Notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, partage sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick.
Retrouver ici son dernier éditorial.
Affirmer que la poussée électorale sans précédent du Rassemblement national (RN) est le reflet d’une France fracturée est une évidence. Constater que, comme ses prédécesseurs avant lui, Emmanuel Macron est aujourd’hui rejeté par une partie du pays est une lucide obligation.
Ces deux semaines de campagne express pour les législatives, après le séisme de la dissolution de l’Assemblée nationale et avant le second tour de ce dimanche 7 juillet, n’ont fait que confirmer ces deux réalités. A tel point que personne ne comprend pourquoi le locataire de l’Élysée, dont l’intelligence est incontestable, s’est engagé de cette façon dans cette voie certes démocratique, mais a priori sans issue pour lui, sa fonction et son avenir, à trois ans de la fin de son mandat, en mai 2027.
L’important, à deux jours d’un second tour historique sans doute marqué par une participation électorale record, n’est donc peut-être pas de mouliner les scénarios. Quels qu’ils soient, les résultats de ce scrutin flécheront de toute façon la direction à suivre : soit un gouvernement exercé comme il se doit par une majorité claire (que le RN paraît selon les sondages être le plus capable d’obtenir) ; soit un gouvernement d’un autre type, soutenu par une coalition hétéroclite ou cantonné à des « affaires courantes » sous la conduite de personnalités « techniques» . Avec, dans son rôle constitutionnel de « garant de l’unité de la nation », un président qui aura de toute façon antagonisé encore plus tous ceux qui ne croient plus en lui et en son leadership.
J’ai tenté, depuis l’annonce de cette dissolution, de comprendre comment le pays en est arrivé là. Et comment une partie importante de la population s’est mise à détester Macron, mais aussi le pouvoir parisien et les élites qui l’exercent, des cabinets ministériels aux plateaux de télévision. Et j’ai fini par le comprendre.
Sprint politique
J’ai compris qu’Emmanuel Macron, toujours dans le sprint politique, dans la disruption forcée et dans le maniement de concepts compliqués et d’ambitions européennes mal acceptées, a fini par incarner une forme d’humiliation permanente. L’entendre parler de « responsabilisation » est devenu insupportable à ces Français convaincus que l’avenir qu’il dessine ne sera jamais le leur, et résolus à préserver avant toute chose ce qu’il leur reste d’avantages acquis, même s’ils creusent chaque année un peu plus le plafond de la dette.
J’ai compris que l’entre-soi politique parisien, incarné à l’excès par le jeune Premier ministre Gabriel Attal, est devenu insupportable à tous ceux qui, le soir, voient la France se déliter sur les écrans de CNews. Les métropoles, à commencer par Paris, sont devenues pour beaucoup de Français un pays à part, où l’État engloutit des montants colossaux d’argent public au profit de populations d’origine étrangères pour qui la République est un mot vide de sens.
Quelles que soient leur vitalité et leurs ressources, ces quartiers, où les élus de La France Insoumise (gauche radicale) règnent en maître, ne sont plus vus par ces Français provinciaux, éloignés des grandes villes, comme des zones à réhabiliter. Ils sont perçus comme un danger. Comme des bombes à retardement que plus personne ne sait désamorcer. Sans parler des faits divers, de la montée de l’insécurité et de la visibilité de l’islam dans l’espace public, incontestables, perçus comme autant d’agressions commises à domicile, par écrans et réseaux sociaux interposés.
Classe moyenne décimée
J’ai compris que les élites sont aujourd’hui des cibles. Ce n’est évidemment pas spécifique à la France. L’effet Trump, amplifié par l’ingénieur en chef du chaos nommé Poutine, déferle à plein sur toute l’Europe, y compris en Suisse. Sauf que la France, révolutionnaire dans l’âme et incapable d’offrir des soupapes démocratiques adéquates comme le référendum ou la décentralisation réelle, y ajoute le goût effréné du grand soir. La classe moyenne décimée ne respecte plus les élus qui ont surfé sur son déclin. La jeunesse populaire préfère TikTok à l’échange et aux débats. La contradiction fâche alors qu’elle enrichissait hier. Les ascenseurs sociaux classiques, en panne depuis longtemps, sont délaissés aux profits de créneaux bien plus lucratifs, à commencer par le trafic de drogue.
