pages consacrées aux diverses fondues (ex. Mongolie, Pékin, Sichuan, Yunnan) ou encore à la variété des nouilles (cf. aux ciseaux, aux couteaux, étirées, râpées,…) nous rappellent le défi qu’est celui de présenter un livre cherchant à aller à l’essentiel pour illustrer un patrimoine si riche, si divers, si complexe.
Le bandeau publicitaire qui seing l’ouvrage est quelque peu prétentieux. Il promet aux lecteurs de « tout savoir sur la culture gastronomique chinoise ».
On ne saurait parvenir à une telle perfection en quelques dizaines de pages. Pour autant, le manuscrit donne beaucoup d’informations. Les propos ne se répètent pas. Les exposés sont synthétiques et très pédagogiques. Ils ne sont nullement prétentieux mais simplement accessible à tous, quels que les degrés de connaissance de la Chine, de sa société, de sa gastronomie par le lecteur. Le récit fourmille d’informations précises sur les singularités régionales (ex. Anhui, Fujian, Guangdong, Hunan, Shandong, Sichuan, Zhejiang), les produits du terroir mais aussi la philosophie qui nappe les pratiques de la vie quotidienne (cf. les aliments symboliques, les pratiques médicinales et de bonnes vies (yangsheng), le végétarisme).
Un certain côté pratique a également été recherché. Il s’est particulièrement manifesté dans les descriptions des pratiques de découpe des aliments et plus encore dans la fabrication des contenues et contenants des baozi (pains farcis), des dim sum (petites portions de la cuisine cantonaise), des jiaozi(chaussons) et des wonton (raviolis). Les gourmands auront également noté la grande place qui a été donnée dans ce livre aux pâtisseries. Certainement une des dimensions les moins connues de la cuisine chinoise, rarement en nombre à la carte des restaurants les plus fréquentés par les Occidentaux comme dans les ouvrages consacrés aux recettes culinaires de la Chine.
Margot Zhang – Zhao En Yang : La cuisine chinoise illustrée, Mango, 2023, 128 p, 14,95 euros
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