Les archives du magazine Paris Match regorgent de récits passionnants sur l’histoire contemporaine du monde. Gavroche, dont nous utilisons souvent les archives pour nourrir notre fil d’articles, ne peut que se féliciter de cette initiative. Dernière perle de ce musée d’actualité sur la Thaïlande: le récit du scandale sexuel qui ébranla le bouddhisme thaï en 1995, lorsque l’un des bonzes les plus respectés du pays fut dénoncé comme un harceleur et un violeur…
Un homme révéré et insoupçonnable, usant de son aura pour soumettre à ses désirs des femmes intimidées, et ses dernières qui, découvrant la piteuse réalité, s’unissent pour faire tomber le puissant… Plus de 20 ans avant MeToo, la Thaïlande fut secouée par l’incroyable scandale de Phra Yantra. Winai Laongsuwan, de son vrai nom, était dans les années 1980 l’un des moines les plus respectés du pays, où le Bouddhisme est religion d’Etat. À la tête de nombreux monastères, suivi par des fidèles lui vouant un véritable culte en soi, il publiait poèmes contemplatifs et sages préceptes, prêchait à la radio et à la télévision, et même hors des frontières. Là d’où, en 1995, viendra sa chute…
Le courage d’une nonne
Avant cela, il aura fallu le courage d’une nonne, Kaewta Mongchid, qui, dans un courrier adressé au patriarche de l’église thaïlandaise, avait accusé Phra Yantra de l’avoir contrainte à des rapports sexuels. Puis les langues se sont déliées. On découvrira que lors de ses fameux voyages pour répandre la bonne parole à travers le monde, le bonze multipliait les relations, pourtant interdites aux moines : qu’il s’imposait à certaines femmes grâce à son prestige ; qu’il avait une fille cachée dont il avait demandé à la mère d’avorter ; et qu’il avait embobiné une riche fidèle pour s’offrir grands restaurants et maisons closes… Pas vraiment l’ascèse en somme.
Selon une pratique assez commune dans ce genre de cas, sa hiérarchie le protégea dans un premier temps, avant de se retourner contre lui. D’abord décidé à défier le Conseil suprême qui l’avait défroqué, Phra Yantra quitta finalement le pays, et obtint l’asile politique aux États-Unis en évoquant les menaces des plus hautes autorités après le scandale. Redevenu Winai Laongsuwan, il a regagné la Thaïlande en 2014, après la prescription de charges d’injures contre le clergé. Sans toutefois pouvoir reprendre la robe…
Remerciements à Bernard Festy
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