Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, nous livre sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner. Ou consulter sa lettre d’information Republick.
En voici l’éditorial. L’intégralité de la newsletter disponible ici.
Je vous le raconterai en détail dans mes reportages ramenés de la plage du débarquement qui fut la plus sanglante : Omaha Beach. Sur ce sable normand, au pied des falaises de la pointe du Hoc, le carnage fut au rendez-vous. Ce n’est donc pas un hasard si la vingtaine de chefs d’État ou de gouvernement présents pour la commémoration du 80e anniversaire du débarquement allié s’y retrouveront pour commémorer les sacrifices et l’inaltérable volonté de vaincre. A Omaha, les troupes américaines faillirent être repoussées tandis qu’elles progressaient rapidement sur Utah, Juno, Gold et Sword, les autres plages choisies par l’armada alliée pour entamer la libération de la France occupée depuis juin 1940 par les nazis.
Vous me suivez pour le parallèle historique ? Il est sûr qu’Emmanuel Macron va le faire lorsqu’il interviendra à la télévision le 6 juin au soir, avant de recevoir Joe Biden à l’Élysée le 8 juin pour une visite d’État. En 2014, malgré l’annexion russe de l’Ukraine, Vladimir Poutine était présent à Ouistreham, en signe de reconnaissance du rôle de l’armée rouge dont l’offensive, à l’est, rendit possible la victoire finale. L’Europe de 2024 est-elle si mortelle que le président français l’affirme ? A quelques centaines de mètres d’Omaha Beach, les mairies de Vierville, Colleville et Saint-Laurent-sur-Mer seront ouvertes dimanche 9 juin pour des élections européennes dominées par la vague attendue des partis nationalistes, dont certains ouvertement nostalgiques du fascisme et nuancés sur les crimes des SS.
Comme si, au fond des urnes, le sang et les larmes du D-Day ne devaient jamais sécher.
Bonne lecture pour cet anniversaire «Made in Normandy».
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.
Ce n’est pas une plage européenne, c’est une plage occidentale, c’est-à-dire essentiellement franco-anglo-américaine ; c’est tout a fait différent.
En revanche la Russie d’abord, l’URSS ensuite est l’allié traditionnel de la Prusse (“Aucun prince prussien ne doit rien entreprendre à l’ouest sans s’être assuré de la bienveillance de la Russie”), du IIe Reich allemand (l’Union des Trois Empereurs, le traite de réassurance, l’entre vue de Bjorke), la République de Weimar, qui a pu se réarmer clandestinement en URSS, puis du IIIe Reich (la pacte germano-soviétique (sabotage des usines françaises, fourniture du carburant qui a permis aux chars de Guderian d’entrer en France). Ensuite Staline a du faire retoucher les photos sur lesquelles on voyait trop de jeep américaines.
Cette situation n’avait echappe ni a Talleyrand au Congres de Vienne. ni a Paul Cambon en 1899; d’ou la politique francaise d;entente avec l’Angleterre et les Etas-Unis.
Ce n’est que depuis qu’elle resiste aux ambitions des “Neocons” que la Russie est devenue une pestiferee.
le pt’it gars de Géorgie, ce Ryan anonyme qui débarque ce matin mémorable … un matin ou tu n’y étais pas … Tout est dit …
Plus que Paul Valéry, Stefan Zweig a consigné le monde de la perte, le monde allant à sa perte. Le monde et son effondrement. L’effondrement de l’Europe. “Le monde d’hier” (disponible sur internet sur le site de la “Bibliothèque numérique romande) écrit en 1941 raconte la fin d’un monde de sécurité qu’incarna, pour lui, la Vienne d’avant 1914. Le livre est à la fois une autobiographie notamment sur sa condition d’exilé mais aussi la biographie d’une époque. Les deux se rejoignent dans le suicide de l’auteur en février 1942. L'”empire nazi” auquel s’est ralliée la puissance japonaise, les forces de l’axe, est au sommet de son apogée dominatrice et rien ne laisse penser qu’elle finira. La nouvelle de la chute de Singapour en février 1941, principale base militaire militaire britannique en Extrême-Orient constituera pour l’auteur un point majeur de basculement qui va le hanter. La lecture du livre est d’une actualité toujours brûlante, surtout aujourd’hui, sans établir pour autant des parallèles et encore moins des synchronicités. C’est un livre qui donne des perspectives et permet le recul. Il nous permet de mieux voir. S. Zweig nous décrit les bienfaits du progrès continu et de la douceur des temps qu’incarna la Vienne du début du XXème siècle, “la crasse disparaissait …” (page 17 de l’édition de poche), la sécurité régnait sous l’empire de l’assurance, les frontières n’existaient pas et on parcourait l’Europe sans obstacle , la confiance universelle triomphait. Paris, plus encore que Vienne et surtout Berlin, “obsédée par les rangs et les distances” (page 156) représentait un sommet de la civilisation européenne. L’auteur, très