Le premier jour de l’entrée en vigueur du « Mariage pour tous » en Thaïlande a été marqué par un engouement massif, avec 1 832 couples homosexuels officiellement enregistrés : 616 couples homme/homme et 1 216 couples femme/femme.
Jeudi, avec cette mise en œuvre de la loi légalisant les unions pour les couples homosexuels, la Thaïlande rejoint le cercle de près de 40 pays autorisant le mariage entre personnes de même sexe. Elle devient ainsi le premier pays d’Asie du Sud-Est.
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Les mariages « pour tous » célébrés « en grande pompe », ont probablement concerné des personnes de nationalité thaïlandaises même si l’un des deux ou les deux avaient une, ou plusieurs autres nationalités.
Mais désormais, l’application de la loi étant territoriale, deux ressortissants français (ou étrangers) pourront se marier en Thaïlande (au consulat pour les français) l’obstacle résultant, jusque là, d’une législation équivalente en Thaïlande étant levè. Une impossibilité jusqu’ici invoquée par le consulat. La possibilité effective d’un mariage au titre de la loi française est-il désormais d’application effective et immédiate ? Téléphonez au consulat en vous armant de patience et d’énergie…
Pour un mariage entre deux ressortissants thaïlandais dont l’un est musulman, la question du conflit possible entre deux régimes juridiques dont l’un découlerait d’une « déclinaison » locale de la « charia » est susceptible de se poser notamment dans les 4 provinces du sud. Même si dans ce cadre la polygamie est reconnue dans certaines limites (le professeur Munthaborn parle de « quelques exceptions », un mariage d’une personne avec une femme et un homme (ou toute autre combinaison possible jusqu’à 4, nombre généralement considéré comme « canonique ») parait impossible.
Une réserve est susceptible d’exister lorsque, s’agissant d’un ressortissant thaïlandais et d’une personne non thaïlandaise pour qui le mariage « pour tous », est interdit légalement ou n’existe pas (la loi est muette comme naguère en France malgré les interprétations qui ont pu être tirées de ce mutisme par la jurisprudence), le mariage pourrait ne pas pouvoir être contracté.
Par ailleurs, la loi thaïlandaise ne peut plus faire obstacle à la transcription d’un mariage (pour tous) réalisé à l’étranger. Un nouveau mariage en Thaïlande ne pouvant avoir lieu, deux mariages successifs avec la même personne en l’absence de divorce entre eux étant impossible (Pas de bigamie y compris avec la même personne !). La transcription peut avoir plusieurs conséquences même si elles sont apparemment réduites au regard du droit thaïlandais bien que non négligeables. Il en est autrement d’un conjoint thaïlandais de Français qui souhaiterait faire enregistrer son mariage enregistré Thaïlande en France. De cet enregistrement, en Thaïlande, dépendent notamment : l’accès à la succession du conjoint décédé, le bénéfice, pour le conjoint thaïlandais ou étranger de l’assurance maladie du conjoint thaïlandais salarié s’il en a une, du droit pour chaque conjoint de prendre les décisions utiles et nécessaires en cas d’hospitalisation ou même du droit de visite, d’un décision à prendre en de conjoint dans le coma, du choix d’éventuelles thérapeutiques, de la poursuite ou non des soins, ainsi que de décès, (crémation, inhumation), de disposer d’un compte-joint (d’ailleurs possible en dehors du mariage), d’avoir une incidence sur le régime juridique des biens mobiliers et immobiliers acquis pendant le mariage, du droit d’adopter ou de recourir à la PMA ou à la GPA dans les conditions ouvertes aux couples hétérosexuels. La nouvelle loi thaïlandaise, selon le professeur VITIT MUNTABHORN (article du Bangkok Post du 22 janvier 2025) ne contiendrait pas de dispositions explicites concernant la transcription mais comme elles existent déjà pour le mariage hétérosexuel, on peut penser qu’il y aura une transposition. Réalisée comment ? Une loi, un acte règlementaire, une circulaire ? En l’absence de dispositions la possibilité de la transcription es t-elle aujourd’hui effective ?
Une incertitude, si ce n’est une difficulté voire un obstacle risque de surgir dans le cas ou l’une des personnes candidate au mariage pour tous, l’une deux étant de nationalité étrangère ou, à fortiori les deux, est ressortissante d’un pays dans lequel le « mariage pour tous » est interdit ou lorsque la loi est muette, le motif pouvant découler de préceptes religieux ou autres . Le cas s’est posé, en France, relativement à la possibilité pour la France de prononcer un mariage au titre de la loi du 17 mai 2013 avec un ressortissant cambodgien au motif que la loi du pays, au niveau constitutionnel, inspirée d’ailleurs par la législation coloniale s’y opposait. Il en serait ainsi pour les ressortissants de 11 pays étrangers qui ne pourraient pas bénéficier de la loi française en raison de conventions internationales supérieures à la loi nationale, art 55 de la Constitution de 1958)
L’adoption du « mariage pour tous » en Thaïlande produirait, selon Vittit Munthaborn, des effets juridiques en chaînes sur plus de 50 lois, de la citoyenneté au droit du travail et au droit commercial et d’abord au droit civil, à commencer par la substitution, dans tous les codes, du terme genré « homme » et « femme » par « personne » ou « époux ». Parmi les dispositions nouvelles, l’une d’elles, dispose que la majorité requise pour le mariage passe, sauf dispense, de 17 à 18 ans.
Dans l’état légal actuel du droit, le sexe est considéré comme assigné à la naissance et donc basé sur la biologie (la distinction anatomique n’est pas toujours aussi… tranchée), le genre est considéré comme une construction sociale. Même si des avancées vers une prise en compte du genre est défendue par certains groupes LGBTQ, la loi s’est abstenue de légiférer les concernant, ce qu’ils déplorent. Ces groupes considèrent que c’est une étape ultérieure de leurs revendications en vue d’une reconnaissance légale. Cela ne fait pas obstacle au phénomène trans-genre dont les « travestis » ne sont qu’une expression et au constat d’une certaine acceptation en Thaïlande. La réalité de cette tolérance si ce n’est acceptation, bien qu’accompagnée d’interventions anatomiques et d’adjuvants chimiques, reste en dehors d’une reconnaissance juridique. Aucune disposition légale ne permet de se revendiquer d’un genre distinct de son sexe biologique pour le moment mais jusqu’à quand ?
En attendant le royaume espère bien doper son potentiel touristique et élargir celui ci d’un nouveau segment marchand (est-ce un motif de poids de l’évolution thaïlandaise ? Observons qu’aucune législation coloniale directe antérieure ne s’est imposée ) et, nous lecteurs de Gavroche, attendons avec impatience les commentaires de notre chroniqueur siamisé… et, éventuellement la correction des erreurs qui pourraient figurer dans les propos.