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THAÏLANDE – POLITIQUE : Le Move Forward va-t-il disparaitre ?

Date de publication : 23/03/2024
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Pita Limjaroenrat à l'assemblée

 

Une analyse de Philippe Bergues

 

Que dire aux plus de 14,4 millions d’électeurs thaïlandais qui ont placé le Move Forward Party en tête des Législatives du 22 mai dernier ? Va t-on leur dire que leur vote menace la sécurité nationale ?

 

Selon l’interprétation de la Commission électorale thaïlandaise, l’article 112 ou crime de lèse-majesté est indispensable et nécessaire car la monarchie est essentielle à la sécurité nationale. Le Move Forward Party, en questionnant l’utilisation de cet article 112 par la voie parlementaire, c’est-à-dire par la représentation nationale, a donc franchi une ligne fatale. Il voulait provoquer un débat qui allait dans le « sens démocratique ». Il se retrouve face aux gardiens de l’establishment militaro-royaliste.

 

La Commission électorale, tout comme le Conseil constitutionnel qui se prononcera bientôt sur la dissolution du MFP, sont des agences aux membres non élus et non représentatifs de la société thaïlandaise dans son entièreté. Leurs décisions vont quasiment toujours dans la même direction, celle de la préservation d’un ordre immuable établi. Dont profitent ceux qui verrouillent le système. La Commission électorale et le Conseil constitutionnel inter-agissent avec efficacité pour neutraliser toute loi ou toute réforme considérée comme « pervertrice » du système en place. La première a demandé à la seconde le 12 mars dernier de dissoudre le MFP et de disqualifier les membres exécutifs du parti. Suite à l’arrêt unanime rendu par la Cour constitutionnelle déclarant le MFP et son ancien chef, Pita Limjaroenrat, coupables d’avoir cherché à renverser le système de monarchie constitutionnelle du pays avec le roi comme chef de l’État.

 

Quelles conséquences pour l’image internationale de la Thaïlande ?

 

Deux types de réactions sont prévisibles. Les pays démocratiques partenaires de longue date de la Thaïlande faisant partie de l’UE, les Etats-Unis, le Japon, l’Australie (pour ne citer qu’eux) se réjouissent du retour d’un gouvernement civil dirigé par Srettha Thavisin après près de 10 ans de junte réelle (2014/2019) ou de junte déguisée (de 2019 à août 2023) mais ont tous observé que le parti vainqueur des élections s’est retrouvé exclus de la coalition au pouvoir suite au fameux accord Thaksin/establishment.

 

Comme beaucoup de chancelleries qui conversent avec les différents leaders du panel politique siamois, Jean-Claude Poimboeuf, ambassadeur de France à Bangkok depuis septembre, a reçu début janvier, avec son équipe de diplomates, les leaders du MFP, Chaithawat Tulathon, chef officiel, et Pita Limjaroenrat, « premier ministre interdit ». Pour échanger sur les affaires politiques, économiques et étrangères comme en atteste un tweet de l’ambassade du 9 janvier. Un signal de respect pour ces figures de l’opposition « forcée ».

 

Les pays non démocratiques autoritaires comme la Chine ou la Russie n’y trouvent rien à redire. Pas d’ingérence dans les affaires politiques intérieures thaïlandaises tant que les intérêts économiques sont préservés. Au nom du même principe de non ingérence, les pays voisins de l’Association des Nations du Sud-Est Asiatique (ASEAN) se taisent. Officiellement.

 

Mais l’APHR (Asean Parliamentarians for Human Rights), association qui défend les principes démocratiques, a, le 25 août 2023, exhorté le gouvernement Srettha tout juste installé à tenir sa promesse de changement et à ouvrir la voie à une véritable démocratie qui respecte les droits de tous. Son président, Charles Santiago, ancien membre du Parlement malaisien déclarait « qu’il est inquiétant que le système actuel en Thaïlande ait permis d’exclure de la coalition au pouvoir le parti politique ayant remporté le plus de députés lors des élections.

 

Le déséquilibre du système semble être le facteur le plus important et des réformes globales doivent donc avoir lieu pour modifier le statu quo. Il est crucial à cet égard de revoir complètement la constitution actuelle rédigée par la junte, dans laquelle tout amendement apporté devrait ouvrir la voie à la Thaïlande pour qu’elle incarne une démocratie qui défend et protège les droits de l’Homme pour tous ». Force est de constater que six mois plus tard, les recommandations de l’APHR n’ont pas été suivies d’effet. Non seulement le MFP est en passe d’être dissous et 44 de ses membres bannis de politique (pour quelle durée ?) mais en plus, de nombreux jeunes militants pro-démocratie et favorables à une réforme de la monarchie sont en prison pour crime de lèse-majesté ou en attente d’une libération sous caution.

 

Quelle image la Thaïlande souhaite donner de sa « démocratie » ? La dissolution d’un parti politique apparaît encore comme normale. Les coups d’Etat judiciaires suivent les coups d’Etat militaires. Les élites « antidémocratiques » utilisent une triple stratégie pour se maintenir au pouvoir, contrôler les règles, superviser le comité qui gère les élections (la Commission électorale) et détruire les partis politiques quand ils apparaissent comme une menace. La dissolution du Future Forward avait montré que le Phenix pouvait renaître de ses cendres avec le Move Forward, avec de nouveaux dirigeants. Mais en Thaïlande, la méritocratie démocratique ne paie pas. L’auteur de la constitution militaire, l’ancien premier ministre putschiste Prayut Chan-o-cha a été promu au Conseil Privé du Roi alors que l’ancien leader du MFP, Pita Limjaroenrat, large vainqueur des élections, qui voulait utiliser le Parlement pour amender la loi, risque un bannissement à vie de politique. Cherchez l’erreur…

 

Philippe Bergues

 

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1 COMMENTAIRE

  1. En 2005 le référendum en France sur le traité de Lisbonne a obtenu un NON à 54,67 %…la France dont Mr Pita souhaiterait la même démocratie…cherchez l’erreur.

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