Chaque histoire a une fin. Celle de «La fille qui aimait les nuages» est fidèle à son intrigue: le récit enlevé et poignant de Patrice Montagu-Williams s’achève dans un de ces moments de recueillement et de piété filiale dont le Vietnam a le secret. Chacun enfouit sa mémoire au plus profond de soi. Les blessures ne se montrent pas. Qu’elles soient personnelles, politiques ou amoureuses. Ne ratez pas cet épisode et relisez les précédents. «La fille qui aimait les nuages» ne vous lâchera pas de sitôt.
Résumé de l’histoire et de l’épisode 15 : Anh Hùng, le chef de la délégation du Parti communiste vietnamien qui s’était rendue à Paris pour négocier un important contrat d’armement, et sa femme, Mai, sont enterrés au cimetière de Thiais, en région parisienne, selon un rituel qui respecte les traditions. La version officielle est qu’ils se sont donnés la mort pour ne pas abandonner leur fille, Ai Vân, « La fille qui aimait les nuages », qui les avait accompagnés et ne voulait pas retourner au Vietnam.
Épisode 16. Un récit de Patrice Montagu-Williams
C’est dimanche. Haï et Ai Vân se promènent dans le jardin du Luxembourg en se tenant par la main. Ils s’arrêtent devant la fontaine Médicis.
— Cette fontaine a été réalisée au XVIIe siècle à la demande de Marie de Médicis, veuve d’Henri IV, explique Haï.
La masse énorme et vert bronze du cyclope Polyphème, accroupi sur un rocher, une peau de bête sur le dos, se penche sur le corps blanc de Galatée qui est allongée, nue, dans les bras d’Acis. Le monstre légendaire est amoureux de la belle nymphe et il meurt de jalousie.
Cyclope sauvage
— Tu crois qu’il va les tuer ? demande Ai Vân en se serrant contre Haï.
— La légende ne le dit pas, mais Polyphème est le plus sauvage de tous les cyclopes. C’est le fils de Poséidon.
— Et toi, tu me protégeras des méchants cyclopes ?
Elle a l’air heureuse.
— Au moins notre famille est réunie à présent, avait-elle dit à Haï en quittant le cimetière. C’est ce que voulait Papa. Il doit être content, là où il est.
Renseignement militaire
L’homme de la Direction du Renseignement Militaire lui a confirmé par ailleurs qu’elle bénéficierait bientôt de la nationalité française.
— La France devait bien cela à votre père, a-t-il ajouté.
Ai Vân montre du doigt le ciel en train de se couvrir.
— Tu vois, les nuages dessinent un dragon, explique-t-elle à Haï. Les Vietnamiens sont nés du mariage d’un dragon et d’une fée. C’est un accouplement contre nature entre un animal d’eau et une femme de feu, mais il incarne à merveille l’incroyable résistance de notre peuple. Tu comprends maintenant pourquoi l’on m’a appelé « La fille qui aime les nuages » : parce que je sais lire les messages qu’ils nous envoient.
— Et que dit-il, ton dragon ? demande Haï.
— Il dit que mon père est malheureux. Il veut savoir si je lui ai pardonné.
— Et que lui réponds-tu ?
— De dire à Papa de ne pas s’inquiéter et de lui souhaiter aussi qu’il repose en paix : je lui ai pardonné.
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