Le site français Médiapart, dont nous vous recommandons la lecture, a publié vendredi 21 août une longue analyse sur la situation politique en Thaïlande, marquée par la recrudescence des manifestations démocratiques. L’article est engagé: pour Médiapart, le combat des «gens libres» contre le système thaïlandais est engagé. Est-ce vraiment le cas ? Nos lecteurs, résidents en Thaïlande, peuvent bien sûr apporter leurs commentaires. Nous vous recommandons la lecture de ce texte dont nous publions des extraits.
Nous publions ici des extraits d’un article paru sur le site Médiapart, dont nous vous recommandons la lecture ici: www.mediapart.fr
Dirigées contre l’autoritarisme du gouvernement militaire et du système éducatif, des manifestations nées dans les universités ont pris un tournant historique début août en revendiquant une réforme de la toute-puissante monarchie. Malgré une sévère loi sur le crime de lèse-majesté, les critiques contre l’institution se multiplient après des décennies de censure.
Les autorités se cantonnent à l’arrestation des meneurs de la contestation et le pays s’enfonce dans l’impasse politique. Les manifestants thaïlandais écrivent leurs messages dans plusieurs langues et notamment en français pour attirer l’attention du monde sur leur situation.
« Je suis venue avec mes amis pour distribuer de l’eau et des gâteaux aux participants, c’est notre façon de contribuer au mouvement Free People. Je suis très intéressée par la politique et je veux témoigner de ces changements dans mon pays. » Tenant une pancarte « Arrêtez la violence », Fu Kantima s’exprime en français sur les griefs d’une jeune génération étouffée par la mainmise de l’armée sur les affaires civiles et le pouvoir illimité de la monarchie. Dimanche 16 août, l’étudiante en sciences politiques a bravé l’opprobre parentale et l’état d’urgence en vigueur depuis le début de la pandémie pour rejoindre plus de 20 000 personnes autour du Monument de la démocratie.
L’oligarchie craint toute poussée réformiste
Donnant sur l’avenue Ratchadamnoen, l’édifice est inspiré par l’Arc de Triomphe et les Champs-Élysées et commémore la première révolution siamoise. Au début des années 1920, dans les couloirs d’une université parisienne, des étudiants thaïlandais inspirés par les soulèvements français et russes complotent pour renverser l’ancien régime, qui ne bénéficie qu’à la famille royale et une poignée d’aristocrates au sommet du sakdina. Dans ce système hiérarchique très codifié, chacun se voyait attribuer un rang numérique et un volume de terrain selon son statut social. De retour à Bangkok, le groupe rebelle se mue en Parti du peuple et deux de ses figures, le général Plaek Phibunsongkhram et l’universitaire Pridi Banomyong, mènent un coup d’État en 1932, qui aboutit à l’établissement d’une monarchie constitutionnelle et la création d’une Assemblée nationale. Mais la maturation d’un système représentatif effectif est obstruée depuis près d’un siècle par l’oligarchie parvenue à la tête de l’État, qui craint toute poussée réformiste. De génération en génération, une dizaine de familles ont amassé des fortunes considérables grâce à leurs monopoles sur tous les secteurs-clés.
En 2018, 1 % de la population possédait les deux tiers des richesses nationales, ce qui a octroyé à la Thaïlande le titre de « pays le plus inégal au monde ». Faute d’avoir diversifié son marché, étendu les opportunités et institué un filet de sécurité sociale adéquat, le pays subit aujourd’hui une des plus profondes récessions de la région suite au Covid-19.
Montée en flèche de la pauvreté
Les trois doigts en l’air sont un signe tiré du film « Hunger Games », devenu le symbole de la résistance à la junte militaire en Thaïlande depuis le coup d’État de 2014. Avec la montée en flèche de la pauvreté, les « mangeurs d’impôts », les exorbitants budgets militaires et le mode de vie des élites n’en deviennent que plus intolérables. En juin, les médias ont annoncé l’abandon des poursuites contre Vorayuth Yoovidhya, dit « Boss », accusé d’avoir renversé et tué un policier Depuis l’accident, le riche héritier de l’empire de boissons énergisantes Red Bull vit en liberté à Londres, ce qui a renforcé le sentiment persistant que les millions et les connexions garantissent l’intouchabilité judiciaire à la deuxième famille la plus fortunée du pays. Cicatrices d’un processus de démocratisation inachevé, de multiples coups d’État et constitutions, manifestations et répressions, scrutins truqués et batailles de rue marquent l’histoire contemporaine de la Thaïlande.
Remerciements à Philippe Bergues
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