Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, partage sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner ou consulter sa lettre d’information Republick.
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François Hollande avait, pour son grand malheur, oublié ce principe. Il y a des choses qu’un président de la République ne doit pas dire ou ne doit pas faire. Emmanuel Macron n’est pas, contrairement à son prédécesseur et ex-employeur, tombé dans le piège de la confidence aux journalistes qu’il ne porte de toute façon pas dans son cœur. Il a monté son embuscade de la dissolution de l’Assemblée dans le secret de l’Élysée. Puisque les électeurs ont été emportés par la vague nationale populiste aux élections européennes, et bien soit : demandons-leur une fois pour toutes de régler les comptes mal soldés des législatives de juin 2022. Aux urnes, citoyens ! Et que ça saute, d’ici au premier tour, le 30 juin prochain.
Le problème est que ni la méthode, ni l’objectif, ni le calendrier ne sont de nature à rassurer et à panser les plaies françaises. D’accord, la règle démocratique du retour au suffrage universel est respectée. Soit. Mais en forçant tout le monde au sprint électoral à la veille de Jeux olympiques devenus le parfait bouc émissaire, sans remettre son propre job dans la balance s’il devait être de nouveau sèchement battu, Emmanuel Macron ne clarifie rien. Au contraire. Il court encore plus le risque de tout embrouiller. Pour finir, d’ici à 2027, avec une cohabitation synonyme d’une fin de présidence aussi pénible que risquée. Après avoir cassé tous ses « jouets politiques » et, tel « Lucky Luke », dégainé bien plus vite que son ombre.
Non, décidément, un président ne devrait pas faire ça.
Bonne lecture, sans illusions sur le pouvoir.
(Pour débattre : richard.werly@ringier.ch)
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Deux précédents. Un président du Sénat quand le “chef de bord” est “défaillant”: en 1969 après une démission et en 1974 à cause de mort. L’hypothèse de l'”empêchement” dont la définition n’est pas envisagée par la constitution mais que le conseil constitutionnel doit constater. Il ne constatera pas la “folie”, établie par des “experts de l’art”, permettant au conseil constitutionnel de proclamer la “vacance”. Notre commentateur n’a pas opté explicitement pour un scénario mais il semble le souhaiter le plus rapide possible. La répétition du scénario de la démission de Mac Mahon qui, suite aux élections de 1876, puis de la dissolution de 1877, puis de nouvelles élections et qui ne dispose plus d’aucun soutien parlementaire offre un parallèle frappant avec la situation actuelle, une sorte de concordance des temps. Mais, l’usage de tous les expédients permirent à Mac Mahon de tenir jusqu’au 30 janvier 1879. Cela prit deux ans ! Les trois scénarios sont envisageables mais avec des probabilités vraisemblables différentes. Le Président du Sénat n’a qu’un rôle provisoire le temps d’organiser une nouvelle élection, dans des délais contraints mais avec des pouvoirs quelque peu réduits. Celui-ci peut, malheureusement être victime, même pendant cette courte période intérimaire, des circonstances, empêchement, décès ou disparition (cas ou la certitude du décès ne peut être confirmée par l’impossibilité de retrouver le corps… Les présidents prennent beaucoup l’avion…) qui ont affecté son prédécesseur. Pas d’inquiétude, dans ce cas c’est le gouvernement qui “prend la manœuvre” et lui, il est “immortel”, du moins le temps de l’intérim…
Un commentaire trop long que personne ne lit.
On oublie le rôle du président du Sénat ; pourtant il s’est exprimé à plusieurs reprises sur cette crise, et ne particulier sur la dissolution ; c’est classique : quand le chef de bord est défaillant. L’officier en second prend la manœuvre ; il a fallu 10 mn au président pour “prendre une décision”. Il peut aller se reposer dans sa cabine.
