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THAÏLANDE – DÉMOCRATIE : Quelles leçons tirer de l’épisode de la loi martiale coréenne ?

Date de publication : 11/12/2024
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armée Thaïlandaise rue Bangkok

 

Une analyse de Philippe Bergues

 

La Corée du Sud a montré une vraie maturité démocratique après s’être opposée à la loi martiale prononcée unilatéralement par son président Yoon Sok Yeol, mardi 3 décembre dernier. En vigueur durant six heures, ce qui en fait une des plus brèves situations de loi martiale dans l’histoire récente, le peuple sud-coréen et les députés, sidérés par cette subite décision présidentielle, ont réussi à inverser la tendance.

 

En montrant une énergie et une détermination sans faille pour aller à l’encontre de la loi militaro-liberticide. Cette situation a forcément interpellé les éditorialistes et le personnel politique thaïlandais, pays reconnu comme le champion du monde des coups d’État depuis la fin de la monarchie absolue en 1932 (12 réussis). En plein contexte d’un débat qui sera peut-être porté à la Chambre basse sur la nécessité ou non de voter une loi anti coup d’État. Afin de stopper (?) la spirale contre-démocratique que s’octroie l’armée royale thaïlandaise depuis près d’un siècle, avec dans la plupart des cas, l’absolution des monarques Chakri qui se sont succédé.

 

La presse thaïlandaise félicite l’état de droit sud-coréen et estime que la Thaïlande devrait s’en inspirer

 

Dans une tribune remarquée sur le site en ligne Khaosod, le journaliste anti-militaire Pravit Rojanaphruk, arrêté durant plusieurs jours en 2014 pour ajustement d’attitude suite au coup d’État dirigé par le général Prayut Chan-o-cha, écrit que « les Thaïlandais peuvent apprendre des Sud-Coréens comment protéger leur liberté politique et leurs droits ». Réaliste et observateur sur son propre pays, Pravit poursuit : « les Thaïlandais ont été impressionnés par la rapidité des mesures prises par les députés de l’opposition et par la retenue dont ont fait preuve les militaires et la police malgré l’imposition de la loi martiale.

 

À cet égard, les Thaïlandais ont encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir en toute confiance reléguer la dictature, militaire ou autre, aux oubliettes de l’histoire ». On ne saurait le contredire au regard des faits passés, le personnel politique thaïlandais s’étant en majorité incliné devant les généraux tout puissants ou anticipé par des manifestations des Chemises jaunes, la faisabilité d’un coup d’État comme il y a 10 ans quand Suthep Thaugsuban, le baron du Sud, avait chassé Yingluck Shinawatra du pouvoir en faisant appel à l’armée et au triumvirat des généraux 3P (Prayut/Prawit/Paoninda). Il faut aussi souligner qu’en Thaïlande, des hommes politiques participent bien volontiers à des gouvernements militaires et s’alignent sur leurs positions, il suffit de se rappeler des choix de leaders du Parti démocrate ou du Bumjaithai ces 15 dernières années (Anutin Charnvirakul, Wissanu Krea-ngam…).

 

L’administration et les corps intermédiaires se sont également inclinés devant les ordres des hommes en kaki, qu’il s’agisse de la justice, de la police et des injonctions éducatives officielles. Les organes de presse écrite ou audiovisuelle ont, hormis quelques sites en ligne militants, adopté une position attentiste ou complaisante envers les diktats de la junte. La Thaïlande devait être remise au pas par les « bonnes personnes », une fatalité plutôt acceptée. Comme le constate Pravit Rojanaphruk en conclusion de son analyse, « c’est dans ce contexte que les Thaïlandais peuvent et doivent apprendre des Sud-Coréens comment protéger leurs droits politiques fondamentaux et leur liberté pour qu’ils ne soient pas trop facilement supprimés. Au final, nous obtenons ce que nous sommes prêts à payer, ou à sacrifier, pour défendre nos droits politiques et notre liberté. Nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes pour ce cercle vicieux de dictature qui semble sans fin ».