francophile, dresse une ode à la France et à la Révolution française et à ses bienfaits civilisationnels. Le livre recense, dans une chronologie hallucinée mais précise les points de craquellement de l’équilibre, évènements parfois insignifiants et ce d’autant qu’ils sont déniés par une population endormie voire aveuglée par le progrès perçu comme infini, pacificateur et ne pouvant générer que l’optimisme. Rien de grave ne pourrait se produire affirmait-on dans dans une indolence inconsciente générale et partagée. L’ombre qui se répand sous la lumière que l’on veut voir. Après une période de 40 années de paix l’auteur identifie et égrène les forces destructrices qui se sont accumulées et qui, s’accumulant, vont se décharger. Fortement influencé par son ami S. Freud il y voit le mouvement des invariants humains qui alimentent la puissance de mort. La guerre en est l’aboutissement “naturel”, l’aboutissement d’un processus entropique inéluctable. La lecture de la correspondance entre A.Einstein et S. Freud échangée en 1932 et réeiditée sous le titre “Pourquoi la guerre ?” (et disponible sur internet et le site de l’Université du Québec, UQAC) éclaire les propos de l’auteur. L’ouvrage dissèque finement les changements imperceptibles et les secousses qui vont ébranler l’édifice européen. La pulsion de mort (Freud) grandit et s’affirme avec la fin de la raison et de l’esprit critique au cœur de l’esprit européen. Les élites gouvernantes et intellectuelles cyniques, incompétentes et taraudées par un hybris exacerbé en deviennent les agents inconscients ici et conscients là. la confusion s’installant elle ne peut que se répandre alors que les réseaux sociaux sont encore balbutiants. La confusion est partout avec au bout la certitude, celle des camps retranchés des opinions chauffées à blanc par ce que ne sont pas encore les algorithmes. La contemplation du spectre de la guerre civile hante et excite les individus qui, hors de leurs “bulles informationnelles” n’arrivent plus à se parler. C’est ce monde en voie de destruction que Zweig nous relate. Son acuité est d’autant plus grande qu’il est juif. Il nous dit combien les temps furent doux et la tolérance totale pour les juifs de Vienne ( page 42) jusqu’au jour ou il dût la quitter. L’auteur nous dépeint l’ambiance délétère qui règne, l’impossibilité de discuter avec ses amis juifs qui le surnomment de “vieux Jérémie” et qui, devant l’évidence, refusent de voir le réel et le dénient, voulant prolonger leurs illusions de quelques minutes. Dans des lignes saisissantes il décrit ses amis habillés en frac qui ne se doutaient pas qu’ils porteraient, d’ici peu, la tenue rayée des camps nazis pas plus qu’ils ne se doutaient qu’on leur reprendrait les cadeaux de Noël qu’ils venaient d’offrir à leurs enfants et qu’on pillerait leurs maisons. L’auteur montre comment la croyance aveugle dans le progrès empêche d’être lucide et conduit à une défaite de l’intelligence et de l’humanisme. L’auteur nous raconte comment les discussions, même entre proches et amis, les frictions s’installent et les discussions deviennent inutiles. Quitter ses amis devient une nécessité vitale, un prélude à l’exil et à la condition de paria. On reprochera à S.Zweig ne ne pas s’être engagé et d’être resté pacifiste ce qui fût le lot de beaucoup d’écrivains après la première guerre mondiale. La légèreté d’un bourgeois aisé et confortablement installé lui sera reprochée, son pacifisme sera stigmatisé et un procès en traitrise lui sera intenté. On l’accusera dans un retournement accusateur d’être un instrument de la catastrophe qui venait. “Le monde d’hier” est un livre écrit contre l’optimisme béat et l’idéalisme aveuglant mais il n’incite jamais au souci inutile de ce qu’on ne peut contrôler. On peut y voir un optimisme contrôlé et semble t-il chevillé au corps malgré une fin tragique ; Sa vision du monde et de l’homme, de par la complexion psychologique qu’i attribue à celui-ci, l’amène à entrevoir un inévitable redressement mais dans un intervalle qui, entre les catastrophes, poursuit, malgré tout, une irrésistible progression. Un renouveau irrésistible malgré tout, malgré tout…