Le fabuliste, dans ses vers définitifs, vient une fois encore d’illustrer la réalité des pouvoirs, du pouvoir. De l’exécutif et du parlement, la messe est dite mais de la justice ? Thémis, la balance tenue à bout de bras et les yeux bandés, gages pour nous, mortels, par la cécité même, d’accéder avec un œil qui voit sans regarder et dans un degré supérieur de connaissance, du “Juste” et du “Bon”. Dans son communiqué du 11 juin 2024, le syndicat de la magistrature (SM) proclame qu’il prendra part “au mouvement collectif d’union et de résistance” et “invite “l’ensemble des magistrats à se mobiliser contre l’accession au pouvoir de l'”extrême droite”. Pas de quoi s’étonner, depuis sa création en 1968, à la suite de la” harangue du juge Baudot ” (disponible sur internet avec une multitudes d’analyses et de commentaires), le SM affirme clairement sa vocation politique à l’instar d’un parti. L’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature (article 10) impose aux magistrats une obligation d’impartialité garantie de l’indépendance de la justice et de l’autorité des décisions qu’elle rend. La Convention européenne des droits de l’homme, volontiers brandie par le SM au nom de l'”État de droit” ne milite pas pour être jugé par un militant politique. Aurions nous à ces conditions le sentiment d’avoir été jugé avec impartialité ? La justice repose au moins sur un mythe que le port de la robe exprime. L’appartenance syndicale des magistrats, incontestable pour garantir la défense de leurs intérêts professionnels ainsi que leur appartenance politique reconnue comme à tout citoyen, ne les autorise nullement à les afficher publiquement dans les cortèges vociférants qui brandissent des bannières arborant volontiers des slogans hostiles aux forces de l’ordre. Le mythe suppose le respect d’une apparence, celle de l’impartialité. S’éloigner du mythe et qui plus est le méconnaître représente une dérive de plus de l'”État de droit”, mine l’autorité judiciaire et la confiance du justiciable. Le SM dénonce également le fait que “les partis d’extrême droite (aient) recueilli près de 40 pour cent des suffrages exprimés aux élections européennes” alors que que ce syndicat porte une responsabilité certaine dans ce résultat. Comment s’étonner qu’après tant de décisions s’ingéniant à atténuer la réponse pénale et les obstacles à une limitation de l’immigration que des électeurs de plus en plus nombreux estiment incontrôlée et devoir être limitée. Et au delà du justiciable, le citoyen dont la confiance dans les institutions est fortement entamée comme le manifestent l’expression ou la non expression électorale.
Trois références : Hervé Lehman : “Le procès Fillon” (éd du Cerf, 2018) ; “Justice, une lenteur coupable ( éd des PUF, 2002), “Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire” ( éd du Cerf , 2022)
Tourner le temps à l’orage
Revenir à l’état sauvage
Forcer les portes, les barrages
Sortir le loup de sa cage
Sentir le vent qui se déchaîne
Batrre le sang dans nos veines
…………………………………..
Il suffira d’une étincelle
D’un rien, d’un geste
Pour
Allumer le feu
Et faire danser les diables et les dieux
……………………………
laisser derrière nous toutes nos peines
Se libérer de nos chaînes
Lâcher le lion dans l’arêne
Je veux la foudre et l’éclair
l’odeur de foudre et de tonnerre
………………………..
Il suffira d’une étincelle
D’un rien , d’un geste
Il suffira d’une étincelle.
