Ainsi donc, les protestations refont surface depuis plusieurs semaines dans ce Royaume de Thaïlande où Gavroche a grandi depuis 26 ans, chroniquant chaque instant de l’actualité siamoise. Colères instrumentalisées ? Révolte manipulée d’une jeunesse qui regarde trop du coté de l’occident et de ses vraies-fausses libertés ? Le courrier des lecteurs de Gavroche est riche de points de vue opposés. Nous avancerons donc ici une seule thèse: celle de l’impératif existentiel. Dans un pays où les inégalités sont parmi les plus importantes au monde, et où les pouvoirs en place peuvent compter sur la soumission quasi naturelle de la population, protester veut dire exister. Or les jeunes thaïlandais veulent exister. Et l’Internet, avec les réseaux sociaux et les possibilités de manifestations surprises via Facebook, leur donne les moyens de le faire….
Oui, protester en Thaïlande, c’est exister. Car sinon, comment faire ? Accepter que le silence de l’oligarchie se referme comme un couvercle ? Fermer les yeux sur l’impunité judiciaire de l’élite politico-militaire et financière ? Oublier qu’à l’heure de l’internet, les agissements de sa majesté Rama X sont scrutés au quotidien ? Passer outre l’enlèvement d’un dissident à l’étranger, dont nous sommes depuis sans nouvelles ? Ne pas prendre en compte le fait que que ce pays émergent est dirigé, depuis 2014, par une junte militaire qui, après avoir pris le pouvoir par la force, s’est assuré de le perpétuer dans les urnes grâce à une constitution taillée sur mesure ?
Allons plus loin: ces protestations sont un signe de vitalité. Elles prouvent la volonté de cette jeunesse de bouger, et de ne pas laisser le conservatisme mâtiné de corruption décider pour elle.
La Thaïlande n’a rien à perdre à ses manifestations. Au contraire. Celles-ci prouvent que, malgré l’étouffoir de la crise, la société thaïlandaise est bien vivante. A l’heure où, sous couvert de lutte contre le coronavirus,quelques oligarques rêvent de mettre le pays au pas pour se débarrasser du commerce informel et des «petits entrepreneurs» qui leur font concurrence, ces protestations non violentes sont, tant qu’elles restent pacifiques et centrées autour de revendications démocratiques, une assez bonne nouvelle.
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