Chaque jour, cinq infos à retenir sur les élections françaises par notre conseiller éditorial Richard Werly.
Chaque matin, Blick plonge dans le volcan politique français que la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron est en train de faire exploser. Jusqu’au résultat du second tour des législatives le 7 juillet. Un voyage quotidien dans les coulisses du grand jeu du pouvoir, vu de Suisse. Des rires. Des larmes. De l’espoir. Et pas mal de chaos. Bienvenue sur la crête du volcan français.
Au menu ce jeudi 20 juin : tuer Mélenchon ne fera pas gagner le nouveau Front populaire.
Tuer Mélenchon, un rêve
Et si Jean-Luc Mélenchon tirait sa révérence à 72 ans ? Et s’il renonçait, surtout, à se présenter une nouvelle fois à l’élection présidentielle de mai 2027, que le fondateur de La France insoumise (LFI) a évidemment dans son viseur, même s’il ne s’est pas déclaré candidat, à l’inverse de Marine le Pen ?
Au centre-gauche, et dans les rangs des Insoumis les moins dociles comme François Ruffin, Clémentine Autain ou Alexis Corbière (que son parti a refusé d’investir en Seine-Saint-Denis), ces législatives anticipées doivent permettre de passer à l’après-Mélenchon. C’est aussi le rêve du parti socialiste, qui n’en peut plus d’être broyé et humilié par celui qui porta longtemps ses couleurs au Parlement (à l’Assemblée nationale et au Sénat) et fut même ministre de Lionel Jospin (entre 2000 et 2002).
Problème : en bon trotskiste, obsédé par les rapports de force, « Méluche » tient l’appareil de son parti, et il conserve l’argument de son excellent score à la présidentielle de 2022 (arrivé en troisième position avec 21,95% des voix). Cette dissolution ne conduira pas à son élimination.
En résumé : Mélenchon, aussi rassembleur que «bordeliseur» en chef, reste incontournable.
L’antisémitisme, la plaie
Pour ses détracteurs, surtout au sein de la communauté juive française, le nouveau Front populaire a une tache originelle. Elle vient de LFI et elle est couleur rouge sang, comme ces mains taguées par les jeunes militants de gauche sur les murs, symboles controversés de la lutte pour les droits des Palestiniens et considérées comme une insulte par les pro-israéliens en souvenir du martyre de deux soldats de Tsahal à Ramallah en l’an 2000.
Qu’importe si l’on a découvert que ces mains rouges ont parfois été apposées à Paris par des individus est-européens sans doute payés pour accroître les fractures françaises, sur fond de guerre à Gaza. L’ombre de l’antisémitisme pèse sur La France insoumise, et les accusations répétées de génocide à Gaza formulées par l’égérie de la cause palestinienne Rima Hassan (élue eurodéputée le 9 juin) sont un épouvantail pour de nombreux électeurs du centre-gauche. «Pourquoi Macron ne parle-t-il plus de Gaza? Pourquoi ne fait-il plus rien?, s’est encore interrogé Jean-Luc Mélenchon mercredi 19 juin. Le massacre continue. Les Palestiniens sont exterminés. Le Liban prend feu. La France doit agir et agir encore sans trêve, sans pause». LFI est bien le parti le plus opposé à Israël. C’est pourtant à l’extrême-droite que l’antisémitisme resurgit : deux candidats investis par Éric Ciotti le RN ont été écartés mercredi pour cette raison.
En résumé : Malgré ses démentis, l’antisémitisme présumé de LFI flottera sur les urnes.
Le PS, un cadavre
François Hollande est, à 69 ans, de retour dans la bataille électorale dans sa circonscription de Corrèze (Massif central). L’ancien président de la République a donc le courage de redescendre dans l’arène, ce que se garde bien de faire, à droite, son prédécesseur Nicolas Sarkozy. Problème: le parti socialiste que dirigeait jadis François Hollande avant d’accéder à l’Élysée en 2012 est l’ombre de lui-même.
Certes, le PS a obtenu cette fois 175 circonscriptions dans le cadre du nouveau Front populaire, contre 70 aux législatives de juin 2022 avec la NUPES (LFI, le parti de Mélenchon, en a 229). Mais qui peut croire que le PS de 2024 est encore vivant, et capable d’être l’ossature d’une alternative sociale-démocrate malgré le beau succès de sa liste dirigée par Raphaël Glucksmann aux Européennes, avec 14% des suffrages ? Tous ses anciens cadres sont partis. L’ancien Premier ministre Manuel Valls roule pour Macron. Et la dispersion de ses élus, après le second tour du 7 juillet, n’est pas à exclure.
En résumé : La gauche a produit une alliance, pas encore une coalition de gouvernement.
Front populaire, le mythe
2024-1936 : presque un siècle sépare ces deux dates. Avoir baptisé l’union de la gauche et des écologistes pour cette bataille législative «Nouveau Front populaire» est sans conteste une réussite prometteuse. Sur le plan médiatique, ça sonne bien. Mais il n’y a rien de comparable entre cette alliance qui inclut même le Nouveau parti anticapitaliste de Philippe Poutou (le leader de ce groupuscule d’extrême-gauche, candidat en Gironde, affirme sur ses affiches vouloir «désarmer la police») et celle menée par Léon Blum durant l’entre-deux-guerres, que soutenait le très puissant parti communiste, sans prendre part ensuite au gouvernement.