 

Le Bangkok Post, quotidien anglophone libéral, trouve que « la Corée du Sud donne le bon exemple ». Affirmant que «le peuple sud-coréen et les députés de l’opposition méritent d’être félicités pour leur victoire durement gagnée ». Tout en constatant que les mécanismes de l’état de droit ont fonctionné à Séoul : « l’incident dans son ensemble témoigne du fait que la Corée du Sud dispose d’un mécanisme de contrôle et d’équilibre solide, avec un système politique qui empêche efficacement les abus de pouvoir de ses dirigeants, car il existe un mécanisme permettant aux parlementaires d’opposer leur veto à la loi martiale du président. Il convient de souligner le professionnalisme de l’armée sud-coréenne, qui s’est abstenue de toute violence et a évité de recourir à la force face à la foule en colère».

 

Et se projetant sur une comparaison avec la Thaïlande, le Bangkok Post souligne que « l’incident coréen jette une nouvelle lumière sur la nécessité pour la Thaïlande de se doter d’un mécanisme pour contrer les pouvoirs extraordinaires, c’est-à-dire la loi martiale ou le coup d’État ». Et montrer pédagogiquement les effets négatifs et contre-productifs des régimes militaires : « rien ne prouve que les coups d’État n’aient pas conduit à la stagnation du pays. Les putschistes ne sont pas aptes à diriger des gouvernements démocratiques. La plupart d’entre eux finissent par renforcer les systèmes de clientélisme, voire de népotisme. Ils finissent par ne pas être différents des politiciens qu’ils ont recrutés à la sueur de leur front » estime la gazette anglophone.

 

Des politiciens progressistes veulent une loi anti-coup d’État

 

L’un des premiers députés thaïlandais à avoir appelé à une législation anti-coup d’État en Thaïlande est Parit Wacharasindhu. Appartenant au Parti du Peuple (malgré le fait qu’il soit le neveu de l’ancien premier ministre Abhisit Vejjajiva dont le gouvernement avait militairement réprimé les Chemises rouges), Parit a félicité les députés et les citoyens sud-coréens pour leur résistance à l’ordre du président Yoon. Parit Wacharasindhu a explicitement appelé à faire bouger les lignes en Thaïlande, avec des mesures de protection nécessaires pour la population et les représentants publics qui se mobilisent pour résister à de futurs coups d’État.

 

Pour garantir dans le royaume un résultat similaire à celui obtenu la semaine dernière à Séoul. Rangsiman Rome, son collègue député du même parti, approuve ce dénouement sud-coréen et espère que la Thaïlande « aura finalement une constitution qui renforce efficacement la démocratie et empêche un futur coup d’État », ajoutant « qu’il est temps que l’armée thaïlandaise soit tenue responsable devant un gouvernement civil ».

 

Pourtant, il semble que la Thaïlande ne soit pas prête à adopter une loi anti-coup. Avec un portage du Pheu Thai par son député Prayut Siripanich, et une autre version du parti « orange », pour encadrer l’action des militaires vis à vis du pouvoir politique, le Bumjaithai d’Anutin, le Palang Pracharat de Prawit Wongsuwon et l’United Thai Nation par le biais de son député et porte-parole Akradet Wongpitakroj, refusent catégoriquement ce projet de loi visant à empêcher de futurs coups d’État militaires. Argumentant qu’il est hors de question d’interférer dans les affaires du ministère de la Défense.

 

De même pour la nomination des généraux dont les partis plus réformistes voudraient avoir la main. « Les chefs des forces armées connaissent mieux leur personnel que les politiciens qui se relaient au pouvoir après les élections » a déclaré le leutenant-général Piya Tavichai, porte-parole du Palang Pracharat. Quant à Anutin, sa position est que « les politiciens ne doivent pas créer les conditions que l’armée pourrait utiliser comme excuse pour organiser un putsch ». Il a déclaré que son parti, le Bumjaithai, allié du Pheu Thai dans l’actuelle coalition gouvernementale, ne voterait pas pour une loi anti-coup d’État si le projet était déposé au Parlement.

 

Afin d’associer le public au débat, le Parlement a ouvert le 2 décembre un sondage d’opinion sur le projet de loi de Prayut Siripanich. Cette consultation se terminera le 1er janvier 2025. Près de 30 000 personnes y ont déjà répondu. Parmi elles, 72,5 % des répondants s’estiment contre le projet de loi anti-coup et 27,5% favorables. Avec son histoire séculaire unique des coups de force de l’armée pour occuper le pouvoir politique, la Thaïlande n’est définitivement pas la Corée du Sud.

 

Philippe Bergues

 

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