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ASEAN – GÉOPOLITIQUE : Après le sommet de Vientiane, quels espoirs pour l’organisation régionale ?

Date de publication : 28/10/2024
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Sommet ASEAN

 

Une chronique géopolitique d’Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal

 

A quoi sert l’Association des Nations de l’Asie du sud Est (ASEAN) ? Pour beaucoup d’observateurs, à rien. L’auteur de ces lignes a écouté ce 24 octobre un Webinaire du RSIS, un think tank singapourien, qui ne dit pas le contraire. Les universitaires participants s’exprimaient sur le thème « Advancing the ASEAN-Japan comprehensive strategic partnership in the face of geopolitical challenges », rien que ça. Leurs conclusions étaient simples : l’ASEAN – en fait les États d’Asie du Sud-est (ASE) – attendaient surtout de l’aide au développement et de l’investissement. Du Japon, mais aussi de la Chine et des Etats-Unis. Une « déclaration commune de coopération sur l’Indo-pacifique » » avait bien été conclue entre l’archipel et l’ASEAN en 2020 mais on ne croyait guère que cela permettrait de mettre fin aux empiètements de la Chine en mer de Chine du Sud – cela n’a pas dû plaire à Xi Jinping mais il a souhaité que tous aillent au fond du problème.

 

Les intervenants au webinaire suggéraient une coopération sur l’énergie nucléaire ou la sécurité des détroits mais la Constitution japonaise interdit toute avancée dans ce domaine. Le seul des interlocuteurs à proposer des progrès concrets exerçait dans les technologies de l’information et faisait observer qu’elles progressaient rapidement en ASE dont 71,5% de la population est désormais reliée à Internet, 130 % au téléphone mobile et 61% des jeunes (nés au plus tard en 2000) étaient en contact au-delà de leur seul pays. C’était le gage le plus sûr que l’ASEAN resterait au centre de l’Asie (et du monde), obsession de ses dirigeants.

 

Exemple le plus courant  de l’impuissance de l’ASEAN à résoudre une crise politique, la Birmanie. Le « Courrier international » le signale avec aigreur : « les dix membres ne semblent pas parvenir à se mettre d’accord sur la posture à adopter face à la junte birmane, et restent impuissants face à un conflit qui s’envenime, regrette la presse régionale. »

 

La junte birmane a au moins compris qu’elle n’était pas bienvenue au sommet de l’ASEAN. Celui qui vient de se dérouler à Vientiane le 10 octobre l’a été sans chef d’Etat ou de gouvernement : la Birmanie n’a envoyé qu’un haut fonctionnaire. Aung Kyaw Moe est le secrétaire permanent du ministère des Affaires étrangères birman − qui est contrôlé par la junte militaire − et cette semaine tous les projecteurs sont braqués sur lui.

 

« Il est le premier représentant de son pays à y participer depuis trois ans, soit depuis le début de la guerre en Birmanie, en 2021» écrit le « Courrier international ».

 

Le début de la guerre ? Il est vrai que la Birmanie a été brièvement gouvernée par Aung Sang Suu Kyi qui avant cela (1990) était la porte drapeau du mouvement non-violent pour les droits civiques, sauvagement réprimé par la junte militaire.

 

Cela fait 3 ans que cette représentation réduite de la Birmanie se répète, signe de l’exaspération de certains autour de la table : pourquoi tuer quand il serait bien plus simple, comme le disait un ministre laotien, de pousser au départ ceux à qui le régime ne convient pas ? D’ailleurs, certains reviennent après avoir fui en traversant le fleuve Mékong car l’amour du pays l’emporte sur les affrontements idéologiques.

 


Ceci dit, beaucoup de choses se passent discrètement, « en marge » de la conférence formelle.

 

Un sommet de l’ASEAN, cela permet aussi d’éviter des conflits trop graves, ainsi a-t-on pu voir le Cambodge et la Thaïlande éviter qu’un conflit territorial ne dégénère ; cela permet aussi de parler des affaires en cours comme l’expansion du  train Kunming-Vientiane ; cela permet aussi de mettre en danger la santé de l’environnement : on apprend ainsi que le Laos fournit du charbon au Vietnam, qui affiche pourtant une croissance « décarbonée » à terme mais est en train d’achever les procédures pour recevoir l’autorisation d’investir pour au moins 30 ans dans le transport du minerai.

 

Une étape importante dans leurs relations économiques : c’est bien ce que souhaite la Chine, faire des affaires en laissant de côté les questions politiques : BYD, entreprise chinoise de voitures électriques déjà numéro 1 en ASE entend bien augmenter sa part de marché sur les voitures de luxe (230 000$ pour une D9).

 


La capacité d’attraction de ce bloc va bien au-delà de l’Asie : «L’ASEAN est le bloc avec lequel l’Algérie cherche à construire des relations fortes, dans le cadre de la nouvelle orientation que le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a donné à la politique étrangère du pays », a expliqué le chef de la diplomatie algérienne, tout en précisant que « des négociations bilatérales sont en cours concernant 13 textes juridiques couvrant divers domaines, tels que la coopération dans les secteurs de l’Agriculture, de la pêche, des infrastructures, de la santé vétérinaire, de la jeunesse et des sports et de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ».

 

Mais le sommet de l’ASEAN n’est pas le seul : à peine fini, celui des  BRICS lui succède et parfois avec les mêmes participants. Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud : le « Sud global » y régne, d’autant que le format s’élargit et que Poutine, qui l’accueille cette année, a invité jusqu’au Président d’un PMA – le Laos ainsi que quelques autres pays de l’ASE. Certes, pas à la table des grands, BRICS+, mais en tout cas à Kazan, Russie, qui accueillait le sommet du 22 au 24 octobre. Ce qui permet au Président laotien de rencontrer plusieurs de ses homologues comme le Président de la République d’Azerbaïdjan.

