Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
Le procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a demandé le 27 novembre un mandat d’arrêt contre le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, pour crimes contre l’humanité présumés contre les Rohingyas. Il s’agit de la première demande visant une figure de haut rang birmane liée aux abus ayant entraîné l’exode de 750 000 Rohingyas vers le Bangladesh en 2016-2017. Les juges de La Haye doivent désormais décider de l’émission de ce mandat, qui obligerait les 124 États membres de la CPI à arrêter Min Aung Hlaing s’il entrait sur leur territoire.
La Thaïlande renforce ses relations avec le régime birman, en particulier sur les questions de sécurité frontalière. Lors d’un récent sommet, les discussions ont mis en lumière les tensions croissantes entre Bangkok et l’Armée de l’État du Wa (UWSA), l’une des plus puissantes factions ethniques armées de Birmanie. La Thaïlande a demandé au régime militaire de retirer les bases de l’UWSA installées sur son territoire. Cependant, la junte birmane, soucieuse de ne pas provoquer cette force influente, reste réticente à agir. Cette situation complexe place le régime birman dans une position délicate, où il doit concilier les exigences thaïlandaises tout en évitant d’aggraver ses relations avec l’UWSA, qui conserve une posture neutre dans le conflit en cours.
Le régime militaire birman manifeste une dépendance croissante envers la Chine, comme en témoigne la récente création d’une société de sécurité privée sino-birmane chargée de protéger les projets chinois en Birmanie. À cela s’ajoutent des gestes symboliques, tels que l’instauration du Nouvel An chinois comme jour férié officiel. Ces initiatives illustrent une relation de dépendance sans précédent, la Chine offrant en retour un soutien politique et diplomatique majeur au régime.
La Chine a contesté la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour poursuivre Min Aung Hlaing, visé par un mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité. Alliée clé du régime birman depuis son coup d’État en 2021, Pékin fournit des armes et protège la junte grâce à son veto à l’ONU. La Birmanie revêt une importance stratégique pour la Chine, offrant un accès à l’océan Indien via l’initiative “Belt and Road” et des terres rares pour ses industries. Pékin exerce également des pressions sur les groupes armés ethniques frontaliers pour qu’ils cessent leur lutte contre la junte.
Économie
Les données publiées par le ministère de l’Industrie révèlent qu’à la fin d’octobre 2024, 48 053 entreprises privées étaient officiellement enregistrées en Birmanie, soit une hausse de 477 par rapport à mars 2024, date marquant la clôture de l’exercice fiscal 2023-2024. Près de la moitié de ces entreprises opèrent dans le secteur alimentaire, témoignant de l’importance de cette industrie dans le paysage économique national. La région de RangoUn, principal centre d’affaires du pays, concentre 8 114 entreprises enregistrées, suivie par la région de Mandalay avec 6 810 entreprises, et la région d’Ayeyawady avec 5 713.
Les exportations de gaz de la Birmanie vers la Thaïlande ont diminué de 9 % sur les neuf premiers mois de 2024, passant à 510 millions de pieds cubes par jour, contre 559 un an plus tôt. Cette baisse touche les gisements de Yadana (-13 %), Zawtika (-4 %) et Yetagun (-10 %), ce dernier étant proche de l’épuisement après plus de 20 ans d’exploitation. La production nationale de gaz, qui alimente principalement la Thaïlande et la Chine (80 % des exportations), devrait continuer de reculer, réduisant les revenus en devises du pays. PTTEP, opérateur des champs Yadana et Zawtika, en détient la majorité des parts, renforcée par le retrait de Chevron en avril 2024. MOGE, sous contrôle de la junte et sous sanctions occidentales, détient le reste.
Société/Répression/Conflit
L’Armée Arakan (AA) a annoncé le 28 novembre avoir pris le contrôle de la ville de Taungup, dans le sud de l’État de Rakhine, le 24 novembre après 17 jours de bataille. L’AA a lancé l’offensive le 4 novembre et a saisi une dizaine de bases du régime dans et autour de la ville jusqu’au 20 novembre. Des affrontements ont également été signalés à l’extérieur de la ville de Gwa, dans l’extrême sud de Rakhine, alors que les troupes de l’AA approchaient. Des médias locaux ont rapporté que les troupes de l’AA avaient vaincu les renforts du régime envoyés de la région voisine d’Ayeyarwady, tuant près de 60 soldats.
L’Organisation pour l’indépendance du Kachin/Armée pour l’indépendance du Kachin (KIO/KIA) a annoncé l’abolition de la Région spéciale n°1 de l’État du Kachin, établie par l’ancien régime militaire en 1994. Le groupe a exhorté les citoyens et les investisseurs à ne pas s’alarmer de cette décision et les a invités à coopérer pour le développement global de l’État du Kachin. La dissolution est intervenue après la capture de toute la région par la KIA, qui était auparavant contrôlée par le seigneur de guerre Zahkung Ting Ying.
L’exploitation illégale de l’or en Birmanie, particulièrement dans la région de Mong Hsat sous contrôle de l’Armée de l’État du Wa Shan, provoque de graves dégâts environnementaux. Les rejets massifs de déchets toxiques dans le fleuve Sai, qui traverse la Birmanie avant de rejoindre la Thaïlande, polluent l’eau, détruisent les sols et aggravent les risques de glissements de terrain et d’inondations. Ces activités contaminent les rivières avec des métaux lourds, rendent les terres agricoles inutilisables et menacent la santé des populations locales. Face à ces conséquences, les autorités birmanes et thaïlandaises sont appelées à agir rapidement pour stopper cette exploitation et restaurer les zones affectées. Cette crise illustre les défis de la gestion des ressources naturelles dans un contexte de conflits et d’instabilité.
Le régime militaire birman explore de nouveaux débouchés pour sa population. À cette fin, des agences de placement affiliées au gouvernement prévoient d’envoyer des travailleurs migrants en Russie, où ils seraient employés dans des usines, des ateliers, ainsi que dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage. Cette initiative répond à la forte demande de main-d’œuvre en Russie, exacerbée par l’invasion de l’Ukraine. Malgré les sanctions économiques imposées par les pays occidentaux, notamment les États-Unis, la Russie connaît une pénurie croissante de travailleurs qualifiés, en partie due à la mobilisation de nombreux citoyens pour participer aux combats en Ukraine.
L’Armée de libération nationale de Ta’ang (TNLA), l’un des principaux groupes armés opposés à l’armée birmane, a exprimé sa volonté d’entamer des négociations de paix. Cette déclaration survient dans un contexte de violents affrontements dans le nord de l’État Shan, liés à l’opération “1027” menée par l’Alliance des trois fraternités, dont la TNLA est membre. Malgré l’intensité des combats, la TNLA a réaffirmé son engagement en faveur du dialogue pour mettre fin aux hostilités, tout en dénonçant les attaques aériennes de l’armée birmane qui ont causé d’importantes souffrances parmi les civils. L’organisation s’est dite prête à accepter une médiation chinoise, tout en soulignant son droit à l’autodéfense en cas d’agression. Les autres membres de l’alliance ont également manifesté leur disposition à rechercher une solution pacifique au conflit.
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