Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
Le régime birman a annoncé cette semaine le lancement d’un site web et d’une application mobile destinés à détailler “la fraude électorale et les irrégularités” lors des élections générales de 2020. Toutefois, ces plateformes en ligne n’ont pas été lancées comme prévu. Selon les médias du régime, le site web offrira des informations aux personnes à l’intérieur et à l’extérieur du pays sur la manière dont le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie aurait manipulé les résultats de cette élection. Le site et l’application seront disponibles en birman, anglais, chinois, russe et japonais.
Min Aung Hlaing a déclaré qu’il avait promis lors de sa récente visite en Chine d’organiser des élections libres et équitables. S’adressant à son gouvernement lors de sa première réunion après son retour de Chine, le leader a précisé qu’il avait informé les dirigeants chinois et ceux des autres pays de l’ASEAN de son engagement à organiser ces élections et à inviter des observateurs internationaux. Min Aung Hlaing a participé au 8e sommet de la sous-région du Grand Mékong, qui s’est tenu du 5 au 10 novembre à Kunming, dans la province du Yunnan. Il s’agissait de sa première visite en Chine depuis le coup d’État de 2021. Les premiers ministres du Cambodge, de la Chine, du Laos, de la Thaïlande et du Vietnam étaient également présents.
La semaine dernière, Min Aung Hlaing a accueilli Alexey Sambuevich Tsydenov, gouverneur de la Bouriatie, une république de l’Extrême-Orient russe, à l’occasion d’une visite en Birmanie. Tsydenov, nommé par le président Vladimir Poutine en 2017, a été sanctionné par les États-Unis en février 2023, en même temps que plus de 40 autres gouverneurs russes, pour avoir organisé la conscription forcée de citoyens russes pour combattre en Ukraine. Cette visite se déroule alors que Min Aung Hlaing, qui a réactivé en février dernier une loi sur la conscription pour les hommes âgés de 18 à 35 ans, se prépare à entreprendre une quatrième visite en Russie, selon certains rapports.
L’UNICEF a demandé une protection renforcée pour les enfants birmans en pleine crise humanitaire. Ted Chaiban, directeur exécutif adjoint de l’UNICEF, a rapporté que cette année, au moins 650 enfants ont été tués ou blessés dans des violences. Il a déploré l’usage croissant d’armes létales dans les zones civiles, notamment les frappes aériennes et les mines terrestres, qui limitent les espaces sûrs pour les enfants, les privant de leur droit à la sécurité. Chaiban, lors d’une visite dans l’État de Kachin, a évoqué le bombardement d’une église le 15 novembre, où sept enfants et deux civils ont perdu la vie. Il a appelé la communauté internationale à augmenter son soutien pour protéger les enfants, soulignant que “le coût de l’inaction est trop élevé – les enfants birmans ne peuvent pas attendre”.
Singapour a exprimé sa profonde préoccupation concernant le comportement du régime birman au sein de l’ASEAN. Lors du dernier sommet des ministres de la Défense de l’ASEAN, le ministre singapourien de la Défense a accusé le régime d’instrumentaliser l’organisation à des fins politiques, notamment pour entraver les efforts de résolution de la crise en Birmanie. Le non-respect par le régime du plan de paix en cinq points de l’ASEAN a fragilisé l’unité du bloc régional et compromis la crédibilité de l’organisation. Le ministre a appelé le régime à cesser d’utiliser l’ASEAN comme un outil de répression et à collaborer pleinement à la mise en œuvre du plan de paix. Il a souligné que ce comportement était inacceptable et risquait d’isoler davantage la Birmanie sur la scène internationale.
Économie
Depuis le coup d’État de février 2021, de nombreux jeunes travailleurs birmans cherchent à quitter leur pays. Le manque d’opportunités d’emploi, avec un taux de chômage élevé (plus de 8 % à la fin de 2023 selon la Banque mondiale), ainsi que la pression croissante des autorités, notamment en raison de la conscription obligatoire instaurée en avril 2024, alimentent cette migration. Selon les autorités birmanes de facto, des travailleurs du secteur textile sont recrutés directement via TikTok par des entreprises basées au Laos, exposant ainsi ces travailleurs à des risques. Dans ce contexte, les ministères du Travail du Laos et de la Birmanie ont signé un protocole d’entente le 21 octobre, visant à établir des principes de coopération pour encadrer les migrations professionnelles. Pour le régime birman, l’un des principaux enjeux de cette collaboration est de contrôler les flux migratoires afin de garantir que les travailleurs birmans à l’étranger rapatrient au minimum 25 % de leur salaire.