J’ai compris surtout que la France de Macron, tout en bouleversements et en ambitions européennes et géopolitiques, antagonise une grande partie de la population de ce pays empreint de culture rurale et tourné sur lui-même. Elle ne leur parle pas, alors que le pouvoir d’achat en baisse dicte au contraire chaque décision de la journée. Il n’y a pas, parmi ces Français, de rejet viscéral de l’Ukraine ou d’admiration pour la Russie de Vladimir Poutine. Il y a juste un énorme ras-le-bol. « Vous nous demandez trop : arrêtez de nous faire ch… Et occupez-vous d’abord de nos affaires », pourrait être leur slogan.
Le poids du ressenti
Le Rassemblement national a compris ce ressenti. Il l’instrumentalise. Il lui fournit, à travers une flopée de candidats ordinaires, souriants et bien habillés comme Jordan Bardella (parisien et professionnel de la politique depuis l’âge de 17 ans), le répit et la dose d’illusions que le carnet de chèques de l’État providence, croit-on, permettra de concrétiser.
L’Europe n’est pas détestée. Trump n’est pas admiré. Ce que cette France ne supporte pas est l’impression que plus personne, au sommet de l’État, ne s’occupe d’elle et tient compte de ses avis, pourtant exprimés en masse lors du « Grand débat national » qui suivit la crise des gilets jaunes.
Si j’étais comme eux…
Je comprends ces Français qui détestent Macron, Paris et les élites. Si j’étais comme eux, sans cesse confrontés à des impossibilités et des normes tombées d’en haut avec ce sentiment d’un grand gâchis inéluctable sans autre exutoire possible que le vote, je partagerais peut-être leur colère. Mais je ne suis pas comme eux. Et ce qu’ils me disent et affirment n’est pas de nature à me rassurer sur un pays où de plus en plus d’experts parlent « de guerre civile », comme s’il était impossible de l’écarter.
J’ai compris. Et c’est bien pour cela que le vote de dimanche a tout pour m’inquiéter.
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La situation provient de l’échec de la Ve République, qui repose sur des bases morales et politiques fausses. La Ve République a connu un age d’or a la suite de l’indépendance de l’Algérie en 1962, qui correspond a la 2e législature (1962-1967). Le déclin commence avec l’élection présidentielle de décembre 1965 et le ballotage; il se poursuit avec les législatives de 1967 (2 voix de majorité) qui amènent les événements de mai 68, puis avec le départ du général de Gaulle en 1969. Suit une période de relative stabilité, avec Pompidou et Giscard (1969-1981). C’est alors qu’apparait Jacques Chirac. Soucieux de rétablir le gaullisme face au “parti de l’étranger” (appel de Cochin); il perçoit que la seule tactique possible est de favoriser la gauche. S’ouvre alors une série de “cohabitations”, en présence d’un catalyseur, soit le le Front National: 1981-2007. La succession désordonnée d’élections en tous sens favorise la démagogie et interdit toute politique a long terme. A partir de 2007, en l’absence de toute personnalité charismatique, le processus de décomposition s’accélère, François Hollande dit “Flanby” ne doit son élection qu’a l’affaire du Sofitel et Macron ne doit la sienne qu’a l’affaire Fillon relevé par le ‘Canard Enchaine”: on ne peut puls parler de république dans ces conditions. Eric Coquerel a raison lorsqu’il dit que la Ve est a bout de souffle’. il est temps de revenir a une république “sagement organisée” (Mme de Stael), et de renoncer a cette Ve République imaginée par un Saint-Cyrien qui avait commande un régiment de chars et qui avait lu Chateaubriand.
L’intelligence du sieur Macron est contestée en particulier par l’éminent historien Emmanuel Todd (Visible sur internet).
