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FRANCE – POLITIQUE : Vue d’ailleurs, Gauche du possible, Extrême-droite de l’impossible

Date de publication : 10/07/2024
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assemblée nationale hemicycle

 

Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, partage sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner ou consulter sa lettre d’information Republick.

 

En voici l’éditorial. L’intégralité de la newsletter disponible ici.

 

On ne dira jamais assez combien la France est un pays très politique. Vous croyez les Français rêveurs, idéalistes, prêts à combattre pour leurs idéaux de Liberté, d’Égalité et de Fraternité? Ils savent aussi se montrer fort réalistes. Regardez ce second tour des élections législatives, le 8 juillet. Tout y était pour que la colère l’emporte. Le Rassemblement national avait fait, une semaine plus tôt, le plein de frustrations déversées dans les urnes. Seulement voilà : beaucoup d’électeurs ont réfléchi. A l’extrême droite de l’impossible, mobilisée contre l’Union européenne, contre les milieux économiques, contre les immigrés et contre les binationaux, ils ont choisi la gauche du possible. Pour de meilleurs salaires. Pour un abaissement de l’âge de la retraite. Pour tout ce qui coûte et que l’on financera, sans doute, par davantage d’impôts.

 

Les Italiens savaient, lorsqu’ils l’ont placé en tête en septembre 2023, que Giorgia Meloni n’aurait jamais tous les pouvoirs dans cette péninsule où les régions, mais aussi les milieux d’affaires, pèsent aussi lourd que le gouvernement central. Les Français sont bien conscients, eux, que le Rassemblement national contrôlera presque tous les leviers de l’État s’il parvient aux commandes du pays. Ils ont donc tranché. Mieux vaut le possible que l’impossible. Mieux vaut le rappel de l’histoire heureuse des premiers congés payés, que la victoire électorale acquise sur Tik Tok à coups de millions de vues, peut-être dopées par des « trolls » étrangers.

Emmanuel Macron a (en partie) raté son coup. Les Français ont réussi le leur.

Bonne lecture, et vive le Front Populaire!

(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)

 

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5 Commentaires

    • Votre commentaire est bien court, mais encore trop long, effectivement personne ne ne le lit, y compris moi-même, Personne.

  1. – Il n’a fallu que quelques heures pour que le NFP revendique une légitimité démocratique et la seule. Le conglomérat NFP n’est pas un parti politique mais un cartel électoral qui n’a d’existence que le temps des élections. Le ciment de l’unité de cette machinerie électorale s’est construite sur une supercherie d’apparence démocratique appelée “front républicain”.

    – Cette opération qui a réussi repose sur deux béquilles : la disqualification d’une partie non négligeable de l’opinion et de ses représentants considérés comme non démocratiques bien que non interdits par la loi démocratique (et selon les procédures qui pourraient le permettent) et un “front républicain” dont qui repose sur l’existence et, dans les dernières élections, l’efficacité d’une utilisation cynique du deuxième tour d’un scrutin majoritaire. La période électorale qui sépare les deux tours se caractérise par la mise en œuvre d’un “petit théâtre anti-fasciste” auquel participent toutes les forces politiques, alors situées dans le camp du bien, dans le jeu cynique, certes légal, des désistements de candidats. La confusion que permet cette phase a pu conduire G. Attal, Premier Ministre, à préconiser un report des voix favorables à son camp , en cas de désistement, sur un candidat LFI et, dans la phase suivante, de dénier à LFI la légitimité pour former un gouvernement. Inversement des candidats du camp présidentiel pourront être élus par les électeurs LFI suite au désistement du candidat en lice LFI.
    – Dire que l’électeur est le décideur final et suprême et que la démocratie est pleinement respectée, est en question au regard du fonctionnement du 2ème tour des élections législatives. Lors des élections du 9 juillet 2024, beaucoup d’électeurs ne voulant pas donner leur voix au profit des forces politiques disqualifiées, les ont données à la coalition, tout en ne partageant aucunement le programme de cette coalition.

