Un compte-rendu de Philippe Bergues
Le secrétaire général du Pheu Thai, Sorawong Thienthong, a mis le feu chez les Démocrates en remettant une lettre d’invitation à son homologue Det-it Khaothong. Rapportée dans la presse thaïlandaise, l’invitation dit : « le parti Pheu Thai, en tant que leader dans la formation du gouvernement, estime que les Démocrates ont les capacités, les connaissances et les idéologies pour travailler avec le Pheu Thai. Nous aimerions donc inviter le Parti démocrate à rejoindre le gouvernement et à travailler ensemble pour diriger le pays au profit du peuple ».
Le chef du parti, Chalermchai Sri-on devrait devenir ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement, tandis que le secrétaire Det-it Khaothong est pressenti pour devenir vice-ministre de la Santé publique.
Comme je l’écrivais hier, Chuan Leekpai, ancien président de la Chambre basse et première voix démocrate à s’être opposée à cette collaboration inédite, s’est vu rétorquer par les dirigeants actuels que « lorsqu’une résolution du parti est adoptée, tout le monde doit s’y conformer ».
Le résultat ne s’est pas fait attendre. Sirichoke Sopha, un assistant de longue date de l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva (entre 2008 et 2011), vient de démissionner du Parti démocrate après que celui-ci soit sur le point de rejoindre la coalition dirigée par son ancien ennemi, le Pheu Thai. En annonçant sa décision sur Facebook ce jeudi, Sirichoke explique « qu’il ne pensait pas que ce jour viendrait », ajoutant « que si l’on manque d’idéologie et que l’on est incapable de tenir ses promesses, on ne peut pas être véritablement qualifié de politicien ».
Watanya Bunnag, alias « Madame Dear » pour les Thaïlandais, ancienne candidate à la tête du Parti démocrate et longtemps vue comme la figure de la nouvelle génération de cette formation, a aussi publié aujourd’hui sur Facebook que « la décision des dirigeants du parti de rejoindre la coalition dirigée par le Pheu Thai est en train de détruire le parti et la confiance en lui ». En accusant la direction « d’avoir fait ce geste pour le bénéfice de quelques individus ». Y comprendre d’aller à la soupe des postes ministériels prestigieux, quitte à en oublier ses principes. Watanya a poursuivi sur cette idée de la trahison politicienne en ajoutant « qu’en fin de compte, les politiciens ne sont pas un symbole d’espoir, et l’élection n’est qu’un simple rituel qui leur permet de se réunir pour récolter des bénéfices ».
Très lourde charge de la part de la femme d’un Bunnag, grande famille dynastique démocrate proche du Palais, dont le plus illustre, le Dr Tej Bunnag, âgé aujourd’hui de 80 ans, fut ministre des Affaires étrangères et ambassadeur aux Etats-Unis, en Chine, en France et à l’Office des Nations-Unies à Genève. Un grand serviteur du roi Bhumibol (Rama IX).
Dans une diatribe plus triviale, l’ancien ministre de l’Éducation et élu treize fois député du Parti démocrate de la province de Nakhon Si Thammarat, Samphan Thongsamak, a publié sur un groupe d’anciens collègues députés, que « les dirigeants actuels devaient être accrocs à la méthamphétamine » pour rejoindre le gouvernement de Paetongtarn Shinawatra et « devaient être envoyés en cure de désintoxication ».
Le ralliement des Démocrates au Pheu Thai est incontestablement une rupture dans la politique thaïlandaise, il faut maintenant attendre l’architecture complète du futur gouvernement pour évaluer les répliques qui pourraient suivre le séisme du moment.
Philippe Bergues
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.