Éloge de la mangue en Occident, une chronique culinaire et sociétale de François Guilbert
Pour de nombreux Français, la mangue est encore aujourd’hui un produit exotique. Pourtant sur les étals des magasins de la grande distribution, on en trouve désormais quasiment toute l’année, la diversité des variétés aidant. Consommateurs et cuisiniers s’y familiarisent peu à peu.
Toutefois, seul un tiers des ménages en mange une fois par an.
Avec une absorption de 600 grammes par personne et par an, la mangue ne caracole pas en tête des fruits les plus consommés dans l’hexagone. En comparaison, chaque Français avale annuellement 16 kilogrammes de pommes, 12 de bananes ou encore 10 d’oranges. Néanmoins, ce fruit semble promis à un bel avenir selon ses promoteurs. Depuis le début de la décennie, le succès est au rendez-vous. L’anacardiacée connaît la plus grosse évolution en valeur d’achat au point de lui faire miroiter l’immense réussite de l’avocat ces dernières décennies.
Si quelques milliers de tonnes dans les rayonnages français proviennent de nos îles de la Réunion et des Antilles et de manière bien plus marginale de Corse, de Provence et des Pyrénées orientales, les plus gros volumes sont importés d’Afrique (Côte d’Ivoire, Sénégal…), des Amériques (Brésil, Colombie, Mexique, Pérou…) et d’Asie (Inde, Pakistan, Thaïlande, Vietnam…) mais aussi progressivement d’Europe (Espagne, Italie). Autrement dit, les mangues de nos repas proviennent des quatre coins du monde.
Vu qu’il existe plus de mille variétés différentes, le choix est vaste ; les usages culinaires aussi. Dès lors, comment s’y retrouver ?
Pour y aider : deux universitaires américaines de l’Ohio et de Pennsylvanie se sont employées à rédiger un court essai évoquant les spécificités du produit, la variété de ses terroirs, sa migration depuis son territoire originel du sous-continent indien – les Français jouant un rôle premier dans sa diffusion en Afrique et à la Caraïbes -, les évolutions de ce marché déjà très mondialisé, la géographie de ses festivals ou encore sa place dans la littérature (cf. Kama Sutra, le courant dot « sari mangue »), les arts visuels (ex. C. Faustin, F. Kahlo, P. Gauguin), l’histoire, la diplomatie (Chine, Inde, Pakistan) et les religions d’Orient (bouddhisme, hindouisme, jaïnisme). En soi, la mangue est tout un univers.
Elle est d’ailleurs au cœur des arts culinaires africains, caribéens, centraméricains et asiatiques. Elle s’invite avec délice dans des créations nouvelles d’alcools, de confitures, de jus de fruits composés et de pâtisserie. La mettre à la carte d’un restaurant crue ou cuite, en entrée, en plat ou en dessert attire l’œil et attise les commandes ont découvert les experts en markéting. Vu qu’il en existe pour tous les goûts, à vous de dire quelle est votre variété préférée (Alphonso, Kent, Kesar…) et à l’employer à dessein. En fin de manuscrit, les deux auteures ont partagé une dizaine de recettes d’origine coréenne, haïtienne, indienne, ouest africaine, perse et philippine. De mon côté, j’ai un faible pour l’odeur, le goût et la texture de la Sein Ta Lone, la mangue dite de diamant de l’Etat Shan et de la région de Mandalay mais bien qu’aussi cultivée en Floride les deux auteurs ont oublié ce délice.
Constance Kirker & Mary Newman : Mango. A Global History, Reaktion Books, Londres 2024, 184 p, 21,5 €
François Guilbert
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