L’Europe de 2024 est-elle si mortelle s’interroge notre éditorialiste dans une expression dubitative tout en signifiant, sans le dire, ou plutôt en forme de conjuration apeurée comme si son écrit avait dépassé mais exprimé sa pensée. Freud en 1927 écrivait à propos de la religion , “l’avenir d’une illusion”. “Malaise dans la civilisation “, en réponse à Romain Rolland, parut en 1930 (les deux textes sont accessibles à partir du site de l’université du Quebec, UQAC). Pour prolonger la question de notre éditorialiste peut-on à propos de l’Europe parler de l’avenir d’une illusion ? Il est tant de sortir du frigidaire cet inconnu, au col empesé, une momie à la prose jugée souvent ennuyeuse mais à la poésie solaire. Un monument c’est à dire un édifice dont on ne connait plus l’usage…Regis Debray dit de lui qu’il est “un importun très opportun, un illustre inconnu auquel chaque chaque année qui passe, donne un coup de jeune” . Nous avons tous commenté, dans nos classes terminales, ses phrases prophétiques que le président français reprend obsessionnellement dans ses harangues inquiètes. Ce Grand Monsieur fût un visionnaire, allant contre les vents, une sorte de Cassandre aussitôt mis au congélateur académique et qu’aujourd’hui encore il est impératif de décongeler. Ce Grand Monsieur est dérangeant, dit ce qu’on ne veut ni voir ni entendre, un “phraseur” dont les lignes illustrent les mots de F.de La Rochefoucauld selon lesquels “le soleil et la mort ne peuvent se regarder fixement”. Les fulgurances de ce vieil homme éblouissent et, au moment de lâcher son bulletin dans l’urne, entendons les phrases qui ont un arrière-goût sentencieux : “un expert est un homme compétent qui se trompe selon les règles”; Ce faux vieux-jeune homme au col dur c’est Paul Valéry dont la lecture de “Regards sur le monde actuel et autres essais” est publié en 1931 ( disponible sur le site de l’Université de l’Université du Québec, UQAC). Le premier chapitre est intitulé :” Notes sur la grandeur et la décadence de l’Europe”. Dans un “Eté avec Paul Valéry” R. Debray (“Un été avec Paul Valéry” aux éditions des Équateurs, 2019, 173 pages) dit de Valéry qu'”il est un contemporain capital à même de nous aider à devenir nous mêmes contemporains du présent”. Valery avait tout compris de notre époque, ce que nous vivons et ce que nous subissons : “le monde d’ubiquité” (la mondialisation), les dangers de l’immédiateté ce qui n’est pas encore le monde des réseaux sociaux, “la puissance égalisatrice de la technologie, le réveil de l’Asie mais aussi la mort de l’Europe. Traumatisé par la guerre et la résurrection des “monstres”, Valéry dresse le constat d’un itinéraire mortel pour l’Europe résumée pour lui à une civilisation avant tout latine en voie d’exténuation. Qu’aurait-il ressenti, pensé, écrit en apprenant, ce 15 avril 2019, l’incendie de Notre-dame et vu la flèche sombrer dans les flammes ? Un itinéraire européen qui irait du “plus jamais ça” au “tout ça pour ça” peut-on dire pour résumer le constat désespéré de celui qui incarnait les Lettres dans la République française, celle de l’école et de la mairie réunies. Valéry fût le point de rencontre de ce que l’Europe comptait d’intellectuels, Paris était leur cœur et le Français leur langue. Daniel Cordier, dans son journal, nous apprend que Jean Moulin voulait en faire le Président de la République. De Gaulle le rencontra et s’inclina devant le Grand homme peu avant sa mort. Dans son éloge de Bergson (mort en 1941) à l’académie française du 9 janvier 1941, Valéry dit qu’en temps normal, Henri Bergson devait rejoindre le Panthéon. Quelques années plus tard Valéry rejoignit la “mer allée avec le soleil” et selon le gamin de Charleville, l’éternité…
Quelques extraits pour ouvrir les yeux : le texte débute sur les chapeaux de roue : “dans les temps modernes, pas une puissance, pas un empire en Europe n’a pu demeurer au plus haut, commander au large de soi, ni même garder ses conquêtes pendant plus de cinquante ans. Les plus grands hommes y ont échoué ; même les plus heureux ont conduit leurs nations à la ruine : Charles-Quint, Louis XIV, Napoléon, Metternich, Bismarck, durée moyenne : quarante ans. Point d’exception” et plus loin ” L’Europe sera punie de sa politique ; elle sera privée de vins et de bière et de liqueurs. Et d’autres choses…” , et d’ajouter” L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine. Toute sa politique s’y dirige”. Rien de plus visionnaire…
Bonnes lectures et bonne écoute : Pierre Perret, pas “le tord boyaux” quoique d’actualité électorale, le patron étant devenu depuis une “patronne”, mais “la Bête est revenue”, l”ogresse et l’ogre aguicheurs, celles qui est à l’ouest et à l’est…
Si les ricains n’étaient pas là
Vous seriez tous en Germanie
A parler de je ne sais quoi
A saluer je ne sais qui .
Bien sûr les années ont passé
les fusils ont changé de mains
Est-ce une raison pour oublier
Qu’un jour on en a eu besoin.
Un gars venu de Géorgie
Qui se foutait pas mal de toi
Est v’nu mourrir en Normandie
Un matin ou tu n’y étais pas.
Bien sûr les années ont passé
On est devenus des copains
A l’amicale du fusillé
On dit qu’ils sont tombés pour rien.
Si les Ricains n’étaient pas là
Vous seriez tous en Germanie
A parler de je sais quoi
A saluer je ne sais qui.
composée par Guy Magenta et interprétée par M. Sardou en 1987
[…] (Pour débattre: [email protected]) […]
[…] (Pour débattre: [email protected]) […]