Dans la zone de Pang War-Chipwi (Etat Kachin, Nord-Ouest), la KIA préparerait avec les autorités locales et des hommes d’affaires la reprise de l’extraction de terres rares, interrompue après la prise de Pang War par la KIA le 18 octobre et le départ des entreprises exploitantes chinoises. Les mines de terres rares de Pang War exportaient précédemment 75 % de leur production vers la Chine. Selon l’ONG Global Witness (mai 2024), il existerait dans la région plus de 300 sites miniers, en augmentation de 40 % depuis 2021. La Birmanie serait le troisième plus grand producteur de terres rares après la Chine et les États-Unis.
La guerre civile en Birmanie a des répercussions de plus en plus graves sur la région. Alors que la Chine, initialement réservée, se rapproche du régime militaire birman, d’autres pays comme l’Inde et le Bangladesh cherchent à diversifier leurs partenaires afin de mieux gérer cette crise. La fermeture des frontières, notamment par la Chine pour contrôler les flux de ressources naturelles, comme les terres rares, complique davantage la situation. Les États voisins se retrouvent ainsi face à un dilemme : comment concilier leurs intérêts économiques avec l’impératif de stabiliser une région marquée par une instabilité profonde et une crise humanitaire grandissante ?
Le régime birman, confronté à une crise financière exacerbée par la révolte armée et les sanctions internationales, intensifie l’exploitation de ses ressources naturelles pour renflouer ses caisses. Le salon annuel des pierres précieuses, où sont échangés des lots de jade, de perles et d’autres pierres précieuses, est devenu un levier clé pour générer des devises étrangères. Malgré le boycott de nombreux acteurs économiques et les difficultés d’accès au marché chinois, principal acheteur de jade, le régime continue d’organiser ces ventes en acceptant diverses devises pour attirer les acheteurs. Le gouvernement d’unité nationale birman a appelé au boycott de ces événements, soulignant la dépendance du régime envers les ressources naturelles du pays. Les acheteurs internationaux, en participant à ces ventes, contribuent indirectement à soutenir le régime.
Société, répression, conflit
La crise humanitaire dans l’État de Rakhine, en Birmanie, connaît une aggravation alarmante. La guerre civile, les blocus imposés par le régime militaire et les catastrophes naturelles ont plongé deux millions de personnes dans une précarité extrême. Les pénuries alimentaires, la hausse des prix et l’absence d’aide humanitaire généralisée menacent de provoquer une famine. Les populations déplacées, en particulier les Rohingyas, fuient vers des pays voisins dans des conditions désastreuses, mettant leurs vies en grave danger. Malgré les appels répétés de la communauté internationale, la situation demeure figée, avec peu de perspectives d’amélioration à court terme.
Un rapport alarmant de l’Observatoire des mines indique que la Birmanie est devenue l’épicentre mondial d’une crise humanitaire liée aux mines antipersonnel et aux restes explosifs de guerre. En 2023, plus de mille civils birmans ont été tués ou blessés par ces engins, principalement posés par l’armée et les groupes armés. Cette utilisation indiscriminée met en péril non seulement la vie des habitants, mais aussi leurs moyens de subsistance, en les empêchant d’accéder à des ressources vitales telles que l’eau et les terres cultivables.
Le régime a une nouvelle fois placé les dépenses militaires en priorité dans son budget pour l’exercice 2024-2025, indiquant que les campagnes aériennes se poursuivront. Soe Win, numéro 2 du régime, a déclaré avoir reçu une directive de Min Aung Hlaing stipulant que la défense et la sécurité doivent passer avant l’approvisionnement en électricité. Lors d’une réunion mercredi sur le budget supplémentaire 2024-2025, Soe Win a précisé que cette priorité s’étendait également à l’agriculture, l’industrie manufacturière, l’éducation, la santé et l’approvisionnement en huile de cuisine. Depuis le coup d’État de 2021, les dépenses de défense ont considérablement augmenté, passant de 1 746 milliards de kyats en 2021 à 3 703 milliards en 2022, pour atteindre 5 635 milliards de kyats (plus de 2,68 milliards de dollars) l’année dernière.
Le régime militaire birman a imposé un embargo sur le carburant dans les régions contrôlées par les groupes armés ethniques dans le but de les affaiblir. Cette mesure touche particulièrement les États du Shan Nord, du Kachin et du Rakhine, ainsi que de vastes zones de la région de Sagaing. Elle a entraîné une hausse significative des prix du carburant, impactant lourdement les groupes armés ethniques, dont les déplacements et opérations sont désormais limités. Par ailleurs, la Chine, auparavant un fournisseur majeur de carburant pour la Birmanie, a suspendu ses livraisons vers les zones sous contrôle des groupes armés, aggravant ainsi l’isolement de ces régions.
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