Allumer le feu
Allumer le feu
J. Hallyday “Allumer le feu”, chanson écrite par Zazie et musique par P. Obispo et P. jaconelli. Stade de France, septembre 1998
Pour enrichir le Panthéon musical “vu d’ailleurs”, des cieux, ou, selon Lucrèce ( de la nature, VI ) Jupiter et les autres dieux ébranlent de leurs bruits épouvantables la voûte lumineuse zébrée par les éclairs…
Diabolisation puis dé-diabolisation puis re-diabolisation telles sont les vicissitudes de la vie de Satan dans le vie politique. La tentation pour pacte faustien est une constante et un ressort qu’on tente de retendre pour les besoins des mobilisations électorales tant il est devenu si distendu. Le mythe vient d’être revisité, “ex-cathédra” dans des habits nouveaux, Jordan en prince des ténèbres, mephistophéliquement paré de ses atours princiers et de sa mine enjôleuse et Faust, inquiet et désemparé, l’implorant pour une nouvelle jeunesse. Quelques gouttes de sang recueillies au bas du bras velu devaient sceller le pacte diabolique : “O Satan prends pitié de ma longue misère ” clame Baudelaire dans les fleurs du mal… et plus loin “Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs / Du Ciel ou tu régnas et dans les profondeurs / De l’Enfer, ou, vaincu, tu rêves en silence ! / Fais que mon âme un jour, sous l’Arbre de la Science, / Près de toi se repose, à l’heure ou sur ton front / Comme un temple nouveau ses rameaux s’épandront”…; Méphisto d’un côté et Judas et son baiser de l’autre prêt à tout pour trente deniers. Une énième aventure “sous le soleil de Satan”… La rhétorique politique est ancienne et tenace. Son origine chrétienne s’en prit à Neron, puis Domitien puis Julien L’apostat. L’injure politique sera reprise contre Mazarin comme dans la prose contre-révolutionnaire qui convoqua l’antéchrist. Sous d’autres cieux on stigmatisa l'”axe du mal” ici et le “Grand satan” là. On en inventa même un “petit”. Pour en venir à l’actualité brûlante de l’usage de la figure rhétorique il faut sans doute remonter à l’instillation du démon par un ancien Président de la république instaurant, en 1985, la proportionnelle. Le diable Le Pen était crée et dans son existence ressuscitée, le malin prit plaisir à se perpétuer, à croitre à embellir. Les artifices langagiers exhibés comme des diamants dont les médias se repaissent s’usèrent des deux côtés jusqu’à l’exténuation…provisoire (?). L’arme dégainée servit de bonne à tout-faire pour excommunier une partie de l’électorat et confisquer le pouvoir aux mains d’un autre création langagière : l'”arc républicain”. Une digue en forme de mur de Berlin réussit un temps à délimiter le royaume de l’ombre et celui de la lumière. Elle réussit un temps et de moins en moins bien à désigner le seul chemin à suivre, celui du paradis. C’est ce mur de Berlin qui, à force d’être convoqué, semble finir de s’écrouler. Pierre-André Taguieff, dans un livre déjà ancien (” Du diable en politique. Réflexions sur l’antilepénisme ordinaire” Ed du CNRS, 2014, 390 pages) recense les récurrences de l’emploi imaginatif et sans bornes des images funestes lancées à la tête de l’électeur : “bête immonde”, “vieux démons” et tant d’autres. La référence à une ribambelle de figures sataniques expressions du mal absolu et érigées en ennemis du genre humain alimenta les feux d’artifices verbaux. Le couronnement de cette rhétorique explosa dans l’anathème suprême se référant au mot disqualifiant définitif désigné parfois de point de Godwin. Le spectre du fascisme et du nazisme parfois réunis et imaginaires furent exhibés comme la forme suprême de l’abjection suprême et de la faillite morale. Le stratagème réussit à paralyser la main de l’électeur pris d’une insondable culpabilité. La condamnation moraliste excluant toute discussion rationnelle sur les programmes devait avoir pour effet de conduire à prôner l’éradication de l’adversaire transformé en ennemi dont il faut “purifier” la terre d’une immondice sournoise et menaçante. Les réseaux sociaux firent et font le reste… La démonisation qui depuis plus de 40 ans consiste à ressusciter l’épouvantail cornu semble s’être actuellement accumulée au point de provoquer un rejet violent, déferlant et inarrêtable. La pièce frappée des deux côtés par leur figure opposée mais inséparable semble avoir atteint l’étape de sa démonétisation. Ou comme après avoir absorbé un mauvais vin, l’électeur finit par dessaouler… L’observation de nos voisins européens (Suède, Danemark, Pays-bas, Italie) désilie l’œil voilé de l’électeur apostrophé au point de finir immunisé contre le spectacle toujours ressorti des vieux cartons de la seconde guerre mondiale et du pêché que ses ancêtres auraient commis en 1940. L’observation des expériences politiques européennes révèle à cet électeur connecté que si les expressions politiques extrêmes se manifestent, les systèmes politiques les contiennent dans le cadre du respect de l’expression et du débat démocratique comme nous le rappelle notre éditorialiste voyageur. La diabolisation, au contraire, semble avoir contribué a installer et légitimer ce que par la suite, on ne peut plus combattre. ” Dieu rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes” avertissait le Cardinal…