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THAÏLANDE – TRADITIONS : Le mystère des amulettes phalliques “Palad Khik”

Date de publication : 25/09/2024
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Paradoxalement, de part le vaste monde, la spiritualité, le matérialisme et les superstitions produisent un savoureux cocktail très populaire. Ainsi, mélangeant allègrement la vénérable philosophie et les croyances irrationnelles avec un pragmatisme forcené, le bouddhisme thaï s’accommode fort bien d’amulettes, de fétiches, de grigris et autres talismans qui ont une place importante dans la vie quotidienne.

 

La plupart de ces porte-bonheur ne manquent pas d’évoquer nos médailles miraculeuses et représentent le Bouddha en méditation (ou l’un des nombreux saints bouddhistes). Par contre, il en est de particulières qui peuvent prêter à confusion : ce sont les « palad khik », ou amulettes en forme de pénis en érection, sculptées de façon hyperréaliste et parfois surmontées de figurines animales, ou même par une femme nue, penchée en arrière, dans la posture dite du “pont” dans le jargon des yogis. Car on en revient souvent à l’influence sous-jacente de l’hindouisme (et donc du tantrisme), via la civilisation khmère. En tous cas, cela semble très proche du “lingam” (leung, en thaï classique), le phallus de Shiva vénéré dans les temples de l’Inde éternelle et qui incarne (sic) l’énergie divine et/ou symbolisant l’omniprésence du [pro] Créateur.

 

Le mot “palad” signifie substitut, assistant, et se retrouve souvent plutôt associé à un grade administratif, alors que “khik” veut précisément dire phallus sculpté. On attribue aux “palad khik” toutes sortes de pouvoirs, comme celui d’augmenter la virilité et la fertilité (au sens large), ou encore celui d’assurer la protection et le bien-être matériel. Ces talismans sont parfois discrètement portés à la taille par la gent masculine et on en voit fréquemment dans les tiroirs-caisses des marchandes soucieuses de faire fructifier leur commerce.

 

Pour la plupart, ces objets ont naturellement été bénis, sinon sculptés, par des moines tout à fait respectables, dont certains sont les prestigieux dépositaires d’une tradition scrupuleusement transmise de maître à disciple.

 

Pour garantir l’efficacité de ces « statuettes », on y fait graver par leurs soins des stances en khmer ancien, c’est-à-dire des formules sacrées (ou mantras) issues du sanskrit-pali et indéchiffrables par le commun des mortels, invoquant pouvoir et réussite dans le monde profane et séculier.

 

La valeur spirituelle, énergétique et tout simplement marchande d’une amulette dépend avant tout du prestige de celui qui l’a élaborée et de son lieu d’origine (en général un abbé de haut niveau dans un temple réputé), ensuite de la matière utilisée (bois, ivoire, os, corne, argent, bronze, cuivre, laiton, étain, résine…), puis la qualité artistique et esthétique de l’objet, ainsi que sa notoriété (en particulier chez les collectionneurs-dévots). D’ailleurs, pour parler de l’acquisition ou la cession de ces accessoires sacralisés, les vrais initiés n’utilisent pas, en thaï du moins, les verbes « acheter » et « vendre » mais plutôt « louer », par respect.

 

Et il ne faut pas voir d’incompatibilité, bien au contraire, avec l’habitude quotidienne et  quasi rituelle qu’ont les « mamassans », à l’ouverture des  go-go bars, de taper deux fois sur chaque table avec leur amulette phalloïde grandeur nature qui retrouve ensuite  sa place fétiche près de la caisse enregistreuse.

 

Pour mieux personnaliser son instrument, on peut aussi sélectionner le symbole animalier répondant plus spécifiquement à ses besoins : par exemple, celui qui recherche l’habileté choisira un phallus chevauché par une panthère, un tigre pour le courage, un singe pour l’intelligence, un lézard à double appendice caudal pour la fécondité, etc. On trouve également les douze animaux des signes de l’astrologie chinoise. Il y en a pour tous les goûts et le spectre est large !

 

Cet article de Raymond Vergé est tiré de nos archives du magazine Gavroche, n°135, publié en novembre 2005.

 

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