Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, nous livre sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner. Ou consulter sa lettre d’information Republick.
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C’est un titre choyé. Une sorte de grade supposé attirer le respect. « Éditorialiste politique ». Les mots disent la fonction et le rôle. Vous connaissez les noms de ces journalistes français, souvent talentueux, qui passent leur vie professionnelle à fréquenter les politiques pour mieux les ausculter, les questionner, les critiquer et débusquer la vérité dans leurs propos. Il m’arrive d’en croiser, bien conscient que leur monde ne sera jamais celui d’un correspondant de média étranger à Paris. Eux chroniquent l’intimité des pouvoirs. D’autres, comme moi, se contentent de l’observer. A chacun son couloir dans la piscine politico-hexagonale.
Je ne comprends plus, en revanche, ce qui se passe dans des lieux que je connais un peu. A France Info, que j’écoute en boucle et où je me trouvais encore samedi 16 mars aux « Informés », un journaliste se fait suspendre pour avoir conversé avec Jordan Bardella du prochain livre de celui-ci. Ah bon? Je ne connais pas le dossier. Nous verrons. Mais j’aurais très bien pu, moi aussi, avoir ce type de conversation. J’ai longuement parlé avec Marine Le Pen avant et après notre dernière interview dans Blick, en novembre 2023. Et alors? Nous sommes nombreux à nous interroger.
Je comprends encore moins les étudiants de Sciences Po Paris pris dans la spirale de l’anathème anti-Israël au point de proférer des insultes antisémites dans le grand amphithéâtre de cette école où j’ai, comme tant d’autres, passé quelques années. Ça va, ou bien? Je ne comprends pas cette France où l’excommunication a remplacé l’explication. Où l’on juge avant d’avoir jugé. Je me fiche pas mal du livre de Jordan B., 28 ans. Je pense que l’État Hébreu est otage d’une folie collective décuplée par l’assaut terroriste du Hamas. Mais lorsque tout se met à déraper, je me dis que le train de la République est (peut-être) menacé de déraillement.
Bonne lecture et salut aux Pingouins !
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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Les “Informés” : 4 “invités” en général, un suisse parfois pour élargir le panel et élargir le “débat” à l’échelle du monde, qui balayent de 2 à 4 sujets d’actualité caricaturant les tenants du “prêt- à -penser” critiquées naguère par P Bourdieu (des “Héritiers” à “Sur la télévision” en passant par “La noblesse d’Etat”). 55 minutes interrompues toutes les dix minutes par des “flash-infos” d’une minutes trente et, à la moitié de l’émission par cinq minutes réparties entre la météo et un “journal” de trois minutes. Des ainsi dénommés journalistes bavardant et se livrant à des commentaires vides au mieux insignifiants, se disputant âprement leur ronds de serviette, comme les piliers de bars leurs centimètres de comptoir. Un festival d’obscurs communicants, sortis au mieux de la rue Saint Guillaume et d’un master communication ou d’une école de journalisme, fût-elle celle de la rue du Louvre ou de Lille. La présence presque quotidienne d’un “professeur” de la sorbonne, mais “professeur-associé” (que l’on omet de préciser le plus souvent) ne relève guère le niveau de la… sorbonne. Le résultat : un pudding indigeste issu du miracle des réseautages caractéristiques d’un petit monde endogamique faisant du journalisme une caricature. Pour aller plus loin : Paul Nizan “les chiens de garde” paru en 1932 (et qui concerne la philosophie dominante de l’époque) et “les nouveaux chiens de garde” de Serge Halimi paru en 1997 et actualisé en 2005 ed Liber-Raisons d’agir, 2005, 160 pages et son adaptation au cinéma en 2012.
Science(s) Po poursuit sa descente aux enfers depuis la direction Descoings qui se terminera par over-dose dans une chambre d’hôtel de New-York. Un trajet météorique commencé dans une famille protestante suisse qui se termine dans la cocaïne. L’accélération dans la descente vertigineuse a été approfondie par O. Duhamel et ses “talents pédagogiques” après avoir asséné par les ondes un public culpabilisé par ses homélies pour la “bien-pensance” politique. Toujours du “bon côté” jusqu’à la découverte du “pot aux roses”… “Faites ce que jedis, pas ce que je fais”, une for me de devise pour SciencesPo et ceux qui en sortent “diplômés”. Deux divas qui vont altérer les décors dorés de la bourgeoise parisienne dorée et précipiter le désastre. La révélation des pugilats conjugaux du dernier directeur suivie de sa démission coïncidant avec la transformation de l’amphi Boutmy en amphi Gaza fournit le dernier épisode de SciencesPo. La transformation de cet établissement supposé prestigieux et clamé comme tel par les “élites” des 6ème et 7ème arrondissements élevées dans les pépinières des établissements privés qualifiés par eux mêmes de prestigieux et qui ont réussi à le faire accroire est mise à mal. La fameuse péniche du hall d’entrée, autour de laquelle Richie (“Richie” de Raphaëlle Bacqué) faisait son marché, fait figure de Titanic. L’entreprise de ce directeur disruptif avait pris le parti de tourner le dos à ses prédécesseurs qui pourtant, fascinés par la jeunesse flamboyante, s’étaient laissés séduire et l’avaient adoubé : R. Rémond, A.Lancelot et même le sévère Marceau Long. Emile Boutmy et André Siegfried ne cessent de mourir, de devoir se retourner dans leurs tombes. Destinée, après 1871, à former (formater) les élites déjà formatées mais devant améliorer leurs tics langagiers et réduire l’étendue et la richesse de leur vocabulaire changea de cap avec le beau Richie. Le cap de la “com” était ouvertement franchi et devenait la formation exclusive du personnel politique et journalistique et leurs commentaires narcissiques et spéculaires dans leur frénésie psittacisme. Sous la contrainte de ses dérives financières, sous la fascination européiste et mondialiste, la rue saint Guillaume (pas Pepy) chercha à imiter les campus américains et tenter de se hisser à leurs niveaux. Une débauche de formations affublées des intitulés les plus obscurs et trompeurs ne cessa de fleurir, des formations payantes destinées à combler les déficits et rémunérer des chargés de cours plus ou moins compétents recrutés par copinage et dispensés dans l’anglais de la “start-up nation” de préférence avec des émoluments calculés selon la cote d’amour du Chef. La moitié des effectifs compterait actuellement 150 nationalités. Les derniers évènements, s’ils sont vérifiés se seraient enrichi (en-richie) de critères nouveaux de sélection à l’entrée de l’établissement. On ne sait s’ils concernent la nationalité ou l’appartenance religieuse des étudiants, mais le baptême de l’amphi Boutmy et sa nouvelle appellation aurait conduit une minorité agissante au bannissement des ainsi dénommés, dans une expression dissimulatrice, de “sionistes”. Le syndrome révisionniste et la “religion” de l'”éveil” ne concernent pas que la rue Saint Guillaume. Les SciencesPo provinciaux, complexés et avides de se hisser au niveau du phare parisien emboitent le pas : à Bordeaux, à Grenoble, à Lille. Certaines universités en mal d’imitation ne sont pas en reste, elles suivent le chanteur de flute de Hamelin : Paris VIII et son hypnotiseur patenté, Nanterre… La noblesse d’État (P. Bourdieu, “La noblesse d’État” paru en 1989, actualisé par le livre de Vincent Jauvert, “La mafia d’État, ed “Le seuil”, 2021) est comme le poisson : “piscis primum a capite foetet”…