Les avancées sociales du Front populaire, comme les premiers congés payés ou la semaine de 40 heures de travail, ont façonné la France moderne. Il est aussi vrai que la gauche, dans le système majoritaire et présidentiel français (et non proportionnel et parlementaire comme en Suisse) ne peut gagner qu’en étant unie. Restent les faits: 2024 n’est ni 1936, ni 1981, avec l’Union de la gauche autour de François Mitterrand.
En résumé : Si l’histoire est une référence, elle se répète rarement.
L’Europe, le grand fossé
Les sondages donnent aujourd’hui environ 28% des voix au Nouveau Front populaire, contre 33% au Rassemblement national. Le premier pourrait atteindre 150 sièges (contre 133 pour la NUPES en 2022) contre 220 pour le RN (contre 88 en 2022). Attention: ces projections ne tiennent pas compte du profil des candidats dans les circonscriptions, du niveau d’abstention et de la mobilisation des électeurs de gauche. Un sujet demeure toutefois problématique, et Emmanuel Macron ne va pas se priver de le répéter : l’Union européenne.
LFI est un parti souverainiste de gauche, et anti-allemand sur de nombreux sujets. LFI veut aussi au plus vite une paix avec la Russie. Alors que Raphaël Glucksmann, lui, est vent debout contre Poutine. Pour gouverner, le Nouveau Front populaire ne doit pas seulement gagner les élections. Il devra en plus décider, ou non, d’entre en collision avec la Commission européenne qui vient d’engager, le 19 juin, une procédure contre la France pour « déficit excessif ».
En résumé : Les divergences européennes restent trop fortes à gauche.
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L’antisémitisme à une longue histoire en Europe et en France. Son origine puisée dans des interprétations de la Bible a servi le christianisme dans son installation historique : bien différencier les juifs de ceux qui, issus d’eux ou nouveaux croyants cherchaient à étendre leur influence. Ou comment deux religions proches cherchent à se différencier. L’Islam connaitra un même parcours. Le poison antisémite à été utilisé et instrumentalisé aux fins de réaliser des formes d’unité notamment dans des circonstances de crise. Mobilisant la Bible elle-même, le mythe du “bouc émissaire” est retourné contre les communautés (souvent obligées de se constituer en ghettos) juives dans des manifestations souvent sanglantes comme le furent les pogroms. Le venin antisémite s’est infiltré dans les couches sociales favorables au maintien des statut-quo et, longtemps en France, avec les ressorts narratifs produits par l’église catholique. Les courants socialistes ont également mobilisé l’antisémitisme associé à la lutte contre le capitalisme. Certains furent socialistes et chrétiens. Cette veine antisémite n’est pas morte, le cadavre est prêt à surgir. Mais aujourd’hui, le poison semble avoir été recueilli par l'”extrême-gauche” et, actuellement, Mélenchon, en est le grand prêtre. Il est assisté d’un grand nombre d’officiants soumis et enivrés par les fumées toxiques de l’antisémitisme qui, dans l’hexagone, empuantissent l’atmosphère. Ce que notre éditorialiste tait c’est le feu qui l’alimente. Ce n’est pas le christianisme (agonisant) mais une autre religion ou du moins l’interprétation qui en est faite, l’islam dans son interprétation islamiste. Israël et l’antisionisme fournissent un paravent officiel et “acceptable” d’un antisémitisme rampant parfois virulent. L’entreprise mélenchonienne, à l’instar de la social-démocratie traditionnelle, à abandonné ses bases sociologiques et populaires ; Le PS a versé dans le sociétal et rejoint le cœur bourgeois des villes et Mélenchon, les banlieues de l’Islam, réservoir des actuels damnés de la terre qu’il faut accueillir sans limites ni contrôles, leur attribuer le droit de vote inconditionnel au nom du rejet de la “préférence nationale”, stratégie électorale oblige. Le communautarisme et l’islamo-gauchisme sont les deux piliers de la stratégie mélenchonnienne. Le conflit israélo-palestinien constitue un carburant de choix dans cette stratégie. Le Hamas, groupe terroriste, en fût l’instrument. Le 7 octobre 2023 fût une aubaine. La 7ème sur la liste LFI, enveloppée du drapeau palestinien et brandissant la carte d’une Palestine expurgée de la “monstruosité de l'”État sioniste”, élue au parlement européen, fut instituée en figure de proue de la stratégie électorale mélenchonienne. Depuis,mais déjà avant, le venin prolifère et s’insinue au point ou beaucoup de juifs s’interrogent sur leur avenir en France et sur leur sécurité ; Cette semaine une fillette de confession juive de 12 ans fût victime d’un viol par deux (d’après les inculpations) enfants de 13 ans, accompagnés d’un autre de 12 ans fiers de reproduire ce qu’ils considèrent comme des “actes de résistance” contre un État génocidaire et les juifs qui, ou qu’ils soient, doivent “payer”. Quelle chaîne causale diabolique a pu conduire à de telles extrémités ? les facteurs sont loin d’être directs, la justice et les décisions qu’elle prend sont insuffisamment dissuasives, les poursuites souvent inexistantes. Le Président de la République qui avait, il y a peu, qualifié la mort d’un jeune homme ayant refusé d’obtempérer d’évènement “injustifiable et d’inexcusable” et que “rien ne justifiait la mort d’un jeune homme” ne s’est pas, semble t-il, jusqu’à ce jour, exprimé. Le grand sportif, emblème du football national, venant de s’ériger en autorité morale suprême n’a pas réservé l’expression de “petit ange” à la fillette martyrisée.