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BANGKOK – INTEMPÉRIES: Pourquoi Bangkok est de plus en plus facilement inondée ?

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 12/08/2020
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La force de Gavroche et sa différence ? Ses riches archives, compilées depuis 25 ans d’existence. Exemple sur les inondations. La ville de Bangkok se développe de plus en plus sur des terres régulièrement submergées. Cette mauvaise gestion du développement urbain constitue un problème majeur, selon la professeur d’urbanisme à l’université de Chulalongkorn Niramon Kulsrisombat. Rencontre.

 

Ce texte est tiré des archives de Gavroche / première publication en 2012

 

Comment expliquer les risques grandissants d’inondation ?

 

Niramon Kulsrisombat : Pour comprendre, il faut d’abord se pencher sur les spécificités topographiques des plaines du fleuve Chao Phraya. Un territoire extrêmement plat et situé seulement entre 1 et 2 mètres au dessus du niveau moyen de la mer, où l’eau des précipitations annuelles doit être stockée en bassin de rétention. Dans le passé, l’eau représentait une véritable bénédiction pour le peuple. Entre la saison sèche et celle des pluies, elle était accueillie comme un bienfait, à la fois rafraîchissant et apaisant. C’est d’ailleurs pourquoi un certain nombre de festivals se produisent dans le pays en novembre, lorsque le niveau d’eau atteint son apogée. En outre, pour les agriculteurs locaux, la crue annuelle représente un complément d’irrigation, drainant de l’engrais naturel en abondance, tout en nettoyant les terres agricoles. Les gens se sont donc adaptés aux inondations, en construisant habilement leur environnement de vie autour d’un réseau d’irrigation sur plusieurs niveaux, leur permettant de pouvoir recevoir de l’eau en quantité excessive sans problèmes majeurs. Au niveau des villes, les réseaux de klongs (canaux) ont été activement creusés par les organismes publics et privés pour des raisons de transport, de fortification, d’irrigation et de développement urbain. Alors qu’au niveau des campagnes, les agriculteurs ont transformé leurs terres en champs agricoles et en vergers, leur permettant de jongler justement avec les fluctuations de quantité d’eau tout au long de l’année : pendant la saison humide, les vergers font office de rétention d’eau, permettant ensuite d’inonder les rizières pour améliorer les cultures. D’où la construction de logements sur pilotis pour s’adapter à ce mode de fonctionnement. Mais, malheureusement, cette capacité à vivre sereinement avec l’eau a apparemment été perdue en route durant le processus d’urbanisation rapide qui a débuté dans les années 1960.

 

De quelle façon ?

 

L’explosion démographique a entraîné une forte expansion des zones bâties. Comme Bangkok s’est faite et développée toute seule, de nombreux klongs ont été enterrés pour faire place aux routes et aux immeubles. En conséquence, le système d’eau a été progressivement démantelé. La spéculation foncière a transformé les terres agricoles, qui auparavant remplissaient leur rôle de canalisateur d’eau, en banlieues et en zones industrielles.

 

Dans le cas de Bangkok, il y a eu une tentative de préservation des terres agricoles à l’est de la ville, comme « le canal de dérivation » pour permettre l’écoulement des eaux du nord et les drainer vers le golfe. Pour cela, trois districts situés en dehors des digues faisant barrage aux inondations ont été désignés comme zones agricoles par le Bangkok Comprehensive Plan en 2006 : Minburi, Nong Chok et Lat Krabang. Mais, parallèlement à cela, le FAR, organisme chargé de contrôler et de mesurer la densité des eaux des sols, s’est montré étrangement généreux en rapportant des taux allant de 1:01 à 2:01 dans plusieurs zones à risques, ce qui signifie qu’il est possible que tout ou presque puisse y être construit. Par conséquent, la part des terres jadis classées agricoles a considérablement été réduite, passant de 77% en 1986 à 22% en 2007, soit 70% de moins en 20 ans. Un nombre incalculable de routes, de maisons, d’usines ont été construites sur des terres que l’on sait depuis toujours régulièrement submergées.

 

Comment expliquer de telles incohérences ?

 

Le gros problème est le manque d’unité dans la planification régionale urbaine. L’aéroport international Suvarnabhumi en est la preuve flagrante. Alors que d’un côté Bangkok tente de conserver trois districts pour son canal de dérivation à l’est, le ruissellement des eaux a finalement été bloqué par la construction de l’aéroport international au sud, dans la province de Samut Prakarn. Cette année, nous avons pu constater clairement les dégâts d’une si maladroite gestion des flux. Le gouvernement s’est montré réticent à détourner le flot vers le côté est de Bangkok, là où les infrastructures et les équipements du canal de dérivation sont suffisamment performants pour gérer ce genre de situation, par unique crainte de voir l’aéroport et les zones industrielles environnantes submergés. Décision a donc été prise de détourner le flot vers le côté ouest ou Thonburi, là où les infrastructures de gestion des eaux sont vieilles et inadaptées, sacrifiant les habitants qui sont restés inondés plus d’un mois. C’est aussi bouleversant qu’incohérent…

 

Quelles solutions envisagez-vous ?

 

Afin d’atténuer les problèmes d’inondation, diverses tentatives d’amélioration ont été faites lors de la troisième révision du Bangkok Comprehensive Plan d’origine, ce qui représente un premier espoir de préservation et d’augmentation des zones de rétention d’eau. Au niveau urbain, les klongs existants et les aires de rétention vont désormais être juridiquement protégés. Par ailleurs, un organe appelé Transfert of développement Right (TDR) va être introduit pour mettre en oeuvre un système de contrôle strict de l’utilisation des terres et de la préservation des zones agricoles et rurales. Au niveau des bâtiments construits, un système de bonus concernant le coefficient d’occupation des sols (COS) devrait être créé pour encourager les promoteurs à intégrer des réservoirs d’eau au sein des sites où se situe leur projet. Mais toutes ces nouvelles mesures semblent encore bien trop insuffisantes pour régler les vrais problèmes. La gestion de l’eau est aussi et surtout une question de planification et de coordination régionale. Comme je le disais précédemment, le ruissellement annuel des eaux a augmenté en quantité et en vitesse à cause de la déforestation et de la réduction des zones de rétention d’eau à l’échelle régionale. Bueng Borraphet, la plus importante rétention d’eau située dans la province de Nakorn Sawan, a par exemple été diminuée de 80%, passant de 180 000 à 36 000 raï (1) Il est donc très important de concevoir une stratégie d’augmentation des bassins de rétention d’eau à l’échelle régionale, notamment dans la région Nord, pour parvenir à maitriser les flux hydrauliques en Thaïlande.

 

Propos recueillis par Olivia Corre

 

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