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BIRMANIE – CONFLIT : La prise de Mayawaddy par les rebelles Karens est-elle un tournant ?

Date de publication : 13/04/2024
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Une chronique d’actualité de François Guilbert.

 

Alors que la résistance karen proclame s’être emparée de la ville de Myawaddy à la frontière thaïlandaise, les autorités gouvernementales de Bangkok sont venues le 12 avril au matin en tournée d’inspection. Signe des temps, c’est le ministre des Affaires étrangères Parnpree Bahiddha-Nukara et son secrétaire d’État, et non des officiers généraux, qui ont fait le déplacement. Afin de démontrer que la situation est sous-contrôle du côté du Royaume, le vice premier ministre a déambulé quelques minutes sur le pont de l’amitié n°2 qui relie la Birmanie à la Thaïlande. Fermé depuis la veille, il est un des points névralgiques reliant les deux pays. Si à proximité la situation apparaît calme, l’armée royale n’en multiplie pas moins les patrouilles le long de la frontière internationale. Avec ostentation, des véhicules blindés et des hommes en armes ont été déployés.

 

L’avertissement thaïlandais

 

Le message est clair : la Thaïlande ne laissera pas son territoire devenir un lieu d’affrontements entre les parties birmanes en conflit. Pour qu’il n’y ait aucun « malentendu » avec Nay Pyi Taw, il a été publiquement répété par les autorités de l’armée et celles du gouvernement, y compris le premier ministre Srethha Thavisin, que l’espace aérien thaïlandais ne saurait être violé par des avions de l’armée de l’air de la junte pour bombarder des objectifs de la résistance karen.

 

Bangkok ne cache en rien sa préoccupation de voir le Conseil de l’administration de l’État (SAC) recourir, une nouvelle fois, à l’arme aérienne en réponse à ses échecs militaires au sol. Cette crainte est très prégnante au sein de la population demeurée à Myawaddy et ses environs. Toutefois, il est difficile de savoir combien d’habitants vivent aujourd’hui sur place. Avant l’offensive du début du mois, il était généralement admis que 50 000 personnes résidaient dans la ville et trois fois plus à l’échelle du township. Leur contrôle est un enjeu politique d’importance. Depuis le coup d’État du 1er février 2021, aucun territoire aussi peuplé n’est tombé entre les mains de la résistance menée par l’Union nationale karen (KNU).

 

Afin d’affirmer son emprise sur les territoires conquis, la KNU a annoncé vouloir mettre en place une nouvelle administration. Ce changement n’est pas encore effectif. Il pourrait prendre un peu de temps. Si le porte-parole de la junte a reconnu le 11 avril au soir que des troupes ont dû se retirer pour tenir compte de la sécurité de leurs familles, toutes les unités au service du SAC ne se sont pas débandées. Des poches de résistance peuvent encore se faire jour, ici où là. La combativité des unités dépendra assez largement de l’acheminement ou non de renforts. Des convois de la Tatmadaw venant de Kawkareik à une soixantaine de kilomètres de Myawaddy seraient en route. Ils sont harcelés par les hommes de l’Armée de libération nationale karen (KNLA) et peineraient à avancer sur leurs chemins.

 

Le SAC ne peut de surcroît pas acheminer de renforts par voie ferroviaire. Du fait du déraillement d’une locomotive et ses wagons transportant des pierres de construction, suite à une explosion de la voie dans le township de Thaton (État Môn), les liaisons Rangoun – Mawlamyine et Mawlamyine – Rangoun ont été suspendues le 10 avril pour au moins une semaine. Un problème de plus pour l’état-major mais, ces derniers mois, la Tatmadaw n’a pas démontré de réelles capacités à inverser les situations militaires qui lui étaient les plus défavorables.

 

Attaque sur une base dans l’aéroport

 

Si on en veut un exemple : pour la deuxième fois en une semaine, le 11 avril avant le lever du jour la base d’Aye Lar sise à l’aéroport internationale de Nay Pyi Taw a été attaquée. L’opération a été menée à coups de mortiers par des combattants des Forces de défense du peuple (PDF) subordonnées au gouvernement d’opposition (NUG). Elle aurait blessé plusieurs officiers et soldats de la Tatmadaw. Si le porte-parole de la junte reconnait l’assaut, il se montre moins disert sur les victimes. Il est vrai que certaines opérations récentes ont pu porter atteinte à la vie des plus hauts gradés.

 

Selon le média d’opposition Khit Thit Media, le numéro 2 de la junte le général Soe Win lui-même aurait été blessé le 8 avril au commandement du sud-est lorsque celui-ci a été frappé par des engins explosifs largués par drones. Bien que son pronostic vital ne soit semble-t-il pas engagé, il aurait bénéficié de soins de praticiens indiens à Rangoun. Vrai, faux, difficile à dire mais son absence dans les médias depuis sa visite dans l’État Môn nourrit abondamment les rumeurs à son endroit.

 

Celles-ci vont aussi bon train depuis l’arrestation le 9 avril du général Myint Hlaing (70 ans). L’ex-commandant de l’armée de l’air (2006 – 2010) et ministre de l’Agriculture du gouvernement du général Thein Sein (2011 – 2016) serait accusé d’avoir comploté avec d’autres ex-officiers et cadres du Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), dont il fut le président de sa section de la capitale jusqu’en 2022, contre le patron de la junte, le général Min Aung Hlaing. Incarcéré, ses biens notamment fonciers auraient été immédiatement confisqués. Décidément, l’armée birmane connaît bien des soubresauts !

 

François Guilbert

 

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