Dans les bars et dans les verres des japonais, une chronique de François Guilbert

Au fil des dernières décennies, les breuvages occidentaux ont su trouver leur place dans les verres des Japonais. Vins et spiritueux sont si populaires qu’ils nourrissent déjà nombre de sagas de mangakas. Le scénariste Masoho Murano et le dessinateur Nodoka Yoda se sont, eux, emparés depuis 2019 de la bière. Au travers de l’histoire de trois jeunes gens âgés de 25 à 28 ans (Nana Kenzaki, Tetsuo Ashikari, Ryûichi Nonami), une publicitaire qui trimbale son mal être du travail, un photographe bourlingueur et un restaurateur néophyte, il s’agit de faire découvrir l’univers des mousses artisanales nippones.

Pour cela, un lieu récemment inauguré : L’Ours Polaire, un izakaya (bar traditionnel) à la recherche de son identité culinaire. Une urgence économique et markéting pour voir le restaurant survivre en faisant face à ses nombreux concurrents de Kyoto.

En cette décennie 2020, pour trouver sa clientèle, chaque établissement doit chercher à se distinguer. Le chef originaire de la province de Kôchi, tout au sud de l’île de Shikoku, va concocter à l’initiative de ses deux compères des plats où la tradition nippone se marrie avec saveur à la bière. Il ne manque pas de créativité tant pour proposer des tempuras de camembert que des bières locales aux marrons, aux levures de saké ou encore au yuzu.

Étape par étape

Le lecteur s’éveille, étape par étape, à des bières à forte personnalité et à leur adéquation à la gastronomie de Kyoto. Les associations sont originales mais boire un demi d’une tireuse offre bien plus qu’une boisson standard que l’on consomme après le boulot avec quelques collègues. Une pratique pourtant encore dominante dans l’Empire du soleil levant. C’est pourquoi, les auteurs ponctuent ce manga-seinen d’explications sur le liquide du jour, de recommandations de consommation (ex. déshydratation et absorption en période de forte chaleur), de conseils sur les festivals dédiés, d’informations sur les artisans-producteurs et leurs process. En cinq chapitres d’un récit rondement mené sont évoquées treize bières différentes dont une venue d’Hawaï. On se laisse séduire par leurs noms exotiques ou mystérieux, tout en découvrant leurs propriétés.

En se familiarisant au rôle du houblon, aux catégories Ale, IPA, Lager, on se plait à attendre le deuxième volume annoncé en librairie pour la mi-février 2025. En attendant, pourquoi ne pas se mettre derrière les fourneaux pour réaliser son propre menu arrosé de craft beer, des légumes marinés au cheese cake, en passant par un steak de canard wasabi-soja ? Si le récit paru dans la jeune collection Gourmet des éditions Soleil est aussi alléchant, c’est pour partie grâce à la qualité de la traduction de Guillaume Mistrot. Sans alourdir le récit, il a trouvé les justes mots pour rendre compte non seulement du vocabulaire de la cuisine de l’archipel mais également des références culturelles méconnues au-delà des frontières du Japon (ex. jour de la grande purification estivale (Nagoshi no Harae, 30 juin)).

Nodoka Yoda – Masoho Murano : Songe d’une nuit ambrée (tome1), Soleil Manga, Paris, 2024, 193 p, 8,50 €

François Guilbert

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