 

Pour Poutine, le bénéfice est bien plus évident : il a rencontré la moitié du monde et montré qu’il n’était pas isolé, quelles que soient les sanctions occidentales. Même M. Guterres, secrétaire général de l’ONU, a  accepté de le rencontrer. Il lui a semble-t-il fait la leçon mais la guerre en Ukraine n’a pas cessé un instant. L’Éthiopie, l’Iran, l’Égypte et les Émirats arabes unis agrandissent le cercle cette année, les dirigeants de  la Chine et l’Inde se sont rencontrés pour la première fois depuis qu’ils se sont combattus il y a 5 ans et se sont engagés à délimiter leur frontière – ce dont l’ONU avait été incapable.

 

Ne nous y trompons pas : au centre de la photo de famille prise à la fin du sommet, Poutine côtoie Xi Jinping, les autres se répartissant tout autour. Selon le Président russe, plus de 30 pays attendent à la porte du club. Quel que soit le nombre de participants et quelle que soit l’efficacité du groupe, les BRICS ont une grande capacité de séduction : l’aversion pour l’Occident, et d’abord pour les Etats-Unis. Tous, notamment l’Inde et le Brésil, ne partagent pas  cette hostilité mais l’essentiel est que le communiqué final atteste du désir de paix de tous les signataires.

 

On ne conclut pas sur ces sommets souvent réputés inutiles. N’empêche  qu’ils manifestent le souhait du « Sud Global » de prendre plus de part à la gouvernance mondiale. C’est un objectif déjà ancien – on l’évoquait déjà dans les années 90 – mais qui parait de plus en plus affirmé. Et c’est un motif d’inquiétude.

 

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1 COMMENTAIRE

  1. C’est la lecture de la page 25 de l’édition du “Monde” daté du 28 octobre 2024 ainsi qu’une enquête vidéo de 8:30 qui m’inspirent les lignes qui suivent afin d’éclairer l’efficacité d’institutions dont l’ambition semble illustrer la fameuse formule d’Edgar Faure : “litanie, liturgie, léthargie”. Une léthargie que des acteurs actifs et inventifs utilisent à leurs fins mafieuses comme l’article en fait la description hallucinée. Il ne s’agit pas moins que d’une énième réédition du marché des esclaves orchestré par des mafias chinoises dans une vaste zone de 3 pays de l’ASEAN, la Birmanie, le Laos et le Cambodge sous la bienveillante bénévolence si ce n’est la complicité plus ou moins passive des États en questions et au delà. L’article nous décrit comment ce nouvel esclavage recrute en Afrique, hommes et femmes surtout, des diplômés de préférence mais en quête de revenus améliorés, aux fins de constituer de vastes plates-formes arnaqueuses d’extorsion de fonds auprès d’occidentaux, des hommes, qu’on aura piégé par des offres habilement constituées. Les dispositifs méthodiquement mis en place aboutissent à ponctionner les comptes bancaires des victimes. Selon l’article l’activité aurait rapporté 75 milliards de dollars depuis 2020 (qui se base sur une étude de l’université du Texas publiée en mars 2024 et intitulée “comment les cryptomonnaie financent-elles l’esclavage ?”). L’article fait une longue et apocalyptique description de l’économie du “dépeçage du porc”,”pig butcheing”). Cette économie repose sur l’enfermement dans des “camps” de travail, dans des zones plus ou moins contrôlées par les États comme en Birmanie surtout, ou avec non leur complicité aveugle, d’une population évaluée à 305 000 personnes sur ces espaces de confins autrefois connus sous le nom de “triangle d’or”. Espace que les victimes décrivent comme un “enfer sur terre” : passeports retirés, 18 heures de travail par jour derrière des écrans et avec plusieurs portables, menaces et sévices physiques, etc. Une activité toute orientée vers la cybercriminalité et l’extorsion d’argent. La lecture de l’article qui “fait froid dans le dos” ne semble pas avoir préoccupé le dernier sommet de Vientiane. La situation birmane rappelée par l’auteur de l’article n’est pas indifférente la situation décrite tant la vaste zone concernée est en proie à une désorganisation sociale générée par la guerre civile et dont beaucoup d’acteurs tirent profit et pas seulement les mafias. L’article indique que les autorités de Bangkok, assistant au défilé des femmes africaines à l’aéroport connaissent parfaitement leur destination mais aucun dispositif préventif ne semble avoir été mis en place. Le dernier sommet des BRIC’S ne recula pas devant l’hypocrisie et le “deux poids deux mesures” dont l’occident serait le parangon. On y vit la Russie et la Chine venir au secours de l’Afrique pour l’aider concrètement après des siècles d’infâme colonisation occidentale et de traite négrière. Le “Sud Global” libérateur ou chacun est libre de n’être jugé par personne et, tout particulièrement, au nom des droits de l’homme, invention néo-colonisatrice diabolique, à condition qu’il ne juge pas son voisin qui extermine les Ouïghours, les Rohingyas, réduit les femmes en esclavage (Afghanistan, Iran mais aussi, comme l’article le montre, Africaines, envahit l’Ukraine, fait 500 000 victimes en Syrie, sans parler de celles du Yémen, déplacent des millions de personnes , entre autres, au Soudan, au Congo, au Mali…
    S’il fallait paraphraser Churchill, ne faudrait-il pas dire : l’ Occident est la pire des civilisations à l’exception de toutes les autres”…

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