La lecture de l’édito n’est pas sans laisser perplexe. Concernant les budgets engloutis au profit d’étrangers irrespectueux de la République, je me suis exprimé dans un commentaire en réponse. Les propos pourraient laisser croire à une mauvaise relecture mais le reste des propos interroge et peut conduire à des jugements sévères comme l’un des commentaires l’illustre d’autant qu’il est confessé que, si jusque là on n’avait pas compris, cette fois ce n’est pas le cas : J’ai compris est-il répété… je vous ai compris…
L’usage de la formule conduit le lecteur à ne plus trop savoir qui s’exprime. Notre éditorialiste se serait-il pris pour un Président ?… La photo qui ouvre la lecture est de nature à renforcer l’illusion …
La photographie d’un Président tout républicain qui ouvre les propos éditoriaux donne l’impression qu’ils émanent de cette bouche présidentielle qui n’est pas avare de propos repentissants et d’aveux de contrition. Des propos éditoriaux que, avançant dans la lecture, l’ont serait prompt à prêter au “locataire de l’Élysée” “. J’ai compris que…” peut-on lire, à plusieurs reprises, dans un clin d’œil à la fameuse apostrophe gaullienne déclamée du haut du célèbre balcon algérois et que la politique ultérieure allait démentir pour ceux du moins qui ont entendu ce qu’ils voulaient entendre. La suite, la…guerre civile ou une de ses formes naissante et larvée. Une expression présidentielle chérie et caressée en forme de spectre à éloigner ou à susciter …
La photo illustrative nous montre un Président qui, bien que chef des armées n’a pas revêtu l’uniforme militaire, ni le képi, ni, comme à Alger, étendu les bras mais hissé, avec une visible difficulté arthritique, les deux pouces. Arrêtons de jouer semble t-il dire en évoquant le spectre de la guerre civile… voire de la guerre tout court…
Opposant les Français confrontés aux dérélictions qui les assaillent, aux “élites”, à la “caste”, à l'”établissement” et au monde des médias dans quel “camp” notre éditorialiste se range t-il ? Si c’est dans celui de CNews, d’Europe 1 comme un commentaire le suggère, l’accusation ne tient pas à moins qu’eux aussi, dans une opposition factice et contrôlée, y appartiennent.
Le dernier paragraphe donne la lumière. Il récapitule, ne partageant pas le sort de ces Français, notre éditorialiste affirme clairement qu’il n’est pas de leur camp, n’est pas comme eux… c’est pourquoi, comme à la façon d’ E. Macron, il peut mieux les comprendre… comme E. Macron, vu d’ailleurs, mais d’où donc, diable !
Vous n’avez pas compris. Vous avez trop regardé les chaînes de Bolloré CNews et BFM TV qui reprennent et amplifient la propagande d’extrême droite.
Non les immigrés ne font pas perdre de l’argent à la France comme de vrais experts l’ont mesuré: “Une étude menée par l’OCDE sur l’impact budgétaire de l’immigration de 2006 à 2018 a démontré que « si on regarde toutes les dépenses publiques, la contribution budgétaire nette totale des immigrés oscille entre − 1 % et + 1 % du produit intérieur brut », souligne M. Dumont. L’impact de l’immigration est donc relativement neutre.
Un constat corroboré par une étude intitulée «L’impact budgétaire de trente ans d’immigration en France», publiée en 2022 par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales, un centre de recherche en économie internationale rattaché au premier ministre.”
Et comme nous vieillissons nous aurons toujours plus besoin d’eux.
Mélonie n’a pas tardé à le comprendre mais comme vos sources, Hanouna, Pascal Praud, Europe 1 etc. disent le contraire tous les soirs à la télé vous jetez l’ opprobre à votre tour sur les étrangers. Quel genre de journaliste êtes-vous ?