    – La phase suivante, déclenchée cette semaine, se caractérise par la revendication pour une représentation exclusive de la coalition. Celle-ci étant formée de bric et de broc sur la base d’un accord électoral mais non de gouvernement se lézarde avant , probablement de se briser, lorsqu’il s’agit de traduire des voix en une équipe gouvernementale dont l’existence repose sur la confiance d’une majorité absolue des membres composant l’Assemblée Nationale. Des électeurs sans doute soulagés mais floués et des recrues potentielles pour les futures abstentions et un encouragement à ne plus céder aux sirènes du “petit théâtre”.
    – La phase suivante, l’actuelle et à venir, est celle des radicalisations qui conduisent à la négation démocratique. C’est le surgissement de la “rue”, du “troisième tour”. Dans sa partie la plus radicalisée, les élus revendiquent une légitimité “supérieure” dont la “rue” et toutes ses manifestations, éventuellement violentes, est supposée déboucher sur une prise de pouvoir. C’est l’avènement de l’ère des soulévements selon M. Maffesoli (“l’ère des soulèvements”, 2021, éditions du Cerf, 181 pages) .
    – Pour illustrer parmi beaucoup d’exemples, les suivants : un ex député invite, dans des appels enflammés, et dans une imitation inversée des évènements du 6 février 1934, à une “marche sur Matignon” ; Une secrétaire du syndicat CGT menace de mobiliser des troupes dans des mouvements sociaux, à prendre les jeux olympiques en otage et invite à une “mise sous surveillance” du Parlement ; Une élue écologiste qui, au mépris du règlement de l’AN, dénie à un groupe significatif d’élus, d’occuper les postes de Président et de Vice-Présidents des divers organes de fonctionnement de cette assemblée. LFI, fort d’une partie significative d’un électorat cyniquement instrumentalisé par la guerre d’Israël à Gaza, détient une arme pour les mobilisations urbaines possibles.
    – une néo-démocratie, une démocratie post-démocratique en gestation ? L’avènement du pouvoir du peuple, le “vrai”, un peuple épuré à la centrifugeuse de la radicalité et des épurations, celle d’une autre partie du peuple ? C’est l’ère des deux peuples, un bon, un mauvais. Une opposition qui conduit à l’amplification des mouvements populistes et à l’affaiblissement de l’édifice démocratique et de son expression parlementaire.

    Sur la nature des foules et des rues, toujours le classique de Gustave Le Bon : “La psychologie des foules”, 1895. Disponible sur internet, site de l’UQAC Université du Quebec à Chicoutimi).

  2. Nous sommes sous la IVème République, la France est dirigée par Edgar Faure, Président du Conseil. L’instabilité politique est permanente. Espérant obtenir une plus large majorité pour gouverner il recherche, dans les armoires à double fond de la République, la fameuse grenade à dissoudre dont il est le maître. Le 1er décembre 1955, c’est fait, l’assemblée Nationale est dissoute. Des élections législatives anticipées doivent se tenir dans moins d’un mois.
    Un bon calcul ?
    C’était sans compter sur une force politique montante : le poujadisme, un mouvement populiste, anti-parlementariste et nationaliste fondé par Pierre Poujade en 1953. Il est connu pour ses saillies antisémites contre Pierre Mendes-France, alors Président du Conseil. Elles lui vaudront le surnom de “poujadolf”.
    Face à cette poussée, le centre et la gauche lancent une “union” que le journaliste Servan-Schreiber qualifie de “front républicain”.
    L’expression utilisée pour qualifier l’alliance fera flores…
    Le 2 janvier 1956, les élections donnent une majorité orientée à gauche dominée par la SFIO et les radicaux emmenés par Pierre Mendes-France dans une coalition dite “Front républicain”. Parmi les nouveaux députés poujadistes à l’Assemblée Jean-Marie Le Pen fait son entrée.
    Le 31 janvier 1956, Guy Mollet obtient l’investiture de l’AN par 420 voix pour contre 72 (poujadistes) et 83 abstentions et devient Président du Conseil. Parmi les membres le composant, François Mitterand est nommé Ministre d’État, chargé de la justice.
    Il faut 16 mois (le plus long gouvernement de la IVème République) pour que le “front républicain” se déchire notamment sur la question décoloniale en Algérie et la fameuse “journée des tomates” (6 février 1956). Il fera voter la loi sur les pouvoirs spéciaux, il devra affronter la crise de Suez sur fond de guerre d’Algérie. Son gouvernement tombera le 21 mai 1957.
    Du 12 juin 1957 au 30 septembre 1957 Maurice Bourgès-Maunoury, qui a appartenu à 11 gouvernements, est investi et succède, le 13, à Guy Mollet. On en est au 22ème gouvernement de la IVème République. Fin septembre 1957 l’Assemblée Nationale lui refusant la confiance par 279 voix contre 253 pour, il démissionne. 3 mois et demi d’existence.
    Félix Gaillard est désigné Président du Conseil après le refus par l’Assemblée d’investir Antoine Pinay et Guy Mollet. 5 semaines de crise… Le gouvernement va durer 5 mois de novembre 1957 au 15 avril 1958.
    Un nouveau gouvernement Pierre Pflimlin est investi le 13 mai 1958 et doit faire face à l’accélération et à l’aggravation des troubles en Algérie, au putsch du 13 mai et à la mobilisation des milieux gaullistes et à l’impossibilité d’un accord avec ceux-ci, il démissionne le 28 mai. Durée 16 jours.
    René Coty, Président de la République, fait appel au “plus illustre des Français”. De Gaulle accepte de former un gouvernement le 1er juin 1958, le dernier gouvernement de la IVème République. Le 3 juin une loi constitutionnelle lui donne, pour 6 mois, le pouvoir de gouverner par ordonnances. C’est dans ce cadre que l’élaboration et l’adoption de la constitution de la Vème République va être mise en place. ce fut, techniquement, une révision de la constitution précédente. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958 elle sera promulguée le 5 octobre 1958. Son entrée en vigueur effective nécessitera nombre de lois organiques et ordonnances et surtout l’élection du Chef de l’État alors prévue selon un suffrage indirect par un collège élargi. Elle aura lieu le 21 décembre 1958. Les institutions ne deviendront pleinement opérationnelles qu’au début de 1959.
    Le long pourrissement puis l’agonie de la IVème préfigurerait d’après, certains Cassandre, le destin de la Vème. Selon Héraclite on ne se baigne jamais dans le même fleuve, ce n’est pas la même eau ni le même fleuve …
    Sur la IV ème République la somme de Georgette Elgey qui lui a consacré 6 volumes, désormais disponible dans la collection ” Bouquins”, ed. R.Laffont, 1056 pages.

