Tiziano Terzani, légende du grand reportage du 20ème siècle, demeure peu connu en France. Né à Florence en 1938, il fut le correspondant en Asie de “Spiegel” et de “Corriere della Sera” et un témoin direct des grands événements de son temps : la guerre au Vietnam et la chute de Saïgon en 1975 et de Phnom Penh la même année, celle de l’ouverture de la Chine après la mort de Mao, la chute de l’Empire soviétique…
Il vécut longtemps en Asie, demeurant plusieurs années dans chaque pays : Hong Kong, le Cambodge, le Vietnam, la Chine, le Japon, la Thaïlande, et enfin l’Inde où, de grand reporter, il devint une sorte d’écrivain voyageur, rédigeant des articles de plus en plus longs.
Profondément influencé par la spiritualité indienne, un séjour solitaire dans l’Himalaya lui permit de vivre, dans la paix, le cancer dont il était atteint en acceptant l’idée de sa mort prochaine. Abandonnant définitivement son métier de journaliste à la fin des années 90, il se retira dans une maison isolée dans les montagnes en Italie, pour méditer, et apprivoiser sa mort, ne recevant plus que sa femme Angela et leurs deux enfants : Folco et Saskia. C’est avec son fils Folco qu’il a tenu à partager ses derniers moments et engager un dialogue complice sur sa vie en lui laissant le soin de mettre en forme et de publier leurs entretiens après sa mort.
C’est peu dire que nous sommes en présence d’un livre rare, dont je ne saurais extraire un passage particulier. Pour nous qui résidons en Asie, sa lecture est indispensable, tant Terzani, via ces échanges denses avec son fils, nous transmet son vécu unique sur les pays qu’il a connus, nous apportant un éclairage inédit sur maints événements historiques dont il fut un témoin privilégié, et nous faisant partager sa relation particulière avec chaque pays et son amour de l’Asie.
Mais ce témoignage, ce livre de sagesse, déborde de ce seul intérêt, et le célèbre psychiatre français Christophe André, dans la remarquable préface de cette édition de poche qu’il faudrait aussi citer intégralement, évoque son sentiment de lecteur de Terzani : « J’ai retrouvé dans ce livre le même sentiment de sérénité que j’éprouve en marchant et en méditant dans les cimetières ; un sentiment de plénitude et de paix ; le sentiment que tout est à sa place, que tout est bien ainsi. Que la vie peut s’accommoder de l’idée de la mort. Que notre esprit peut l’accueillir, cette idée, et devenir ainsi plus qu’un esprit : une âme. »
Le grand voyage de la vie : un père raconte à son fils, de Tiziano Terzani.
Préface inédite de Christophe André.
Paris : Points, 2010.
Par OLIVIER JEANDEL, Librairie Carnets d’Asie, Alliance française de Bangkok (Tél. : 02 670 42 80).
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