Ce commentaire n’a lu que de loin notre éditorialiste dont la formulation me parait encore plus discutable que celle qui lui est imputée. Peut-être devrait-il rectifier… L’ “engloutissement de sommes considérables au profit de populations d’origine étrangère pour qui la république est vide de sens” peut-on lire. Grand nombre d’étrangers originaires sont français depuis une, deux, trois ou plus générations. La formulation est pour le moins inadéquate. Mais surtout elle traduit un impensé qui tend à les assigner à la condition d’étrangers “inassimilables” dans la République. Elle prête le flanc à une définition ethnique de l’étranger que ses références à l’islam et à ses effets sur la société française pourraient accréditer. Un Français d’origine suisse entrent-ils dans le champ de l’analyse de notre éditorialiste ? Une distinction peut être faite entre les français d’origine étrangère mais jusqu’à combien de générations faudra-t-il remonter ? Faut-il prendre l’une des branche de l’ascendance ou les deux ? L’étranger au sens strict, juridique est celui qui n’est pas français de par sa nationalité d’origine ou acquise. Parmi ceux-ci il faut distinguer ceux bénéficiant d’un statut légal leur conférant des droits notamment sociaux et qui, par définition, peuvent être différents selon leurs situations sociales. On ne peut alors parler de discriminations au sens juridiques : avoir 3 enfants n’est pas 4. Les étrangers peuvent être en situation irrégulière sur le territoire (soit entrés illégalement, soit devenus irréguliers en cas de non respect d’un titre de séjour ou d’un visa et de nombre difficilement évaluable ; Le chiffre de 800 000 est souvent donné pour la France) et disposer de certains droits sociaux comme l’aide médicale dont la durée et l’étendue peuvent varier selon les politiques migratoires. Les séjours de ces étrangers et les frais qui en découlent sont pris en charge en cas d’incarcération ou de certains frais de justice comme les recours contre les refus de séjour ou les OQTF. Ce sont les budgets publics relatifs à ces dépenses qui font l’objet de discussions voire de polémique. Pour le poids budgétaire de l’immigration, il faut d’abord savoir exactement de quoi l’on parle, tout le reste n’est que conversations de comptoir… que l’ingestion d’alcool, mais la limonade peut suffire, transforme en pugilats partisans.
Bonjour Richard, Seule la 11éme circonscription des français à l’étranger a voté pour le RN, je voudrai connaitre les raisons de ce vote. Si vous avez une explication à me donner je suis preneur. Merci d’avance .
Lionel Veillat
Pas toute la 11ème circonscription qui est très vaste et a plutôt voté Anne Genetet la macroniste, mais la Thaïlande et surtout Pattaya, Phuket et Koh Samui.
Pourquoi ? Allez-y et vous comprendrez. L’homme blanc peut encore y avoir le sentiment de dominer sexuellement et socialement comme au “bon vieux temps des colonies “. Ah ! Si la France et le monde entier pouvaient être encore comme ça ! Ça vaudrait la peine de vivre.
Un microcosme climatique qu’expliquerait la théorie des climats : Aristote, Platon, Polybe, Ibn khaldun, Jean Bodin, Montesquieu, etc.) ? Un virus local dont il faudrait faire le séquençage afin de trouver un vaccin et, en attendant, de,créer un QR code afin de limiter l’épidémie et d’éviter la contagion, sous des formes mutées, aux populations locales ? Une appartenance professionnelle d’expats hexagonaux tenanciers de bars et d’établissements hôteliers, ayant fui les exactions fiscales hexagonales et ayant trouvé dans le RN une résurrection de Poujade ; des positions privilégiées pour populariser la doxa RN auprès de consommateurs réceptifs et eux-mêmes transformés en missionnaires ? Une appétence RN que favoriserait la présence jugée trop envahissante d’une population issue d’une immigration stigmatisée, celle de certaines banlieues, et que nos expats extrémisés confondent avec la population locale ? Une affirmation identitaire forte cherchant à se différencier des autochtones par des signes et des marques, un discours (voir comment les ressortissants des autres pays votent) ?
Une énumération limitative de préjugés sans doute mais qui en les purifiant pourraient devenir des “pré-notions” qu’il faudrait vérifier dans des enquêtes scientifiques. L’IRASEC à nous deux ! Une étude éclairante pour bientôt ?