  3. Les électeurs français auraient réfléchi et se seraient hissés à leur proverbiale caractéristique supposée : “les Français un peuple très politique”. Nous avons affaire ici à un “topos” archi-rabaché qui est le fruit d’une illusion rétrospective qui tente de rationaliser une situation existante. De là on préjuge qu’elle est le résultat d’un comportement rationnel.
    Nous avons affaire, dans cette présentation, à un miroir du même “topos” qui vaudrait pour l’économie : le marché pourtant expression des libertés de choix, poursuivant un égoïsme foncier, et précisément pour cette raison, produirait un équilibre, le meilleur possible voire un optimum. C’est le miracle de l’accouchement de l'”intérêt général”, résultat d’une “sagesse” produite par la”nature” du marché. Un marché économique et politique, lieu de rencontre abstrait des offres et des demandes.
    Ce “topos” à l’œuvre s’accompagne d’un autre bien que contradictoire. Ce n’est pas sans avoir gloser sur les passions irrationnelles de l’électeur, qualifiées parfois de tristes, que nos éditorialistes et commentateurs de tout poil, se répétant les uns les autres, animent l’électeur. Surtout l’électeur français, héritier des passions révolutionnaires accumulées et des ressentiments recuits, dont ce serait la caractéristique foncière, atavique, parmi tous les peuples existants : la “furia francese” ! Une furia bien différente opposée à celle qui s’exprime au cœur de l’âme helvétique, une “anti-furia”, sans doute un préjugé français !
    Les mêmes éditorialistes et commentateurs nous affirment, ignorant leurs propos d’hier, que la rationalité des votes et le sens aigu démocratique de l’électeur aurait éte le résultat, par transsubstantiation miraculeuse, d’une situation caractérisée par le chaos passionnel des opinions mais duquel résulterait une “sagesse collective”.
    Si l’expression politique de l’électeur peut être considérée comme l’expression d’une relative liberté politique, le deuxième tour perturbe fortement cette liberté. Si, comme il est souvent affirmé c’est l’électeur, in fine, qui décide, et qui est responsable des représentants qu’il désigne ( et qui seraient à son image), peut-on l’affirmer pour le 2ème tour ? Sa liberté de décision est pour le moins obérée par des stratégies de contournement et de détournement des partis politiques dont l’unique “rationalité” est la sauvegarde de leurs sièges si ce n’est des stratégies en vue d’élections futures. La situation électorale et celle de l’électeur peut varier selon le nombre des circonscriptions ou un retrait ou un désistement se produit ainsi que du taux de participation à l’élection. Affirmer que l’électeur, avec le scrutin majoritaire à deux tours, décide rationnellement appelle analyse et réflexion et suscite la suspicion.
    Par ailleurs, constater d’un vote rationnel d’électeurs agités par les passions conduit nos éditorialistes et commentateurs, dans le même temps, à déplorer que leurs votes débouchent sur l’impossibilité de former un gouvernement dans le cadre institutionnel existant ! Et de plaider , pour certains d’entre eux, pour une nouvelle constitution, ou pour le moins, tordre l’actuelle en en faisant une IV ème République dans la V ème et d’imaginer toutes sortes de montages institutionnels hybrides à partir d’institutions hybrides, jusqu’à leur “dissolution” dans un modèle allemand porté au pinacle et largement fantasmé.
    Cette approche n’exprime t-elle pas tout simplement l’effet un biais idéologique d’éditorialistes et de commentateurs qui trouvent dans une leur présentation une confirmation de leurs préférences et préjugés ?
    Sur la question de l’électeur rationnel et de sa supposée “sagesse” : “The myth of the rational voter : why democracies choose bad policies,” Princeton University Press, 2007. Une synthèse des analyses “déconstructives” se trouve dans l’article de Bryan Caplan :”Le mythe de l’électeur rationnel et la théorie du politique”, in “Raison Publique, la revue des humanités politiques”, 22 juin 2022, disponible sur internet (avec de très nombreuses références)

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